Le samedi midi suivant, quand Théo ouvrit sa boîte aux lettres, il fut surpris d’y trouver une enveloppe carrée. Son pouce caressa l’épais papier ivoire. L’écriture lui était étrangère. Il attendit d’être chez lui, assis près de la baie vitrée, traversée d’une lumière mate d’automne. Il s’était muni de son coupe-papier afin de ne pas abîmer l'enveloppe. Il sortit une carte pliée en deux. Sur la face, une esquisse originale au crayon. Il reconnut la source d’inspiration : « La Belle Dame sans Merci » du préraphaélite Dicksee. La silhouette de la femme à cheval, penchée vers le chevalier : il s'abandonnait au baiser, les bras en croix. Cette offrande lui en rappela une autre : son corps à nu, la marque encore profonde.

Une discrète signature dans le coin : Wolf, la lettre W formant une denture.

Il ouvrit la carte et lut le texte, soigneusement calligraphié :

Lèvres entrouvertes
Elle avait souri au-dessus de lui
Couronnée d’ipomée sous la sombre ramure

Ploie
Ton
Cou

Il reposait dans la clairière contre l’armure
Sur sa peau, demi-lunes déjà bleuies
Objets de la quête

Il porta la carte à son visage. Il sentit, ou imagina, un effluve de rose thé. D’un geste lent, il posa la carte contre sa poitrine et ferma les yeux. Toucha la marque cachée sous son pull, soupira. C’était la première fois qu’on lui écrivait un poème.

Morsure de Loreleï. Souvenir — et invitation.

Notes :

Il s'agit d'un extrait du "Chant de Loreleï", dont je sème des bouts : "sale pute" et le poème "le chant de Loreleï". Cela me permet de tester et partager un roman qui part pour le moment dans tous les sens.

Lien pour l'oeuvre de Dicksee : https://fr.wikipedia.org/wiki/Frank_Bernard_Dicksee#/media/Fichier:Redgirl_and_knight02.jpg