28 Parc Maillol : Barbie et Ken

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Mercredi 11 Octobre.

Edmond se gare près de l’arrêt Masséna.

Quinze minutes, c’est le tarif nominal pour se garer. Il prend son sac de sport dans le coffre, ferme la voiture. Il tire un ticket à la borne et attend le tram avec ses amis sincères, les dix.

La voiture s’arrête, il entre, se cale contre la porte.

Quatre minutes plus tard, station Le Parc ; il sort et voit Magnan. Elle sort de la première voiture et s’avance vers lui. Elle baisse les yeux, ne sachant pas quoi en faire ; son col est relevé, c’est vrai qu’il fait très froid ce soir.

Edmond est tanké sur ses pieds, sa redingote fermée à demi par les mains dans ses poches. Il la regarde venir à lui et à cinq mètres déjà elle sourit. Les suivants vont être délicats et très très longs. Il jubile. Il l’aide un peu et s’approche à son tour.

— Bonsoir Edmond.

— Bonsoir Blanche.

— Vous allez quelque part ? demande-t-elle en désignant le sac.

— Oui. Puisque je dois prendre le tram, autant aller à mon club de sport. Vu que je bouge moins qu’avant, ça tombe assez bien.

— Ah oui ? Il y a un club près du parc ?

— Oui, après chez vous, sortie Gambetta en fait. J’y vais avec les copains le jeudi soir, mais je crois que je vais y aller plus souvent.

Un silence pesant s’affale, un autre tram arrive déjà.

— On y va ?

— On y va !

Edmond fait traverser Mila devant lui et ils commencent à marcher, plus lentement que la veille.

— Blanche, où est l’entreprise de monsieur Dubois ?

— À l’extérieur de la ville, dans la zone industrielle la Combe.

— Alors comment venez-vous jusqu’ici ?

— Je me gare au parc automobile de l’Ubac.

— Ah ouais ! Vous faites tout en tram !

— Pas tout, et c’est ce que j’ai trouvé de mieux. Il y a toujours de la place pour se garer. Et comme c’est le début de la ligne, les wagons sont vides. Les stations suivantes ne sont pas très fréquentées jusqu’à Victor Hugo en fait, la station qui précède Masséna. Après, il y a trop de monde pour moi. Elle fait une moue de dégoût. Alors je descends ici et je rentre à pied par les commerces ou par le parc.

Mila s’est arrêtée et elle le regarde. Elle dit :

— Et vous ? Vous travaillez où ?

— Comme vous, dans une zone industrielle, la zone de la Source.

— Et donc vous faites le sportif le matin et la sieste l’après-midi ?

— Oh mais c’est que vous me posez tout un tas de questions, Blanche Magnan, qu’est-ce qui vous arrive ?

Edmond éclate de rire.

Ce sourire, ce visage magnifique, heureux, même si c’est à ses dépens, Mila devient rouge et baisse la tête.

Ils se remettent à marcher.

Edmond :

— Donc, pour répondre à votre question… !

Il la regarde et toujours aussi agréable, il lui dit :

— Le matin je suis conducteur de travaux et l’après-midi je fais l’architecte. Mais ça je vous l’ai déjà dit…

La bouche de Mila s’agrandit sur un sourire charmeur. Ses paupières se ferment, laissant percer un regard énigmatique.

— Oui, je m’en rappelle.

Elle baisse la tête, elle dit :

— Vous le faites parce que vous l’êtes !

Edmond inspire profondément et soupire.

Edmond :

— Et vous l’après-midi, c’est coloriage ! Ça doit vous manquer les pâtés, le seau, la pelle !

Mila rit :

— Oui c’est ça, coloriage ! Et vous avez raison, faire la jardinière me manque. Surtout les brouettes, Barbie et Ken.

Ils rient.

— « Faire la jardinière » ? Vous ne l’êtes pas ?

— Non, pourtant je suis bac plus neuf.

Edmond s’arrête, les yeux écarquillés, la bouche ouverte.

— Sans blague ?

— Oui, j’ai vingt-sept ans ! Presque.

Elle rit.

Suspicieux et attendant d’elle une réponse claire, il demande :

— Vous avez quoi comme formation ?

Mila soupire, elle dit :

— Ingénieur thermicien.

Edmond est arrêté sur le trottoir, interloqué.

— Mais vous êtes qui, Magnan !

Puis après quelques secondes où il la rejoint, il dit :

— Et tout ce que je vous ai débité sur l’isolation dans votre baraque... Ce n’est pas réglo ça, Magnan !

Mila sourit, il n’est qu’à moitié en colère.

— C’est que j’aime bien quand vous parlez. On vous l’a jamais dit que vous parliez bien ?

— Ne vous foutez pas de moi !

— Oh arrêtez ! Vous n’aviez même pas envisagé que je puisse comprendre quelque chose à l’isolation ! Et comment vouliez-vous que je vous le dise ! Vous êtes tellement sûr de vous tout le temps ! Vous n’êtes plus seulement qu’un chef de chantier et je ne suis plus ingé’ ! Voilà, c’est comme ça.

Ils marchent un moment.

— Vous avez travaillé en tant qu’ingénieur ?

— Oui.

— Et après ?

— Après ? Rien.

— Pepito m’a dit que vous étiez arrivée chez lui parce que vous plantiez des choux.

Mila est très surprise.

— Ah… ! Il vous a raconté cette histoire. Oui. C’est vrai.

Ils reprennent leur marche sur les derniers mètres avant la fausse adresse de Mila.

— Demain, vous prenez le tram à nouveau ? demande-t-il.

— Oui, il n’y a que le vendredi où je rentre à la maison discuter avec Monsieur Pierre.

Elle incline la tête.

— Donc à demain ?

— À demain Edmond.

Et elle entre, pas chez elle.

 

Dans la soirée, Mila travaille.

Son téléphone sonne. Elle regarde l’écran, souffle et appuie sur un bouton pour décrocher.

— Allo.

— Salut Mila, c’est Fanny !

— Salut Fanny.

— Mila, euh… tu vas bien ?

— Oui. Je vais bien.

— Moi aussi ça va. J’ai eu une nouvelle promotion. Mon chef est très content de moi.

— Super, Fanny. Je suis contente pour toi.

— Mila, je t’appelle… euh… j’ai eu Maman au téléphone.

Mila soupire.

— Mila, ça serait bien que tu passes les voir. Tu les as vus quand la dernière fois ? Tu sais, ils ont besoin de te voir, de voir que tu es heureuse, que ça va. Ils s’inquiètent pour toi.

— Fanny, le mieux c’est que tu t’occupes de toi. Je n’ai pas les mêmes relations avec Papa et Maman que toi.

— Mila ? Euh… Papa est malade. Il ne va pas bien. Il est malheureux de ne pas avoir de tes nouvelles, ça le rend malade.

Mila souffle de dégoût.

— C’est tout ce que tu avais à me dire, Fanny ?

— Mila...

— Porte-toi bien Fanny. Salut.

Mila raccroche.

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