1-Chapitre 3 (2/4)

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À la fin de cette horrible journée, Ben se laissa tomber dans le canapé de l’appartement qu’ils partageaient avec Jo. Son cousin l’imita. Mais, contrairement à lui, il semblait disposer encore d’assez d’énergie pour se casser la tête :

« Tu savais qu’Adelphe avait une nièce ?

— Tout le monde le sait.

— Je veux dire, une nièce qui travaille le bois. Il me semblait qu’elle était plutôt dans un truc sérieux, non ?

— Serais-tu en train de dire que notre métier n’est pas sérieux ?

— Je veux dire, un truc d’intellectuels ; des gens qui rigolent pas. Type banque ou assurances, ou droit ou… enfin, tu vois l’idée. »

Ben préféra étirer les jambes sur la table basse pour se mettre à l’aise plutôt que répondre.

« Elle aurait dû être à l’école avec nous, non ? Je ne sais plus si j’avais une Chloé dans ma classe. Tu t’en souviens, toi ?

— Non, je ne m’en souviens pas. Même s’il y en avait une, elle aurait bien changé depuis.

— Dis, tu crois que c’est elle ?

— Qui ?

— La femme d’hier soir ? »

Ben expira un rire asthmatique :

« La femme d’hier soir était drôle, spirituelle et pleine de vie. Où as-tu vu la moindre de ces qualités chez Chloé ? »

Jo réfléchit intensément, puis trouva une explication logique (il n’aimait pas abandonner un problème auquel sa solution n’était pas la bonne) :

« Elle était peut-être tout simplement fatiguée ?

— Ça ne change pas quelqu’un aussi dramatiquement. De toute manière, elles ne se ressemblent pas.

— Ça, nous n’en savons rien ! Avec son bonnet et sa chemise, on voyait à peine le bout de son nez ! Pourquoi tu es tellement convaincu que ça ne peut pas être elle ?

— Pourquoi ce serait la même personne ? »

Jo se mit à énumérer les raisons sur ses doigts : la pâleur de leurs peaux, leur soudaine apparition dans la ville le même jour, et… il se tut, à court d’arguments. Ben lui adressa un sourire vainqueur :

« Un peu léger pour tirer des conclusions, non ?

— Donne-moi un seul argument pour lequel ce ne serait pas elle et nous serons quittes.

— Je n’ai pas du tout ressenti la même chose en leurs présences. Bon, je suis épuisé, je préfère aller dormir. Ne te sens pas obligé de me réveiller pour me faire part de tes théories.

— Attends, tu vas la revoir ? »

Ben s’enferma dans la salle de bain. Il démêla ses boucles noires encore humides puis sortit le sèche-cheveux pour les dompter. Parfois, il songeait à se raser très court pour ne plus avoir à subir la poussière permanente qui lui faisait des cheveux blancs du matin au soir, mais il y avait été contraint une fois et se souvenait avoir détesté la sensation de l’air frôlant son crâne. D’autant que les cicatrices étaient laides à voir.

Ses pensées revinrent aux loquets, que le vicomte ne voulait pas payer et que Sam avait refusé de fabriquer. Il allait devoir s’en occuper lui-même. De même pour la remorque qu’on n’avait toujours pas fini de vider. Un instant, il songea à appeler son oncle pour lui demander comment il arrivait à faire tourner l’équipe, mais l’heure et la fatigue l’en dissuadèrent. Il finit de se brosser les dents, puis alla s’effondrer dans son lit sans parvenir à trouver le sommeil.

La conversation avec le vicomte tournait en boucle dans sa tête. Optimiser les coûts, il en avait de bonnes ! Il venait d’embaucher trois personnes, dont au moins deux n’avaient quasiment aucune expérience et demanderaient une formation, et il fallait dépenser moins en gagnant le double ! Le problème réel n’était pas là, cependant. Ils n’arrivaient pas à trouver de nouveaux clients. Toute la ville se fournissait chez eux, ce qui était admirable, sauf que leurs meubles duraient plusieurs générations donc il n’y avait pas tant de commandes. Le vicomte refusait de l’entendre, mais ils avaient atteint la limite de leur clientèle. Et le ciel savait que ni Ben ni l’équipe n’étaient taillés pour dégoter des clients !

Il s’endormit en songeant à la masse de travail qui l’attendait jusqu’au prochain bilan trimestriel.

Jusqu’au prochain bal…

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