Chapitre 35 : Les créatures de Gothémia (chapitre remanié)

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 Je quittai les bras de mon ami, encore essoufflée.

 « Courage Nêryah, nous ne sommes pas loin des oasis. Nous pourrons bientôt nous réfugier au village des Komacs », me souffla-t-il d’une voix chaleureuse.

 À peine remise sur pieds sur un sol relativement stable, je me retrouvai nez à nez avec d’horribles créatures, semblables à des loups, au pelage gris-noir maculé de boue. De longs piquants longeaient leur colonne vertébrale jusqu’à la pointe de la queue. Même dans la pénombre, je pouvais distinguer d’immenses crocs acérés devant leurs museaux retroussés par l’envie de tuer. Mais le plus frappant et le plus effrayant, surtout la nuit, étaient leurs affreuses prunelles rouges, injectées de haine.

 Devant cet abominable spectacle, je ne pus m’empêcher de pousser un cri, reculant prudemment de quelques pas. Je m’arrêtai net, prenant conscience que je risquais à nouveau de m’enfoncer dans la zone des sables mouvants.

– Oh mon dieu ! soufflai-je, la bouche entrouverte, priant je ne sais quelle divinité d’Orfianne pour échapper à une mort certaine.

 Je dénombrai une bonne trentaine de créatures.

 Trente monstres. Contre deux frêles Orfiannais exténués et assoiffés ; sans aucune possibilité de fuir. Juste derrière nous, les sables mouvants, face à nous, une armée de bêtes avides de nous dévorer.

 Avorian se posta devant moi, prêt à me défendre.

– Quelles sont ces créatures ? questionnai-je d’une toute petite voix.

– Des Glemsics, les loups du désert. Prends garde, leurs morsures sont mortelles. N’oublie pas : maîtrise de soi et connexion à Orfianne sont les mots d’ordre ! Utilise tes sphères et ton rayon paralysant, protège-toi à l’aide de ton bouclier, maintenant !

 Avec leurs crocs tranchants, je me doutais que ces bestioles pouvaient facilement m’arracher un bras. Cette idée m’horrifia davantage. Pourtant, le mage se montrait d’un calme olympien, comme lorsque nous nous enfonçâmes dans les sables mouvants.

 Les créatures ne bougeaient pas. Elles se contentaient de nous épier, observant chacun de nos mouvements, attendant le moment propice pour passer à l’assaut. Je ne voulais pas tuer d’animaux, mais je n’avais guère le choix. Je plaçai mes mains en position parallèle, prête à créer la substance magique par l’union des polarités.

 La meute chargea. Terrifiée, je me sentis incapable de capter la magie d’Orfianne. Mes émotions me dominaient complètement et prenaient le dessus sur mes pouvoirs. Un déferlement de sphères jaillit de mes mains, sans que je ne puisse contrôler quoique ce soit. Je gémis de désolation, effrayée par ma propre magie. Elle émanait de moi sans que je la commande, gouvernée par ma peur. Mes sphères atteindraient-elles au moins leurs cibles ?

 Avorian projetait de puissants rayons lumineux afin de repousser nos assaillants. La plupart reculèrent, aveuglés par leur éclat scintillant dans la nuit. Un Glemsic plus téméraire s’apprêtait à bondir sur lui. Par réflexe, je lançai un globe bleuté. Mais ce dernier ne fit qu’effleurer l’animal qui couina en clopinant, puis décampa. D’autres monstres approchèrent la gueule grande ouverte, grognant, claquant des dents. Avorian et moi ripostâmes en cœur avec nos rayons paralysants. Ils esquivèrent l’impact et foncèrent droit sur nous.

 Paniquée, je propulsai mes orbes devant moi, sans relâche, à la manière dont on jetterait des cailloux, sans prendre la peine de viser. Ce pouvoir devait normalement traverser leur chair, pour autant qu’il atteigne sa cible ! Leurs larges mâchoires arrivèrent à ma hauteur. Je pouvais sentir leur horrible haleine envahir l’air ambiant. J’avais tellement envie de hurler en fermant les yeux, dans l’espoir insensé de fuir cette situation insoutenable.

 Mais non ! Guidée par l’adrénaline mêlée à mon instinct de survie, je parai leurs morsures avec mon faisceau, fouettai leurs museaux. Cela fonctionna pour la première vague. Les Glemsics anticipaient cependant la moindre de mes tentatives, et semblaient se multiplier indéfiniment.

 Soudain, les horribles créatures cessèrent leur attaque de front pour venir nous encercler. Nous nous retrouvâmes cernés en un clin œil, sans aucune échappatoire. Leur rapidité d’action m’impressionna. Ces loups du désert attaquaient de façon organisée. Comme s’ils obéissaient à un alpha mâle, ou qu’une force supérieure les dirigeait.

 Postée autour de nous, la meute passa à l’offensive. Curieusement, elle m’évita et bondit sur Avorian. J’utilisai mes sphères cette fois-ci en combat rapproché, les décochant à seulement quelques centimètres de ces monstres. Ils grognaient, glapissaient, d’autres trépassaient, sans jamais me toucher. Pourquoi ne s’en prenaient-ils qu’à Avorian ?

 Il se défendait vaillamment, sans aucune chance de s’en sortir indemne. Je tentai de reproduire sa technique : élargir mon rayon anesthésiant pour qu’il se propage dans toutes les directions. Je plaçai mon bouclier autour de moi en visualisant l’action. Je pris le temps d’inspirer, de sentir le sable, le fluide d’Orfianne sous mes pieds.

 La magie pure afflua enfin en moi. Elle agissait dans mes membres, telle une onde cristalline, douce, apaisante, remontant jusqu’à mes mains. Et pourtant, en total contraste avec cette légèreté, un faisceau mortel se déploya de mes paumes, percuta plusieurs Glemsics à la fois. Quelques-uns s’enfuirent ou moururent sous l’impact, mais d’autres, plus résistants et terriblement acharnés, reprirent leur assaut contre le mage, ignorant mes offensives répétées.

 La puissance de mon sort m’avait fait perdre mon bouclier !

 Malgré les coups qu’il recevait, Avorian ne perdait rien de sa bravoure. Il n’avait d’autre choix que d’abattre ces monstres. Les énormes piques sur le dos des Glemsics se révélaient aussi dangereux que leurs griffes ou leurs crocs acérés. Nos forces diminuaient, tandis que leur nombre augmentait : de nouvelles vagues déferlaient pour remplacer les précédentes.

 Soudain, Avorian se courba en se tenant la gorge et perdit son bouclier protecteur, comme si une main invisible l’étranglait. Un loup profita de ce moment d’inattention pour se jeter sur lui. Le Guéliade tituba sous son poids puis s’écroula. La créature l’immobilisa avec ses pattes antérieures et mordit à l’épaule. Il secoua mon ami dans tous les sens, comme une vulgaire poupée de chiffon.

 Avorian hurla de douleur. Sans réfléchir, je déclenchai un jet lumineux, le plus fin possible pour ne pas risquer de le heurter. Il atteignit sa cible. L’animal fut projeté dans les airs à une vitesse fulgurante et retomba sur le sable, couché pour toujours.

 Gravement blessé, le mage ne parvenait plus à se relever. Plusieurs Glemsics bondirent sur lui. Je décochai des sphères à toute vitesse, veillant à ne pas toucher Avorian.

 Bouleversée par la vue de son corps ensanglanté, mutilé, je m’élançai sur ces monstres en criant de rage. Je me mis à les mordre et à les marteler de mes poings. Mes joues ruisselaient de larmes et de sang, griffées par leurs piques. Mon désespoir me rendait aussi sauvage que ces animaux. J’en oubliai de réactiver mon bouclier. Je n’avais plus qu’une idée en tête : sauver Avorian.

 Les Glemsics m’ignoraient, et continuaient de se ruer frénétiquement sur son corps inanimé.

 La fureur grandit en moi, au point de m’envahir. Je voulais les voir disparaître… tous ! Je les détestais, ces animaux pathétiques !

 Je serrai les poings, le regard plein de rancœur. Je me concentrai, rassemblant mes forces dans l’unique but de détruire cette meute enragée. Une auréole argentée entoura mon corps tout entier ; mon énergie se matérialisa subitement en lumière. Les créatures s’immobilisèrent. La lueur semblait les intriguer et les aveugler.

 Un rayon flamboyant jaillit de mes mains, et se subdivisa pour se répandre sur chacun de nos assaillants, sans exception. Il ne rata aucune cible. Je ne contrôlais plus rien ; les ramures du faisceau se dirigeaient d’elles-mêmes sur nos ennemis, zigzagant partout, telles les racines d’un arbre. Cela ne dura que quelques secondes.

 Tous les Glemsics furent touchés. Ils s’effondrèrent un à un. Morts.

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