4-Chapite 41 (5/5)

2 minutes de lecture

Jo se laissa tomber sur le canapé à côté d’une Chloé toute recroquevillée sur elle-même. Heureusement pour lui, son cousin n’avait pas la carrure de son père, autrement ils n’auraient pas su le traîner jusqu’à la maison et le mettre au lit sans l’aide d’une autre paire de bras.

« Que lui arrive-t-il ?

— Il a les côtes mal ressoudées, ça lui comprime les poumons et l’empêche de respirer correctement quand il fait du sport.

— Depuis quand ?

— Environ quinze ans, quand il a eu un de ses accidents.

— Il n’a jamais eu l’air d’avoir un problème, pourtant.

— Parce qu’il fait attention. Pourquoi tu crois qu’il ne crie jamais ?

— Une question de caractère. »

Jo sourit pauvrement. Pour quelqu’un qui n’avait pas connu Ben enfant, c’était en effet facile de s’imaginer qu’il avait toujours été sage comme une image. Calme, sérieux, pondéré. Mais jeune, son cousin était comme un chiot surexcité. Il lui raconta le Ben d’avant : celui qui était toujours partant pour une virée dans les oliveraies, qui courait dès qu’il avait deux mètres à parcourir, qui sautait de caillou en caillou, qui criait en jouant, débordant de joie de vivre comme tous les autres enfants. Le Ben qui s’était assagi au fil des accidents : un bras cassé ici, une cheville foulée par là, les côtes enfoncées un jour, brisées le lendemain, une quasi-noyade peu après… des petits enchaînements qui lui minaient le corps et l’esprit au fil des ans, au point qu’ils avaient coincé son rire quelque part sous ses côtes. À présent, on l’entendait rarement, le rire de Ben. Quand il résonnait, c’était toujours inquiétant, comme si sa vie se mettait en suspens.

« C’est pour ça que vous êtes toujours à le surprotéger ?

— On s’inquiète pour lui, c’est normal. Si tu l’avais vu galérer aussi souvent que nous, tu ferais pareil. »

Chloé resta pensive. Puis elle lui demanda si elle pouvait dormir chez eux et ils changèrent les draps dans la chambre de Jo. Après encore quelques politesses, il la laissa se coucher. Jo prit une douche pour se laver de la chaleur de la journée et de cette inquiétude persistante qui lui pesait sur le ventre.

La chambre de Ben était beaucoup plus colorée qu’on aurait pu l’attendre, presque fouillis, par rapport au reste de sa maison. Jo s’allongea sur les draps à côté de son cousin, écoutant sa respiration encore un peu irrégulière dans le noir. Le masque que Ben portait toujours aux bals les fixait depuis le haut du lit, veillant sur eux de toutes ses orbites creuses. Jo songea à Chloé qui dormait dans la chambre d’à côté, se demandant jusqu’où Ben serait prêt à aller pour la garder dans sa vie. Combien de fois elle pourrait le faire rire avant qu’il ne s’asphyxie. Puis il songea à ce marché que Ben avait passé avec elle et qui lui semblait insurmontable : un vrai sourire. Ben était la seule personne capable de sourire du fond du cœur sans aucune arrière-pensée là où d’autres ne sauraient oublier leurs rancœurs ; il devait vraiment l’aimer pour avoir si peur de rater son sourire.

Jo contempla le profil endormi de son cousin, rassuré par la respiration qui avait retrouvé un rythme normal. Demain, tout serait de nouveau en ordre. Jo se laissa enfin happer par le sommeil.

Annotations

Vous aimez lire - Kyllyn' - ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0