Acte I

6 minutes de lecture

La nuit arrive.

Pour que survive,

Et se ravive,

La source d’eau vive.

La nuit arrive…

Au centre de rien, entouré de leurs congénères,

Gisent près des siens, ces curieux êtres tentaculaires.

Ces curieux hêtres tentaculaires…

Tantôt railleurs et ricaneurs,

Sans cesse flâneurs.

Et de leur taille si admirable,

En jalouserait l’âme vénérable.

S’écoule à leurs pieds,

La brume ruisselant comme d’un torrent glacé.

À l’image d’une âme dépossédée,

Crachant des souffles exaspérés.

Une nébulosité qui, envoutée, nous cache ses fées. Esprits des jeunes filles égarées. Celles-ci teintées de nappes ocrées.

Tapis du fond des cœurs serrés…

Quant à ces chants parfois muets,

Et dont s’échappe le moindre secret,

Exfiltre même cette canopée.

Tel est le bois des âmes damnées…

De leurs branchages comme de longues griffes fort acérés,

Dévoilent leur éclat terne et leurs feuillages.

S’ajoute à eux l’ombre d’un homme loin de son village.

À chaque mouvement produit un son qui l’imiterait.

Bruitant en l’épousant,

La mécanique des fers s’entrechoquant.

Cette personne qui goûte l’écume,

Par son visage s’en devine toute l’inquiétude.

Harassé par les vents, semble porter les poids d’un homme qui ment.

Sans plus connaître le goût du laid, celui des saints qui l’enivrait.

Voici un bien cruel fardeau. Ne plus reconnaître son propre berceau…

Trop peu bercé pour en comprendre toute la pureté,

Du balancement des eaux qui s'harmonisent pour former ainsi la marée.

On lui devine de nombreuses plaies.

Qu’elles fussent montrées comme bien cachées.

Sans qu’aucune d’elles ne puisse l’achever.

Drainant simplement de quoi montrer,

La marque passée d’une certaine touche de vitalité.

Des traces de vie qu’il chérissait…

Qu’il en assume les conséquences ; l’adieu à son jardin d’enfance…

L’homme sur son chemin, hors des sentiers, s’arrête soudain pour contempler,

Un corps gisant au ras du sol.

Et cette pleine lune qui les survole !

Surement si douce lorsqu’on la touche… par la distance figure farouche,

Observe en juge ces êtres ô combien étiolés,

Sous le regard profond d’un ciel tant étoilé.

Mais l’homme qui vit semble tant épris,

Par cet âcre corps inanimé. Par les coups tant imaginés qui firent de l’autre un macchabée.

Or, ce spectacle n’était pas le sien…

Cela n’aurait pas dû être le sien.

Même dans l’obscure, il a fallu qu’il l’endure.

Car cette lune l’avait choisi. Elle éclairerait de ces rayons pour que tout cela il le vit. Jusque dans les moindres détails. La mort dressée pour qu’elle l’entaille.

Des choses qui auraient dû rester voilées,

Celle-ci lui montre et crie : vois-les !

On l’a dit belle, mais si cruelle.

Peu importe.

Il lui échappera comme à chaque fois.

Quand viendra l’aube, elle partira.

Et comme pour d’un coup l’apaiser, une autre lueur vient l’effleurer.

Quelle grâce ! Cette source-là doucement l’embrasse.

S’amène à lui avec ardeur, infiltre ses yeux et puis l’inonde.

Une clarté qui n’a pour demeure, non pas les cieux, mais bien ce monde.

Alors, charmé, comme enchanté, s’en part chercher cette étrange chose semblant l’appeler.

Après un court trajet à ne suivre plus que cet éclairage,

Sorti de ces bois, a cru voir ce qui lui paraissait être un mirage.

Un paysage. Des plus saillant et glabre. Circule dans l’air, un vent macabre.

En face de lui, une falaise.

L’étendue baigne dans une mer qui crée le malaise.

Et sur le côté, un phare dressé,

Qui comme lui, contemple ce qui git ; qui par magie nous attirerait.

Cette tour bien éclairée semble murer quelques secrets.

À la fenêtre il voit valser,

Un être de chair qui attendait.

L’ombre amusée d’une silhouette svelte et allongée.

Et dont les cheveux comme possédé vaguent à tout va, ici et là.

Et orchestrée par les esprits,

Vient la musique d’avant minuit,

Qui en ferait glapir les harpies.

Âpre créature que même la nuit,

Aurait souhaitée qu’elles soient bannies !

L’y poussant presque davantage, vint la pluie qui frappe avec rage.

La porte laissée ouverte, l'homme se réfugia à l'intérieur. Par ses habits trempés, cherche ne serait-ce qu’un peu de chaleur.

Bien qu’emmuré entre ces murs, sa peau souffre toujours de brulures…

La nitescence frappe à outrance.

Fenêtre et moindres interstices, serpente cette lune provocatrice.

L’homme

Oh ! Hé !

Il y a quelqu’un ?

Je me suis égaré en chemin. J’ai pensé que peut-être…

La fille du phare

Qu’est-ce que vous venez faire ici ?

L’homme

Oh… Excuse-moi…

Je… Je me suis égaré en chemin et…

Je viens… simplement m’arrêter le temps d’un nouveau souffle. J’ai fait beaucoup de route et mes plaies me grondent…

Je ne suis pas dangereux ; pas le moins du monde.

La fille du phare

L’homme

Pardon, mais… tout va bien ?

Ne le prends pas mal… mais… Ton visage… Tu as une mine qui effraierait même un mort. Et c’est peu dire.

La fille du phare

N’approchez plus ! Restez-là !

N’approchez pas !

L’homme

Non ! Non… Je croyais connaître ce visage ; et je voulais simplement mieux te voir. Apprécier ce qu’il se cache derrière ses cheveux…

Regarde, je prends simplement de quoi m’asseoir. De quoi me reposer un petit peu.

Tu es toute seule ? Tu es toute pâle… Tu es malade ?

La fille du phare

J’ai attendu... Beaucoup trop attendu…

Je veux partir !

J’attends une personne… Qu’il me revienne avec cette chose ! Il me l'a pris sans savoir le mal que ça aurait pu me faire !

L’homme

De qui tu parles ?

Il n’y a plus personne aux alentours…

À moins que…

J’espère me tromper... Mais j’ai peut-être rencontré quelqu’un sur mon trajet. Pas très loin d’ailleurs. Du reste, je ne sais pas qu’elle était ta relation avec elle, mais…

La fille du phare

Je ne voulais voir personne ! Je me serais enfermé si cela avait été possible. Mais il est parti avec son trousseau de clés...!

L’homme

Écoute, je ne sais pas trop bien comment te dire ça, mais il se pourrait…

La fille du phare

Il est parti ! Il est parti !

Cela s’est passé tout près d’ici ! Hors des falaises ! Sur une plage et un banc de sable…

L'homme

Mais de quoi tu parles ? Qu’est-ce qu’il t’a pris de si important ?

Mais regarde autour de toi, bon sang ! Qu’est-ce que tu fous ici déjà toi ?! Tire-toi simplement de là si tu y tiens.

La fille du phare

Non ! Non ! Je vous ai dit de ne pas approcher !

L’homme

Calme-toi ! C’est de cette fenêtre ! Je ne m’approche pas de toi…

Dis-moi, cette personne dont tu parles, elle ne serait pas partie avec de quoi s’éclairer à tout hasard ? Je crois voir de la lumière sur une des plages se dessiner là-bas.

La fille du phare

Pourquoi êtes-vous venu par ici ?

L’homme

Je crois, rien. J’ai dû me perdre tout simplement.

Mais ne te traumatise pas. Je ne suis pas la mort qui vient frapper à ta porte. À cette porte du coup…

La fille du phare

Pas toi… Ton regard…

Il me fait ce curieux effet.

L’homme

Mon regard ?

Je ne pense pas qu’il faille t’en soucier.

Il est surement la marque d’une autre sorcellerie. Et qui je ne pense pas te soit dangereux.

Tu veux que j’y aille pour toi ?

La fille du phare

Non, non !

… Ne pars pas…

L’homme

Tu ne veux plus que je parte maintenant ?

Tu ne voulais pas rester seule ?

La fille du phare

Mais si tu pars, tu reviens !

L’homme

Oui… ne t’en fais pas... Je reviendrais.

La fille du phare

Non ! Non !

L’homme

Regarde ! J’avance tout… doucement. À présent, très lentement… prends ma main.

Non, attends juste… Tiens ! Ne lâche plus !

Je t’ai dit que je ne te ferais pas de mal. Et je te fais même la promesse de revenir.

Tu vois ? Tu… Tu n’as rien à craindre…

Je… Je ne comprends pas… Tes… Tes doigts…

On en devine la tendresse qu’ils ont su rendre par le passé.

J’en suis sûr… toute la chaleur qu’ils peuvent donner semble s’y déceler…

Et pourtant… si froid au touché… Très froid… Trop froid…

Je ne sais pas ce que tu as vécu avant de me rencontrer, mais te sens-tu à présent plus en sureté ?

La fille du phare

Oui.

L’homme

Ce n’était pas un oui ça.

Tes yeux te trompent. Ils semblent délivrer beaucoup de choses, mais certainement pas un oui. Et tu ne me feras pas croire ça.

La fille du phare

Crois ce que tu veux ! Ou ne crois plus !

Mes yeux ne voient plus rien…

Pas même la sincérité que sur l’instant tu sembles porter… Juste simplement un poids… venant de mes sens au toucher…

Mais… qui j’admets… me fait apprécier… sentir tes doigts comme palpiter…

L’homme

Pour une raison qui m’échappe… j’irais chercher pour toi ce qui te presse. Je t’en fais ici la promesse.

Si à tout hasard je croisais cet homme que tu attends, dois-je m’alarmer ou m’inquiéter pour une quelconque raison qui m’échapperait ?

La fille du phare

Je te laisse seul juger…

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