4-Chapitre 4 (4/4)

3 minutes de lecture

Quand Chloé descendit l’escalier le lendemain matin, l’enclume qui pesait sur son estomac semblait avoir appelé des copines à la rescousses. Chaque pas lui coûtait tant qu’elle dû reprendre son souffle au pied des marches avant de se lancer dans la traversée de l’arche qui menait à la cuisine. Adelphe écossait des haricots, le visage si sombre que sa nièce dû se tenir à la table pour ne pas s’écrouler sur sa chaise. Elle savait déjà. C’était encore pire de ne pas avoir pu l’avouer soi-même. Elle aurait dû lui en parler la veille en rentrant, Adelphe aurait préféré qu’elle la réveille plutôt que de l’apprendre par quelqu’un d’autre.

«- La main de Benoît…

- Je sais.

- Je voulais te le dire hier soir; je n’ai pas osé te réveiller.»

Adelphe secoua la tête sans un mot. Un silence pesant tomba sur la table. Chloé sentit son courage retomber doucement. Il n’y avait rien à dire. Rien qui pourrait combler la distance qui venait de les séparer. Adelphe continua d’écosser méticuleusement ses haricots, puis se leva pour prendre une passoire. Elle commença à les rincer, puis coupa l’eau sèchement.

«- Sa main. Il est ébéniste. Personne ne peut haïr quelqu’un à ce point.

- C’était un accident.

- Bien sûr, casser une main est le genre d’accident qui arrive à tout le monde, tu crois? Ce n’est pas comme si les freins de la voiture lâchaient ou qu’un vélo dérappait sur du verglas, ou même qu’une allumette tombait sur une touffe d’herbe sèche! Tu te rends comptes de la force qu’il faut pour casser une main? Un accident pareil ne peut pas être involontaire, je ne peux pas le croire.

- Je t’assure que ce n’était pas intentionnel… je ne voulais pas… je n’aurais jamais…»

Mais Adelphe poursuivait sans écouter ce filet de voix:

«- Il faudrait vraiment être un monstre pour vouloir autant de mal à quiconque, d’autant plus à Benoît! Après tout le mal qu’il s’est donné pour devenir ébéniste, pour que sa famille l’accepte, pour que le vicomte le paie décemment, pour sauver ta place et tout ça… tout ça qui s’envole en un claquement de…»

Elle s’interrompit abruptement. L’expression aurait été trop cruelle en l’occurence. Sa tante secoua la tête en recommençant à rincer ses haricots. Longtemps. Chloé sentit le goût salé des larmes sur ses lèvres, les essuya doucement, n’osant plus qu’à peine respirer. Pleurer ne ferait qu’irriter sa tante. Celle-ci versa ses haricots sur un torchon propre avant de reprendre plus posément.

«- Je savais que Bénédicte se moquait de tout, mais de là à détruire la vie de son frère…

- Bénédicte?

- Oh, il n’est pas resté longtemps, il a dû décamper dès qu’il a terminé son affaire. Déjà que Benoît ne roule pas sur l’or en ce moment! Il vaudrait mieux pour lui qu’il ne remette plus jamais les pieds ici, il pourrait n’en plus repartir.

- Ce n’est pas…»

Adelphe planta ses yeux dans les siens. Si tumultueux. Tant d’émotions emmêlées dans la haine qui y couvait. La phrase de Chloé mourrut dans sa gorge, incapable de s’extirper de ses poumons, de ses pensées. C’était elle. Juste elle et personne d’autre.

«- Tu pleures encore? J’ignorais que vous étiez si proches, Benoît et toi.

- Son frère n’a pas pu faire une chose pareille.

- C’est aussi ce que je me suis dit en entendant la nouvelle ce matin. Mais qui? Personne ne serait aussi cruel.

- C’était un accident…», plaida Chloé, ne pouvant se résoudre à prononcer les mots, les trois petits mots qui briseraient à jamais leur relation.

«- C’est beau de vouloir défendre Bénédicte, mais tu ne connais pas le rustre. Ce n’est pas la première fois qu’il fait des misères à son frère, je suppose que ce n’était plus qu’une question de temps avant qu’il passe au cran supérieur. Va chercher du thym, je les ai invités à déjeuner ce midi.

- Qui?

- Benoît et Joël, qui d’autre?

- Pourquoi?»

Adelphe lui lança un regard glacial qui se traduiraient par «Ai-je vraiment besoin de t’expliquer la situation?». Chloé ouvrit la bouche dans une dernière tentative d’honnêteté, mais le regard de sa tante détruisit les derniers vestiges de sa résolution.

Annotations

Vous aimez lire - Kyllyn' - ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0