86 Cité Fondée - Simple

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Fabrice en nage, souffle, les mains sur les cuisses.

— Ah. J’en peux plus…

Christophe une bouteille d’eau à la main.

— Vous savez pourquoi Stéphane n’est pas là ?

Fabrice :

— Non. Il a dû avoir un truc.

Edmond :

— Oh il a dû se trouver une fille !

Christophe :

— Non, je ne crois pas. C’est sérieux avec Victoria.

Edmond :

— Sérieux ? Il est avec elle depuis quand ? 

Fabrice :

— Bientôt un an.

Christophe :

— Et toi. Elle est super, ta nana !

Edmond :

— Super je ne sais pas, en tout cas c’est un bon coup !

Christophe rigole :

— Tant mieux pour toi !

Fabrice :

— Ouais, profites-en parce que ça passse !

Christophe, plus sérieux.

— C’est vrai qu’il y a des périodes. Des moments dans la vie où c’est plus dur. Et pas seulement au lit.

Edmond :

— On ne fait pas ça qu’au pieu !

Fabrice :

— Eh Vallone ! Après tu critiques Stéphane ! Garde ça pour toi, je ne veux pas savoir. Je suis pudique, moi.

Christophe et Edmond rigolent.

Fabrice :

— Elle est amoureuse de toi.

Edmond fait une moue.

— Ouais. C’est pas net.

— Ah ben si, quand même !

— Elle n’est pas spécialement possessive alors.

Fabrice le regarde les yeux ronds, il ne comprend pas.

Edmond :

— Elle passe du temps avec moi au compte-goutte. Elle prend ce que je lui donne et si je lui donne pas, elle fait sans.

Il les regarde.

— C’est particulier. On est ensemble depuis quoi ? Trois semaines. Et grande première, cette semaine, j’ai pu coucher chez elle. Et y passer toute la nuit ! Jusqu’au matin ! J’ai le droit de dormir chez elle et de me réveiller avec elle ! Parce qu’avant c’était chez moi et elle partait juste après qu’on ait tiré notre coup, ou en tout cas à une heure où moi je pionce. Maintenant, il va falloir attendre le mois prochain pour que je puisse la toucher la nuit ! Alors avoir d’autres nuits, l’année prochaine peut-être.

Fabrice :

— Peut-être qu’elle attend que tu t’attaches un peu.

Edmond :

— Pourquoi je m’attacherais à une fille qui n’a besoin que de quatre soirs par semaine avec moi ? C’est ce que fait Stéphane ! Elle ne me demande rien, ne m’appelle jamais. Je sais qu’elle est bien avec moi mais elle est obsédée par le fait de garder ses distances. Elle a toute une maison à retaper et elle ne m’y a jamais invité. Jamais ! Je suis chef de chantier, architecte, je passe mes week-ends à me faire chier dans ta baraque à toi, et la nana avec qui je couche a une maison entière à retaper et elle ne m’a jamais demandé d’y aller. C’est un truc ça… ! Ah ! Et puis elle est space.

Christophe interroge Fabrice, il hausse les sourcils avec une moue dubitative.

Fabrice :

— Ça veut dire quoi space ?

— Elle est compliquée. Très compliquée. Tout est compliqué chez elle. C’est le genre de nana qui va te raconter les nuances entre complexe et compliqué. Elle est vraiment compliquée. Et fragile aussi, susceptible. Elle a des problèmes de partout. Des fois, elle explose et tu ne sais pas d’où ça sort.

Christophe et Fabrice comprennent bien alors qu’effectivement une nana comme ça, c’est pas super.

— Du coup, t’as des trucs qui te tombent sur la tête et t’as rien demandé.

Les gars acquiescent de nouveau.

— C’est une gamine, compliquée, fragile. Elle s’habille n’importe comment. Elle le reconnaît d’ailleurs ! Et moi, la roue tourne. Je n’ai pas envie de m’attendrir d’une petite fille. Elle se pose plein de questions. Sur des trucs complètement… Et moi, je veux une femme. Qui a fini de grandir, qui est femme, quoi. Un truc solide.

Fabrice hausse les sourcils.

— Ah ! Bon. Elle avait l’air sympa. Avec la tête sur les épaules aussi.

— Elle est bien ! J’aime bien être avec elle. Elle est ingénieur en fait. Et quand je suis avec elle, il y a toujours un truc extraordinaire que jamais t’aurais pu prévoir ! Il sourit béat. Elle est rafraîchissante. C’est ça, rafraichissante ! Tu vois ?

Fabrice ouvre grand les yeux, Christophe a froncé les siens.

— Ah !

— Elle n’écoute rien de ce que je lui dis. Je lui fais des compliments. Des vrais ! Elle ne me croit même pas. C’est pénible ! Elle n’arrête pas de me dire que je ne suis pas parfait. Elle est sans arrêt en train de me reprocher quelque chose.

Fabrice :

— Ah ! Alors elle est vraiment space !

— Fous-toi de ma gueule ! On a des trucs en commun, la peinture, la musique, oui. Mais elle n’est pas avec moi comme étaient les autres. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien en fait ! Tout ce que je peux lui donner, elle n’en veut pas. Je ne sais pas pourquoi elle est avec moi. En fait, c’est ça. Je ne comprends pas pourquoi elle est avec moi !

Après un temps.

— Tant pis.

Fabrice à Christophe :

— Il est sûr que ça ne va pas durer.

Christophe :

— Quand les deux le savent, c’est pas trop grave.

— C’est le cas, on le sait tous les deux. C’est même elle qui me l’a dit.

Fabrice joueur :

— Que vous le saviez tous les deux ?

— Non ! Arrête de te foutre de ma gueule !!! Qu’elle savait, elle, qu’elle n’était pas pour moi !

Fabrice :

— Ça facilite les choses.

— Oui, tout est simple. En fait.

Edmond pense tout haut. Il rigole.

— Elle m’a dit que j’étais incapable de faire confiance à quelqu’un. Que je vérifie tout ce que font les autres. Les gars sur les chantiers, le géomètre, elle. Elle a raison.

Fabrice et Christophe le regardent.

— Mais je le savais déjà !

Il regarde Fabrice.

— Elle est secrète aussi. Elle cache tout. Je ne sais rien de sa vie. Chez moi, elle ne laisse rien. Comme si elle n’était jamais passée. Si ! Je sais un truc, c’est que ce n’est pas le grand amour avec sa famille. Et que son ex est un minable. Je suis meilleur que lui !

Sans le faire exprès ou en le faisant exprès, pour lui, pour se faire du bien, il bombe le torse. Les deux autres haussent les sourcils en se regardant.

— Mais elle n’est pas sociable. Elle n’aime pas les gens, elle n’aime pas les enfants… C’est pour tout ça que tout est simple en fait.

Christophe :

— T’as raison, faut prendre ce qu’il y a à prendre.

Edmond :

— Ouais, et pas se prendre la tête.

Fabrice sceptique :

— Hum ! J’sais pas. Même avec une nana normale, ce n’est pas facile…

— De quoi ?

— De ne pas se prendre la tête…

Christophe :

— Fais ce que tu veux mais sois réglo. Si tu veux t’en séparer, fait le pas comme un salaud.

— Mais je ne sais pas si je vais m’en séparer. J’en ai aucune idée.

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