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— Tu vas ouvrir, oui ? s’égosilla-t-elle.

Claire était furieuse : une fois passe encore, mais deux ! Pour qui se prenait-il ? Elle n’allait quand même pas rester là des heures, à attendre que Monsieur veuille bien lui ouvrir la porte de sa chambre contre laquelle elle tambourinait vainement ! Il ne daignait même pas lui répondre. Elle ne comprenait plus rien à son attitude. Mais que se passait-il donc dans la tête de son frère ?

Elle appuya son front contre la porte. Il n’y avait plus qu’à attendre le retour de sa mère, elle seule saurait comment le faire sortir de là, du moins si elle n’était pas dans une de ses périodes à l’ouest.

La douleur se répandit soudainement dans son crâne. Fermant les yeux, elle se prit la tête dans les mains. Manquait plus que cela ! Elle allait exploser.

— Bastien ! hurla-t-elle.

Elle trébucha, et se sentit tomber en avant. Déboussolée, elle ouvrit les yeux : elle était à genoux, dans la chambre de Bastien. Elle avait dû perdre l’équilibre quand la porte s'était ouverte.

— Maintenant tu vas me dire ce qui se passe, vociféra-t-elle en se relevant, les yeux fixés sur le visage blême de son frère.

* * *

Décembre

Cécile enfila sa robe en jean et se contempla dans le miroir, complètement découragée par ce que lui renvoyait son reflet. Ça ne lui allait pas du tout, elle était tout simplement ridicule. Elle décida que pour aller à une soirée dont elle se moquait éperdument, cette tenue ferait largement l’affaire. Elle adresserait juste un petit coucou de pure politesse à Maël, pour se barrer aussitôt et broyer du noir dans sa petite chambre sombre.

« Cesse de jouer les mélodrames ! » se serait exclamée sa mère si elle s’était exprimé à voix haute. De toute façon, pour cette dernière, quoi que faisait ou disait sa fille était pure comédie. De quoi vous dégoûter de devenir une adulte.

— Tu es prête ?

Tiens, en parlant du loup. Sa mère, toujours le sens de l’à-propos.

— Enlève-moi cette tête d’enterrement ! Tu te rends à une soirée, pas à la morgue ! soupira sa génitrice, assise sur le canapé. À croire que tu n’aimes pas t’amuser !

"Cela dépend avec qui et tu le sais très bien, rétorqua Cécile. On ne peut pas dire qu’on s’amuse tous les jours avec toi."

Non, évidemment, elle ne la dit pas, cette réplique cinglante qui lui vient à l’esprit. Mais elle s’arrangea pour que son silence chargé de reproches le fasse savoir.

Raté.

— Ah, les jeunes d’aujourd’hui, murmura Mme Mansel en se levant.

Dix minutes plus tard, après avoir sonné à l’interphone devant la grille d’une résidence d’immeubles couleur brique, la jeune fille leva des yeux incertains vers le premier étage d’où s’échappaient des éclats de voix diffuses noyées sous un déluge tonitruant de décibels mélodieux. Pauvres voisins…

— Ouais ? crachota dans l’interphone une fille à la voix éraillée.

— Euh, je suis une amie de Maël, il m’a invitée et...

— Pas la peine de raconter ta vie, je t’ouvre, premier étage!

Très utile l’info, elle n’aurait jamais deviné !

La musique se fit plus violente à mesure qu’elle gravait les escaliers. Trop tard pour faire demi-tour ou on allait la prendre pour une demeurée. Ou une trouillarde. Voire même les deux.

Dès qu’elle pénétra dans le vestibule, les effluves rances de la sueur mélangée à celles de l’alcool la saisirent à la gorge. Le vaste appartement de la copine de Maël était bondé. Pour atteindre le buffet, Cécile se faufila entre la masse informe des corps qui se trémoussaient au rythme de la musique ou discutaient, un verre à la main. Car c’est bien connu, à une soirée où on ne connaît personne, c’était la première chose à faire pour éviter le désœuvrement. Après le reste vient tout seul... enfin, pour toute personne normalement constituée, et elle n’était pas vraiment sûre de rentrer dans le lot. Elle avait plutôt l’impression d’être le vilain petit canard perdu au milieu de la basse-cour. Pour ne pas changer. Tout va bien se passer, relax ma vieille, s’exhorta-t-elle en se servant précautionneusement d’une part de pizza.

— Eh, tu t’es faite désirer, on dirait !

Cécile offrit son plus beau sourire à Maël qui venait de la rejoindre.

— Y’a de l’ambiance ici ! remarqua-t-elle en hurlant presque pour couvrir le volume de la musique, et surtout pour – avouons-le – avoir quelque chose à dire.

— C’est sûr, assura Maël, en promenant un œil de connaisseur sur l’assemblée. La blonde qui danse, là, c’est Camille, dit-il en désignant du doigt une jolie fille coiffée à la garçonne qui se déchaînait sur la piste. Les autres, je les connais pas trop, c’est plutôt des gens de sa classe, mais ils sont cool.

Oui, c’est plutôt vrai, songea Cécile, deux heures plus tard, après avoir enchaîné une dizaine de tubes à la suite, et papoté avec une dizaine de personnes. Mal à l’aise dans ce genre de soirées, elle était restée collée au buffet pendant vingt bonnes minutes, se contentant d’admirer ceux qui semblaient évoluer sans le moindre complexe sur la piste de danse. Puis Camille l’avait incitée à les rejoindre, et après quelques débuts timides, elle s’était lancée à son tour, surtout grâce aux encouragements pressants de sa « nouvelle amie » de fortune. Malgré son look assez trash, Cécile trouvait celle-ci super sympa. Comme elle lui expliqua avec enthousiasme, Camille voulait devenir assistante sociale, mais rien ne l’empêchait plus tard de changer d’avis et de se tourner vers un autre métier si elle le voulait.

— Dans la vie, on peut tout faire, à condition d’en avoir la volonté et la patience, aussi ! affirma-t-elle en riant.

Non, vraiment, elle avait bien fait de venir finalement. Maël avait raison, ici, finalement, les gens étaient vraiment accueillants.

Vers une heure du matin, sa mère se signala à l’interphone. Cécile fit un signe à Maël et remercia Camille, promesse de se revoir à l’appui. Elle plongea bravement dans la penderie à la recherche de son manteau, qu’elle retrouva à la suite d’une fouille interminable. Elle fit marche arrière à reculons pour sortir de l’espace et heurta quelqu’un qui attendait visiblement son tour.

— Oh.... Pardon, je suis vraiment désolée, fit-elle en se retournant.

Elle s’immobilisa aussitôt.

Devant elle se tenait un gars qui la scrutait, indécis. Un type qu’elle était certaine d’avoir déjà vu quelque part. Mais où ?

— Tu as trouvé ton manteau ? demanda Camille. Ah, Arthur, tu pars aussi ? C’est vraiment chouette à toi d’être venu ! Vous vous connaissez ? interrogea-t-elle en interrompant son monologue.

Son intervention rompit le silence qui s’était installé sur eux comme une chape de plomb, les coupant un instant du reste du monde. Cécile détourna les yeux, mais l’autre maintenait les siens, de plus en plus insistants, sur son visage. Ce qui la perturbait.

— Euh, je dois partir...en tout cas, merci c’était super, dit-elle rapidement avant de s’enfuir par les escaliers.

— Tu la connais ? entendit-elle au-dessus de sa tête. Elle accéléra pour ne pas connaître la réponse. Quel que soit le lieu où elle l’avait vu – et sans doute au lycée –, elle ne tenait pas à le revoir, il l’avait mise mal à l’aise.

Avait-on idée de mettre les gens dans pareille situation ! Elle lui en voulait d’autant plus que cet épisode l’avait complètement dégrisée.

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