59 Brocéliande - La plage

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— Mila !

Edmond s’adresse sèchement à la réceptionniste :

— Du sucre ! Vite !

L’homme en costume :

— Estelle ! Au bar les dosettes !

Edmond allonge Mila à plat sur le dos, là, par terre, au pied du comptoir de la réception. Il pose sa main sur son front et fait basculer sa tête en arrière pour que ses lèvres s’ouvrent. Il met sa joue près de la bouche de Mila, son autre main sur son diaphragme, et il compte.

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Respire ! Magnan, je t’en supplie, respire… !

Il pose sa main sur son ventre. Il le sent bouger, il l’entend respirer. Il compte.

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Mila expire de nouveau, Edmond crie :

— Une couverture de survie ! Vite !

Il rabat le bras de Mila près de lui au-dessus de sa tête, il croise ses doigts dans les siens et les emmène sous la joue de Mila. Il attrape son genou et le corps de Mila tout mou bascule sur le côté contre lui, sa tête roule sur son poignet. Il le retire doucement et pose la tête de Mila doucement par terre.

L’homme en costume lui tend la couverture brillante dépliée pour la première fois et ils la place sur le corps comme endormi. Edmond glisse sa main sur le ventre de Mila et le sent onduler. Il souffle, attrape son téléphone et compose le numéro d’urgence.

L’homme en costume, d’autorité :

— Luc, prends le passe et prépare la 211 ! Will, va chercher le fauteuil roulant !

Les deux jeunes habillés en agent du GIGN disparaissent en courant.

Edmond au téléphone :

— Je suis Edmond Vallone, j’ai une formation de secouriste. J’ai une femme, vingt-sept ans, qui vient de perdre connaissance. Elle respire faiblement. Je l’ai mise en PLS [1]. On est à l’hôtel du golf de Marzal. Elle est peut-être en hypoglycémie. Qu’est-ce que je fais … ?

Sa voix est forte mais tressaute.

— Oui. Elle a déjà fait un truc dans l’genre à cause d’un manque de sucre.

— Sa peau est très pâle, elle est verte !

— Elle est trempée, ses vêtements sont trempés.

— Hypothermie ? Ah oui oui c’est possible ! Elle est glacée !

Un des jeunes hommes arrive en courant, poussant le fauteuil sur l’arrière des roues.

Edmond pose le téléphone par terre.

— Ok ! Du sucre et faut qu’on la déshabille !

L’homme en costume :

— On la monte dans la 211, je prends votre téléphone.

Edmond balance la couverture de survie, soulève Mila et la met dans le fauteuil. Mais elle s’avachit et manque de tomber tête la première alors il la soulève et la prend dans ses bras, son visage dans son cou.

L’homme en costume :

— Par là !

Tous entrent dans l’ascenseur, Edmond respire fort.

Face aux portes qui s’ouvrent, une chambre est ouverte, éclairée, le lit défait. Edmond dépose Mila doucement et commence à la déshabiller. Le bonnet, la veste, les chaussures, les chaussettes.

L’homme en costume pose le téléphone sur la table de nuit près d’Edmond.

Edmond :

— Le sucre !

La réceptionniste lui tend des dosettes de sucre.

Le téléphone :

— Où vous en êtes ?

— Je lui donne le sucre.

Edmond assis sur le bord du lit, cale la tête de Mila contre sa cuisse et lui ouvre la bouche. Il déchire la dose et la vide doucement.

Le téléphone :

— N’en mettez pas beaucoup, il ne faut pas qu’elle ait à l’avaler, juste qu’il fonde dans sa bouche.

— Combien j’en mets ?

— Faites au mieux !

Edmond déchire une autre dosette, la verse dans la bouche. Le précédent s’est transformé en pâte incolore sur la langue, sous la langue. Il en met une troisième.

— Elle ne respire plus !

— Ça va aller ! Elle respire mais certainement faiblement. Essayez de rester calme ! Vous vous y prenez très bien, continuez comme ça ! Quand vous avez fini, il faut la déshabiller.

Edmond se tourne vers la réceptionniste.

— Faites-le !

Il se lève et la jeune femme s’approche du lit, chancelante sur ses talons hauts. Elle tire sur la manche du pull de Mila, mais le tissu mouillé fait ventouse. Elle peine, bougonne, gémit à moitié. Edmond bout à la regarder faire.

Elle refait pareil de l’autre côté, maladroite, pinçant la peau de Mila en tirant sur la manche.

Edmond n’y tient plus.

— Laissez, je vais le faire. Sortez tous !

L’homme en costume :

— Je suis dans le couloir.

Tous sortent, laissant la porte ouverte.

Edmond retire sa veste et la balance. Il défait la fermeture éclair du col du pull de Mila et remonte le tissu sur ses côtes. Il se met à sa tête et extirpe le pull en le passant par les épaules, essayant de ne pas lui écorcher le menton. Il découvre sa poitrine, son soutien-gorge couleur chair à dentelle, sa peau blafarde, translucide presque. Elle a plein de grains de beauté de partout. Mais sur sa peau de papier, leur couleur est malsaine.

Edmond crie :

— S’il vous plaît… !

L’homme en costume entre dans la chambre.

— Loïc, je suis le directeur de l’hôtel.

— Donnez-moi des serviettes et aidez-moi : on est en train de tremper le lit.

Ils rabattent la couette, Edmond étend une grande serviette et ils déplacent Mila en soutien-gorge.

Edmond défait le bouton de son pantalon et la fermeture éclair. Il l’ouvre, l’attrape à la taille et tire dessus mais la toile colle à sa peau et se retourne sur l’envers. Il tire dessus de nouveau et le pantalon se retrousse sur les deux jambes à la fois. Il attrape une serviette et la plaque sur la cuisse de Mila.

— Est-ce-que je la frictionne ?

— Non. Pas si elle est très froide, vous allez brûler sa peau !

Edmond frotte la peau de Mila. Ne pouvant s’empêcher de la faire rougir, de la faire réagir, changer de couleur absolument, vérifier qu’elle fonctionne encore.

Il réalise à ce moment-là qu’elle est en sous-vêtements.

— Merci, dit-il à Loïc.

— Je suis là si besoin.

Le directeur de l’hôtel sort dans le couloir.

 

Edmond, seul avec Mila, tourne son corps sur le côté et dégrafe son soutien-gorge, tremblant, s’y reprenant à trois fois. Les agrafes cèdent, laissant le soutien-gorge en place, les armatures prises au piège de l’affaissement de sa poitrine. Le souffle court, il retire chaque bretelle de ses bras. D’abord l’une, ensuite l’autre, en faisant rouler son corps d’un côté sur l’autre. Une nausée monte du fond de ses tripes. Il sèche le corps de Mila, doucement, les seins tout ronds roulants sous la serviette, ses aréoles claires, malsaines elles aussi, ne sont même pas fripées. Il la regarde confus, inquiet, malheureux.

Le téléphone :

— Où vous en êtes ?

D’une voix faible et fermée, il dit :

— Je n’ai pas fini de la déshabiller.

Edmond attrape la culotte haute aux grandes échancrures en dentelle et au dessin assorti au soutien-gorge par l’élastique de la taille et la tire vers le bas. Le tissu est trempé, il s’enroule et Edmond le décolle des fesses glacées de Mila. La culotte rejoint le tas sur la moquette et Edmond la frotte, ne voulant pas la regarder, mais ne pouvant s’empêcher de veiller cette peau livide toute craquelée de vilaines veines noires.

Il la sèche encore, la fait rouler de nouveau et la recouvre doucement avec la couette jusqu’au menton.

— J’ai fini, elle est sous la couette.

— Essayez de lui redonner du sucre.

Il contourne le lit, attrape les dosettes sur l’autre table de nuit. Il repose une serviette sous ses fesses, se cale contre la tête de Mila, et lui ouvre la bouche.

— Elle a dû tout avaler, il n’y a plus rien.

— Oui, c’est normal. Allez-y, remettez-en.

Il déchire une dosette, pose sa main le long du visage de Mila et la verse dans sa bouche. Loïc approche et l’interroge des yeux. Les deux hommes se regardent. Il en déchire une autre. Puis une autre. Et comme précédemment, couvant son visage de sa main chaude, il verse le sucre.

Edmond :

— Voilà. Qu’est-ce que je fais maintenant ?

— Maintenant il faut attendre. Vérifier que sa température remonte. Voir si elle reprend des couleurs, si sa respiration s’amplifie. Ça va prendre un peu de temps. Lui redonner du sucre de temps en temps. Si dans une heure, elle est toujours comme ça, vous rappelez. Il faudra l’évacuer.

Edmond lève de nouveau la tête vers Loïc et raccroche.

Edmond :

— Je vais rester là.

Loïc :

— Il faut que vous vous changiez. Vous êtes dans le même état.

Mais Edmond hésite.

— Estelle prendra le relais pendant que vous vous occuperez de vous.

— D’accord. Je vous appelle.

 

Edmond se retrouve seul avec Mila. Il retire son propre pull, se sèche sommairement et se rassoit près d’elle.

La peau de Mila s’est teintée. Il ouvre un peu la couette sur son cou. Ses grains de beauté sont plus lumineux ou semblent l’être. Il frotte ses doigts les uns contre les autres, les pose contre son propre visage pour vérifier leur température puis il les pose sur la joue de Mila. Elle est encore froide. Il les pose alors dans son cou, sous l’oreille. C’est chaud. Ça revient. Elle revient !

Il retire sa main, la couette est encore relevée. Le visage dormant de Mila lui apparaît, avec les courbures de son cou, de son épaule, et plus bas de son sein.

Il hésite, frissonne, puis il pose à nouveau ses doigts sur sa peau et Mila frémit. Il la regarde, attendri, soupire profondément. Sa respiration est plus franche, sa poitrine se déplace, la couette aussi. Il pose ses mains près elle, se penche et l’embrasse sur le front.

— Dors bien, Princesse, je reviens.

[1] Position latérale de sécurité.

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