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Chris montait calmement les marches. Elle serrait le revolver qu'elle avait glissé dans la poche de son manteau. La peur commençait à faire surface dans son esprit mais elle ne voulait ni ne pouvait faire demi-tour : elle avait promis à Emily de tuer Aiden et elle n'y renoncerait pour rien au monde.

Les battements de son cœur cognaient de plus en plus fort au fur et à mesure qu'elle avançait. Elle atteignit bientôt la porte de l'appartement 5. Elle sonna. Personne ne vint jamais ouvrir. Elle se mit alors à marteler le battant de toutes ses forces. Mais il semblait que l'appartement était désert. Chris s'abaissa alors et souleva familièrement le paillasson. Elle fut surprise de trouver les clés juste au-dessous. Elle se dit qu'il était fort commun de les laisser à ce genre d'endroit, mais avait peine à croire qu'elle y avait pensé.

Se rappelant de la tâche qu'elle devait accomplir, elle chassa vite ces futilités de son esprit et tourna la clé dans la serrure. Elle pénétra dans l'appartement d'Aiden. Les volets étaient baissés. Le plancher grinçait. Il faisait sombre et froid. Elle progressait avec méfiance dans la pénombre, à la recherche d'un éventuel signe de présence de la locataire. Des habits traînaient au sol, une bouteille de jus de fruit entamée était posée sur la table avec un verre dans le fond duquel stagnait toujours la boisson, des miettes couvraient la surface du meuble. Des mouches voltigeaient d'une pièce à une autre et le lieu en semblait envahi.

Chris ouvrit les rideaux. La lumière dévoila alors les recoin de l'appartement, plus crasseux encore qu'il ne l'avait paru dans l'obscurité. La jeune femme entra dans la salle de bain et alluma la lumière. Un pinceau trempait dans une eau grisâtre, au fond de la baignoire. Il y avait du sol au plafond des trace de peintures noires et les quatre murs blancs carrelés étaient décorés des mots : « I hate I hate I hate... » répétés à l'infini. Les lettres avaient été peintes avec maladresse : tantôt elles se chevauchaient, tantôt de grosses gouttes s'en étaient échappées, laissant de longues traînées sur les murs. Le lavabo était rempli de pièces de monnaie, de couverts en argent et même de billets chiffonnés tout imbibés d'eau. Chris s'approcha du lavabo et tira du bout des doigts vingt dollars de l'eau. Le papier détrempé se désagrégeait dans sa main. En fixant le miroir brisé, elle murmura pour elle-même :

- L'argent n'intéressait pas Aiden.

Elle remarqua, sur le bord de la baignoire, une bougie consumée et une photographie dont le coin avait été brûlé. Chris s'en saisit et la regarda attentivement. On y voyait Emily en compagnie d'une autre femme dont elle semblait très proche. Probablement Aiden, songea Chris. Elle focalisa son attention sur sa future victime. Cette dernière était de taille moyenne, avec un visage doux, assez fin, bien qu'elle eût de bonnes joues, les yeux noisettes, les cheveux châtains très clairs, mi-longs, légèrement ondulés. Le visage d'Aiden lui était familier. Il lui était cependant impossible de se souvenir où elle l'avait croisé exactement. Alors qu'elle tentait de se remémorer quelque détail au sujet de la cible de son meurtre, elle avait plongé la main dans l'eau stagnante de la baignoire et avait empoigné le pinceau dont les poils étaient encore gorgés de peinture. Elle commença maladroitement à tracer des lettres sur le carrelage mural. Quand elle y eut finalement inscrit « I hate », elle observa attentivement le mur. Son écriture...

Elle fit un pas en arrière, tremblante. Elle tourna brusquement la tête et tomba nez à nez avec son reflet dans la glace fissurée. Elle cria. Ce visage ! Cette fille dans le miroir ! Aiden, c'était elle ! Chris courut hors de la pièce et se jeta dans le canapé sans cesser de hurler. Elle entendit soudain un bruit sourd et le plafond trembla. Une forte voix d'homme dans l'appartement d'au-dessus grogna :

- C'est pas bientôt fini ce boucan !

Chris se tût. La douleur ne pouvant plus s'échapper par sa bouche, de chaudes larmes se mirent à ruisseler sur son visage. Elle enfouit la tête dans un coussin et tenta de se calmer.

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