77 Cité Fondée - Thons et Cougars

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Jeudi soir.

Au dernier étage du bâtiment, sortie Gambetta, dans la salle de sport, Christophe et Stéphane sont déjà partis.

Fabrice est plié en deux, jambes tendues, les mains sur les cuisses :

— Putain, j’en ai chié !

Edmond :

— C’est le principe !

— Et toi ça a l’air d’aller !

— Ouais !

— Ça n’aurait pas un truc à voir avec la reprise du sport en chambre !

Edmond sourit. Il porte une bouteille d’eau à ses lèvres.

Fabrice :

— Dis, faudra que tu nous la présentes.

— Hum. Je vous l’amènerai à l’occasion.

— Ben l’occasion, c’est ce week-end, on vous invite à l’apéro vendredi soir.

— J’sais pas si je serai dispo.

— T’as quoi de mieux à faire que de venir boire un coup à la maison ?

Edmond rigole d’un air plein de sous-entendus.

Fabrice :

— D’habitude tu t’empresses de les faire défiler, tes conquêtes !

— J’en ai pas fait défiler depuis un certain temps !

— Ben pardi ! T’as peur que je te les pique !

Edmond pouffe.

Fabrice :

— Ou alors cette fois, c’est un gars !

Edmond rigole.

Fabrice :

— Allez ! Vous pouvez quand même paumer deux heures de jambes en l’air pour venir boire un coup à la maison. Tiens, t’as qu’à moins bosser !

Edmond lui tourne le dos, s’appuie contre le mur, prend une cheville dans la main, ramène le pied contre sa fesse et s’étire le quadriceps.

Fabrice :

— C’est quoi, un plan cul ?

— Hum.

Fabrice boit à son tour, il dit alors calmement :

— Ben ça ne serait pas la première, et ça ne t’empêche pas de venir avec.

Après un temps.

— C’est la nana dont tu avais parlé, celle qui n’est pas un top model ?

Edmond se retourne, le souffle court.

Fabrice s’approche, les sourcils froncés.

— Le soir où on est tous sortis, tu as parlé d’une nana. Quoi ! Léo, c'est quand même pas que tu ne veux pas te montrer avec elle !

Edmond change de jambe et regarde à nouveau le mur devant lui.

— C’est pas vrai, Edmond ! C’est quand que t’arrêteras de donner autant d’importance à l’apparence ? Je suis sûr que ce n’est pas un thon, ta nana !

Edmond, en colère désormais :

— Non, ce n’est pas un thon du tout et ça n’a rien à voir ! C’est juste… C’est juste que ça fait même pas une semaine que je sors avec.

— Et alors ? Dans le temps, tu ne tardais jamais à nous les montrer. C’est même le premier truc que tu faisais. Pour qu’on te donne notre avis. Dont tu ne tenais jamais compte, en fait !

— Ouais mais là c’est différent, elle n’est pas…, enfin… ça m’étonnerait que ça dure.

— Hum ! Eh bien, viens tout seul ? On n’a qu’à faire ça.

— Ouais on va faire ça.

 

De : Edmond VALLONE

Objet : Ce soir

Date : Vendredi 17 Novembre 15 :32

À : Blanche MAGNAN

 

Pas dispo ce soir. Je t’appelle demain.

EV.

 

Un homme ouvre, 35 ans, petit, le torse large comme un buffet, le visage rond, les yeux noirs et généreux.

Fabrice :

— Salut Léo, entre.

Edmond :

— Bonsoir Fafa.

Edmond crie dans la maison.

— Salut Lynda !

Lynda, une black, 35 ans, petite, toute dodue, cheveux crépus très courts ourlant superbement le bombé de son crâne, arrive en s’essuyant les mains dans un torchon.

Elle embrasse Edmond en le serrant dans ses bras.

— Salut Léo. Tu es tout seul ?

Fabrice :

— Oui, il est tout seul.

Lynda :

— Ben pourquoi tu n’es pas venu avec ta gazelle ?

Edmond regarde Fabrice :

— Tu lui en as déjà parlé ?

Fabrice à Edmond :

— C’est ma femme, je ne peux rien lui cacher.

Lynda regarde Fabrice puis Edmond.

Edmond embrasse les trois enfants qui accourent vers lui.

Lynda :

— C’est quoi l’embrouille ? Pourquoi tu la caches ?

Fabrice à Lynda :

— Je lui ai posé la même question !

Edmond :

— Je ne la cache pas. On est à peine ensemble. Ça ne fait même pas une semaine.

Lynda fronce les sourcils. Elle regarde Fabrice suspicieuse.

Fabrice :

— C’est aussi ce qu’il m’a dit. Il a peur que je la lui pique !

Lynda ricane.

— Très drôle !

Elle dévisage Fabrice à nouveau qui hausse les sourcils d’un air de dire : « je suis comme toi, je ne comprends pas ».

Fabrice :

— Il sait que ce n’est pas la bonne.

Lynda :

— Comment ça, ce n’est pas la bonne ?

Fabrice se tourne vers Edmond :

— Pourtant au téléphone tu n’avais pas l’air malheureux. « Mila, bébé… ». Il ricane, ça avait l’air d’aller !

Lynda :

— C’est la nana qui t’a appelé samedi ? Celle qui voulait bricoler avec vous ?

Edmond regarde Fabrice avec un air de reproches.

Lynda :

— Eh ! Vallone ! Tu me réponds !

À mi-voix, elle demande à Edmond :

— C’est un plan cul ?

Fabrice :

— Oui.

Edmond :

— Eh ! Vous avez fini tous les deux !

Lynda :

— Attends Léo, c’est un plan cul, mais tu ne veux pas la montrer. Ce n’est pas clair ton affaire ! Elle est tatouée de partout ? C’est ça ! C’est le genre gothique ?

Fabrice :

— Il dit qu’elle n’est pas jolie.

Lynda très surprise :

— C’est vrai ?

Edmond :

— Je n’ai pas dit ça !

Fabrice :

— Tu as dit : « Ce n’est pas le genre top model ».

Edmond :

— Ça ne veut pas dire qu’elle n’est pas jolie.

Lynda :

— Donc elle est jolie, mais y a autre chose… C’est quoi ?… Ce n’est pas le genre poupée comme les autres ! C’est ça ?

Fabrice se tait et se tourne vers Edmond, l’interroge du regard.

Edmond secouant la tête :

— Putain !

Lynda ravie :

— Super !! Quoi d’autre ? Pourquoi ce n’est pas la bonne ?

Edmond :

— Vous faites chier ! Ça ne vous regarde pas.

Fabrice :

— Ah ! C’est sûr !

Lynda à Fabrice :

— C’est sûr, sauf que c’est la première fois que ton petit protégé ne nous ramène pas sa dernière donzelle. Et que c’est la première fois qu’on a peut-être une chance qu’elle soit un peu plus épaisse qu’une photo de magazine.

Fabrice à côté d’elle, glousse. Lynda le gronde du regard.

— En caractère, j’entends !

Fabrice à Lynda :

— Ouais, ça aussi je le lui ai déjà dit.

Edmond :

— Dit quoi ?

Fabrice :

— Que tu accordais trop d’importance à l’apparence.

Edmond :

— Eh vous allez me foutre la paix tous les deux ! À croire que vous me m’avez invité que pour la voir, elle.

Fabrice :

— Mais non… !

Lynda :

— Bien sûr que si !

Lynda à Edmond :

— Allez accouche ! C’est quoi le problème, pourquoi tu ne la ramènes pas ?

Edmond pouffe.

— Vous êtes insupportables. De toute façon je ne dirai rien. Fafa sert moi un coup à boire.

Lynda rigole :

— Allez ! Raconte, je sais que tu meurs d’envie de raconter !

Edmond se pince les lèvres.

— Non ! Pas cette fois !

Lynda sur la défensive :

— Comment ça, pas cette fois ?

Fabrice lève les deux mains en l’air et les laisse retomber en signe de non implication.

Lynda à Edmond :

— Hey ! Pourquoi pas cette fois ?

Elle écarquille les yeux.

— C’est une vieille ! Une cougar… !

Edmond ricane.

Lynda suspicieuse :

— Ou bien c’est toi, cette fois, qui est différent.

Edmond :

— Hein ? Mais qu’est-ce que tu vas chercher encore.

Lynda :

— Ah, tu me rassures ! Cette fois-ci non plus, tu n’es pas amoureux !

Fabrice :

— Lynda, tu exagères !

Edmond s’est avancé vers Lynda :

— Oui effectivement, cette fois-ci je ne suis pas « amoureux ». Et cette fille, elle est particulière. Et je ne sais même pas, moi, quoi en penser. Je sais que si je vous la ramène vous allez passer la soirée à la scruter, elle, moi, nous deux ensemble. Et ça me gonfle d’être analysé comme ça. Et si elle te plaît, toi en particulier, tu vas lui monter la tête et me mettre dans la merde. Et si elle ne te plaît pas, tu vas m’emmerder, moi. Et moi, je pars, de toute façon je m’en vais. Elle et moi, il n’y aura rien. Alors oui, pour toutes ces raisons, je ne vois vraiment pas pourquoi je vous l’amènerais !

Lynda le regarde pensive, elle est surprise de l’attitude d’Edmond, de cette démarcation soudaine qu’il met entre sa vie personnelle et eux, elle dit :

— Ok Edmond. C’est vrai, tu as raison…

Elle regarde Fabrice :

— Il faut que je m’occupe de mes fesses.

Un temps.

— Mais Léo, je te connais un peu, et je t’apprécie. Tu le sais. Et je sais aussi que c’est important pour toi d’avoir quelqu’un près de toi.

Elle baisse la tête :

— C’est vrai que je languis que tu trouves une fille qui te touche.

Fabrice glousse.

Lynda le regarde méchamment.

— Pour qui tu aies des sentiments ! Et c’est vrai que… j’imagine que tu serais mieux avec une femme qui soit un peu intéressante, qui ait du caractère, des choses à dire... Je sais que cela ne me regarde pas. Et je reconnais aussi qu’on en a déjà parlé.

Elle l’interroge du regard. Edmond impassible, comme à son habitude.

— Écoute, Edmond, je jure de ne plus m’incruster dans ta vie à compter de ce soir. Mais même si avec elle ça ne dure qu’une semaine, ce sera plus facile pour toi de venir avec que de la cacher, alors je voudrais que vous veniez tous les deux vendredi soir prochain.

Fabrice regarde Edmond.

Edmond :

— Tu ne diras rien, ni à elle, ni à moi ? Tu ne donneras aucun avis, aucun conseil ? Ni pendant, ni jamais ?

Lynda soupire :

— Je le jure.

Edmond pouffe.

— Tu crois que tu vas en être capable !

Lynda :

— Y a-t-il une seule promesse que je n’ai pas tenue ?

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