Sauver le soldat «Blink»

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— Les troupes sont déployées, mon lieutenant! ? Nous attendons les ordres!»

L'officier Muñoz inspecta sa montre connectée. Peut-être une fausse alerte. Ce n'était pas la première fois que ce clown leur faisait le coup. Lui et ses expériences dangereuses complètement débiles.

Dire que j'ai été démobilisé pour ça...

Il fallait se reprendre. Il était là pour faire un boulot de merde et c'était sa punition pour s'être fait blesser. Il avait décidé d'accepter la sentence et de tout faire pour rentrer dans les bonnes grâces de ses supérieurs.

Même si ça voulait dire nettoyer la merde d'un scientifique à moitié cinglé. Sachant que l'autre moitié ne valait pas beaucoup mieux.

— Sergent. Déployez un tiers des hommes vers l'est du complexe. L'autre tiers vers l'ouest et le reste avec moi. On collapse côté sud. Vu?
—O–Oui, mon lieutenant!»

Il sentit une hésitation.

'Tain, en plus je me coltine tous les troufions les plus débiles.

— Vous êtes douze. Un tiers ça fait combien, chez vous, sergent? Bah, laissez tomber la question, je vais vous épargner un calcul douloureux. Quatre hommes par groupe. Au trot et on garde le contact.
—Euh, mon lieutenant, on tire à vue?
—La dernière fois que notre protégé a laissé s'échapper l'une de ses bestioles, Floyd a failli se faire couper en deux. Donc si tu vois un truc –autre que le prof, hein– tu poses pas de question et tu tires!»

⭐⭐⭐

— Et si on se servait de lui comme bouclier humain?»

Traxton regarda Jigsen fixement. Il voulait que le pilote sentit le poids de son jugement et de sa consternation.

— Pire idée du monde. On doit déjà exfiltrer la gamine, et c'est pas simple. On s'encombre pas de ce mec en plus, c'est un non négatif.
—Moi, c'que j'en disais, hein...»

Ils avaient vu les militaires se séparer en trois groupes. Rien qu'à les voir se déplacer, c'était clairement des bleus. Ils pourraient s'en sortir, à condition de ne pas tomber sur des nerveux de la gâchette.

—Scipio, tu m'entends?
—Oui, je vous perçois capitaine. Que s'est-il passé?
—Je t'expliquerai. On est dans la merde, faut qu'on bouge. Démarre les moteurs, et prépare nous une extraction avec au moins trois hyper-sauts.
—Et avec ça, vous voulez un petit café et du vrai sucre?
—C'est pas le moment, merde! Arrête de faire ta diva et fais chauffer les turbines!

Rasant les murs, ralentis par M3d1c qui brinquebalait, conformément à ses habitudes, le jeu s'annonçait serré. Les militaires allaient se rejoindre sur le devant du complexe. Un groupe allait forcément les intercepter en passant du côté de la plateforme du Rodger Young.

Pour ne rien arranger, le complexe était un vrai labyrinthe.

La Salle des Spécimens était verrouillée et sécurisée, impossible d'ouvrir les portes blindées. Ils devaient faire le tour. Heureusement, Yamato avait déjà piraté la domotique et avait un plan de la résidence.

— Bon, les enfants, y a pas trente six solutions. Il faut qu'on laisse le temps à M3d1c d'arriver jusqu'à Scipio. Après, on pourra le rejoindre et filer.
—Euh, cap'tain, j'vois au moins trois inconvénients à ce plan, sauf vot' respect, hasarda le pilote.
—Seulement trois? Objecta Yam.
—C'est pas compliqué. On déclenche une fusillade, ça fait diversion et on en profite pour se barrer.
—Effectivement, ça fait plus que trois inconvénients. Mais c'est notre meilleure chance.»

Traxton et Yam filèrent dans un direction, M3d1c et Jig dans l'autre.

Ils longèrent le complexe le plus vite possible pour arriver de l'autre côté du vaisseau. Le groupe de soldats avançaient lentement, en inspectant soigneusement les alentours. Ils étaient de toute évidence bien plus prudents que leur maigre expérience ne le laissait supposer.

Le capitaine se mit en position de tir. Il ne fallait blesser personne, juste faire peur.

— Capitaine, une fois que nous serons découvert, ils chercheront à nous encercler.
—Je sais, Yam, je sais. Concentre toi sur la réussite, tu veux?
—A vos ordre. Toutefois, comment allons nous sortir de là une fois assiégés?»

Ah.

— T'inquiète, j'ai la solution. Tout va très bien se passer.»

⭐⭐⭐

— Lieutenant Muñoz! On essuie un tir ennemi! C'est une intrusion!»

Bordel. Enfin un peu d'action.

— On arrive sur vous, sergent! Restez à couvert, occupez-les!»

Sa petite escouade rejoignit au pas de course le lieu de l'escarmouche. Le groupe de l'adjudant Koçak arrivait lui aussi, l'autre direction. Muñoz observa la scène. Deux tireurs embusqués. Des tirs aussi précis qu'un bombardement planétaire, heureusement pas aussi efficace.

D'un geste de la main, il indique à Koçak de tenir la position. C'était à lui de neutraliser la menace. Et de récupérer les honneurs, cette fois.

— Si ils résistent, abattez-les. La priorité, c'est la protection de ce timbré.»

Il pénétra avec ses gars dans le bâtiment, avec le puissant sentiment du prédateur traquant sa proie.

⭐⭐⭐

Abrités derrière une corniche surplombant la zone, Traxton et sa garde du corps avaient du mal à jauger la situation. Les soldats s'étaient mis très vite à couvert et les soumettaient à un feu constant. Ils s'étaient bel et bien coincés tout seul.

— Capitaine, m'autorisez vous à blesser nos assaillants?
—Tu rigoles? Si on fait ça, on va avoir toute l'armée au cul!»

Il se leva pour tirer, mais un tir ennemi l'obligea à se protéger. Il devait se barrer et tout de suite.

—Scipio, qu'est-ce qu'ils foutent?
—Je les ai en visuel, Capitaine. On va venir vous chercher. Tenez bon.

Un tir explosa le permacier à quelque centimètre de son pied. Et ce tir ne pouvait pas provenir de la cour.

Oh merde...

Devant Traxton se tenait un solide gaillard aux bras épais, la mâchoire carrée, le regard froid et fixe du mec habitué à viser.

— Jetez vos armes. Au nom de la Fédération Spatiale, je vous déclare en état d'arrestation!
—Yam? J'ai changé d'avis. On reste sur la catégorie 5.
—Entendu.»

La catégorie était la classe de réponse la plus douce : blessures non létales recommandées sur les subalternes. La gynoïde tourna son arme sans hésiter une seule seconde et logea une balle dans le bras d'un des soldats du gradés.

La réaction ne se fit pas attendre.

Se jetant de part et d'autre, Traxton et le robot s'esquivèrent face à la riposte.

—SCIPIO! Amène toi MAINTENANT!
—La sécurité est activée, capitaine. Si on décolle maintenant, les tourelles laser vont nous transformer en sauce barbecue.
—'Tain, c'est pas vrai! On va crever ici et pauvre, en plus!

— Ce sera mon dernier avertissement! Rendez-vous bien sagement ou on vous débusque à la grenade plasma! Je compte jusqu'à trois! 1...»

Le capitaine jeta un œil vers Yamato qui le lui rendit. Il lui fit non de la tête. Elle lui répondit oui de la même manière. Il la regarda, sans rien comprendre. Elle tapota sa tempe avec un petit bruit métallique avant de lui faire un signe en direction des militaires.

Hein?

— ...2...»

Il n'était pas du tout certain de bien comprendre les intentions de sa garde du corps. Devait-il se rendre? La laisser faire? Elle avait une tempe blindée?

— ...1...»

Plus le temps. En sueur, il décida d'improviser complètement en roue libre en misant tout sur la chance.

— C'est bon, je me rends! Ne tirez pas!
—Jetez vos armes et sortez, les mains en évidence. Et pas de geste brusque.»

La voix était autoritaire, puissante et assurée. Lui, c'était un dur, un vrai. Et ça tombait très mal, il aurait du mal à le bluffer. Ce genre de type était des machines à tuer qui ne cherchaient pas à comprendre.

Lui et Yamato jetèrent leur arme de poing. Le robot lui fit un signe de tête. Ils se levèrent en même temps, les mains en l'air.

⭐⭐⭐

Muñoz n'en croyait pas sa chance. Une vraie attaque terroriste sous sa garde. Et une attaque terroriste maitrisée sans dommage.

Enfin presque, se dit-il en essayant d'ignorer les gémissements de douleur de Stavros.

Braquant son fusil plasma réglé sur le mode rafale, il se sentit sourire en découvrant ses assaillants. C'était plus fort que lui, il avait ses petites habitudes dans ce genre de situation. Il prenait soin de détailler ses prisonniers. D'abord les visages. Toujours. L'expression de la défaite, de la peur, ou de la colère. Puis les mains. Très important, en cas de grenade. Les paumes ouverts, c'était parfait.

Ensuite, recherche d'armes, de haut en bas. Pour les armes blanches. L'espace d'un instant, c'était bien assez. Ensuite, retour sur les mains.

Mais un détail le perturba. Il sentit son cerveau geler. Il avait compté les mains. Il y en avait quatre. Maintenant, il n'en comptait plus que trois.

— Mais q–»

⭐⭐⭐

Yamato avait trompé le militaire. Elle avait équipé son bras canon et n'avait pas attendu pour décocher son tir. Le capitaine s'attendait à voir l'homme s'effondrer. Mais la cible était ailleurs.

Le boitier de raccordement électrique derrière le gradé explosa dans une gerbe crépitante d'étincelles. Traxton et Yam se jetèrent sur leur armes alors que le courant de l'installation se coupa.

— Mais comment t'as fait ça?
—Balle taser. J'ai surchargé le système. Les tourelles laser sont offline pour 3 minutes.»

Un long hurlement se fit entendre.

— Euh, tu crois que ce cinglé avait d'autre Lupion en cage?»

Deux autres hurlements lui répondirent.

—Scipio, Jig, on a trois minutes pour se tirer! Go go go!

— Vous n'irez nulle part! Restez ou vous êtes!
—Vous choisissez mal votre moment pour faire du zèle.»

L'homme se rua sur le capitaine, une cible bien plus facile pour lui. Fou de rage, il tenta de frapper Traxton de toute ses considérables forces. Yamato lui saisit le bras d'un mouvement fluide, terminant par une clef de bras.

Droit dans les yeux, les deux hommes se défièrent.

— Deux choix pour toi, Lieutenant Muñoz, proposa le capitaine en lisant la bande patronyme.
Soit tu veux te battre, soit tu protèges tes hommes des horreurs qui rôdent dans ce complexe. Et j'ai dans l'idée que ton petit protégé pourrait aussi finir en snack. Réfléchis bien, mec.»

Yamato le relâche et l'homme se dégagea aussi brutalement que prestement.

— D'accord, p'tit malin, t'as gagné. Mais j'te retrouverai. Tu peux me croire. C'est pas fini.
—Occupe toi de tes hommes, moi je m'occupe des miens. D'ici là... Hasta luigi.»

La réplique de Muñoz fut interrompue par l'arrivée et le bruit des turbines du Rodger Young tournant à plein régime. Un autre hurlement se fit entendre. Le lieutenant arma son fusil, ramassa le soldat indemne et s'engouffra au pas de course dans le complexe.

⭐⭐⭐

Abends, will ich schlafen gehn,
vierzehn Engel um mich stehn:
zwei zu meinen Häupten,
zwei zu meinen Füßen,
zwei zu meiner Rechten,
zwei zu meiner Linken,
zweie die mich decken,
zweie die wecken,
zweie die mich weisen
zu Himmels Paradeisen.

Berceuse allemande

Quand vient la nuit,
je veux m'en aller dormir
14 anges sont à mon chevet
2 au dessus de ma tête,
2 à mes pieds,
2 à ma droite,
2 à ma gauche,
2 qui me bordent,
2 qui m'éveillent,
2 qui me montrent
Le chemin vers le céleste Paradis.

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