Chapitre 74 : Le pouvoir de la pensée (remanié)

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 On me secoua brutalement pour me réveiller. Le Métharcien me tenait par le bras, sa main tachée de mon propre sang. Le sien, d’un bleu céruléen, coulait de sa tête, de son bras et de son ventre. Il me releva pourtant sans peine. Je titubai, harassée, perdis l’équilibre et retombai contre lui. Les plis de sa tunique recouvrirent un instant mon visage. Il me soutint avec vigueur alors que mes jambes tremblaient et se dérobaient sous mon poids.

 Des gouttes de sang perlaient au niveau de mes tempes. Ma perception se brouillait peu à peu. Pourquoi la créature n’en profitait-elle pas pour m’achever ?

 L’Ombre s’approcha. Je lisais son impatience dans ses yeux vermeils.

– Je ne veux pas combattre ! m’indignai-je, la voix faible, essoufflée. Je n’en peux plus !

– Ce n’est pas à toi d’en décider, rétorqua-t-elle d’un ton agacé. Nêryah, ce sont dans les moments les plus critiques que tu déploies pleinement ton potentiel. J’ai pu le constater dans le désert avec les Glemsics, ou contre mon armée de Métharciens... et la preuve encore aujourd’hui : tu viens de découvrir un tout nouveau pouvoir.

 Je pris conscience de la nature versatile de l’Ombre, qui pouvait autant se montrer sage que maléfique. Elle se replaça au bord de l’arène, leva un pan de sa cape fantomatique pour nous indiquer de poursuivre l’entraînement.

 J’observai le Métharcien : il semblait à la fois affaibli et contrarié. Peut-être que lui non plus n’avait pas vraiment eu le choix. Il était à ses ordres, forcé à combattre.

 Soumis, il me relâcha d’un geste brusque. Je me redressai tant bien que mal, chancelante. Sans même attendre que je sois apte à me défendre, il dirigea son mince rayon jaune vers ma poitrine. Un bouclier se forma autour de moi et me protégea de son attaque sournoise. Dans un ultime effort, je décochai deux sphères bleutées, mais il les dévia. Elles s’écrasèrent contre la paroi arrondie.

 Le guerrier avança vers moi d’un air menaçant. Je le fixai du regard, affligée. Je me sentais condamnée. Le cauchemar recommençait. Je n’avais plus envie de lutter. Le traumatisme vécu au moment de la bataille dans la forêt de Lillubia contre ces monstres se manifestait à nouveau. Je tremblais en reculant de quelques pas, terrorisée. Mais il me rattrapa en une seule enjambée, saisit mon bras. Je me défendis en lui administrant un coup de pied magistral au genou.

– Enfin ! Voilà qui est mieux ! approuva notre vil spectateur en se délectant de la scène.

 Le Métharcien se courba sous l’impact, mais ne parut nullement déstabilisé : il se servit de sa taille imposante pour me bousculer, et profita de ma perte d’équilibre pour se jeter sur moi, m’écrasant de tout son poids. Je me retrouvai clouée au sol, une douleur fulgurante au crâne.

 Il plaça ses mains autour de mon cou, appuya très fort. Je le martelai de mes poings puis tentai de le mordre pour qu’il lâche prise – en vain, son étreinte m’empêchait de l’atteindre. Il me secoua dans tous les sens. Je voulais hurler mais aucun son ne sortit tant il pressait ma gorge.

 Jamais je n’aurais imaginé mourir de cette façon. L’Ombre n’avait-elle pas besoin de moi vivante pour mettre ses plans à exécution ? Pourquoi n’intervenait-elle pas ?

 Je me débattis, usant de mes dernières forces. Ses mains me serraient avec frénésie ; impossible de les retirer. L’air me manquait cruellement. Des larmes d’impuissance coulaient sur mes joues. Je le regardai d’un air implorant, le priant de cesser, de me laisser en vie. J’en étais rendue là : à supplier !

 Mes forces m’abandonnèrent pour de bon. Je n’arrivais plus à respirer, ni à bouger. J’étais prisonnière de ses mains, incapable de me défendre. La créature m’étranglait sans remords, impitoyable, ses yeux plissés exprimaient toutes ses pulsions sadiques, son envie de tarir la vie qui coulait dans mes veines et d’en finir avec ce corps. Mes mains se décrochèrent de celles de mon agresseur pour retomber mollement, inertes. J’allais rendre mon dernier souffle.

Non, souffla ma propre voix dans ma tête.

 Une autre me répondit, comme pour y faire écho :

Nêryah ! Accroche-toi ! Je suis avec toi… Cette créature impie n’a pas le droit de te toucher, et encore moins de te tuer ! Je t’insuffle ma force…

 Sèvenoir !

 Je ressentis son énergie, sa magie. Sombre, mais puissante ; tellement protectrice.

 Il avait raison. Je devais rester moi-même : cette Nêryah déterminée à vivre.

 Le Métharcien desserra un instant ses mains de ma gorge, surpris de me voir lui résister. Un sourire cruel se dessina sur ses fines lèvres. Toujours assis sur moi, il me caressa la joue d’une main, comme pour m’offrir une ultime sensation, pendant que l’autre continuait à m’étouffer.

 D’un geste vif, je rassemblai mes paumes au-dessus de ma tête. Deux boules magiques s’y façonnèrent. Je les écrasai sans plus attendre contre le visage du Métharcien qui se mit à hurler d’un son horrible, déchirant les tripes.

 Il s’écroula de tout son long. Je toussai, suffoquai, la gorge serrée, ressentant encore ses mains autour de mon cou. Le souffle saccadé, je rampai vers la sortie, mais mon agresseur se réveilla. Son affreux visage défiguré ruisselait de liquide bleu. J’étais moi-même barbouillée de sang. Ma vision se troubla. Je ne parvenais plus à fuir, trop affaiblie. Fatale erreur, le Métharcien bondit sur moi et me griffa le bras, plus exaspéré que jamais.

 Une lueur dorée pointait déjà de sa corne. Je m’apprêtais à former un bouclier, paniquée, lorsqu’un puissant rayon turquoise jaillit de mes mains, sans que je ne le commande. Le Métharcien fut projeté plusieurs mètres au-dessus de moi, jusqu’à l’autre bout de l’arène, transpercé par ma magie. Vaincu.

 Je m’approchai de son corps, horrifiée. Jamais je n’avais voulu tuer cette créature ! Était-ce mon instinct de survie mêlé à cette détermination soudaine qui avaient déclenché ce pouvoir ? J’en ressentis un haut-le-cœur.

– Excellent ! Je te félicite. Je ne doutais pas de ta réussite. Tu vois, ce n’est qu’une question de persévérance… Coupée des énergies d’Orfianne, tu as pu développer ton propre pouvoir de la pensée, cette fameuse capacité inhérente aux Terriens. Avorian a bien fait de te laisser dans leur monde pendant si longtemps.

 Je m’effondrai d’épuisement.

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