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Claire s’adossa contre son lit et s’efforça de se concentrer sur sa respiration pour tenter d’oublier ce qui se tramait dans le petit grenier aménagé en bureau paternel il y a des années de cela, quand il était apparu comme évident qu’ils n’avaient plus l’âge d’avoir une salle de jeux. Quand cela s’était-il produit au juste ? Elle avait une petite idée sur la question mais la balaya d’un battement de cils, c’était trop douloureux. Elle se rappelait encore les mercredis après-midi passés à jouer aux jeux de société avec ses amies là-haut, ou encore les histoires qu’ils se racontaient, à l’époque où ils étaient inséparables.

Elle avait tout de suite deviné qu’il se passait quelque chose de louche quand le nouveau copain de son frère s’était invité chez eux. Généralement, cela ne signifiait rien de bon. Et il n’était pas seul. Bastien les avait tous conduits au grenier. Sans qu’un mot fut prononcé par l’un deux. Si elle avait soupçonné que son frère lui faisait des cachotteries depuis quelques temps, ce drôle de défilé en était la confirmation. Bastien tenait à la garder éloignée et cela ne lui plaisait pas du tout. Pour qui se prenait-il à la fin ? Elle ne voulait pas jouer le rôle de la potiche restant sagement dans un coin le temps que leur petite réunion secrète se termine. Elle voulait savoir ce dont il était question et ce n’est certainement pas son frère qui allait l’arrêter. Sa décision était prise. Se faufilant dans le couloir, elle gravit les marches escarpées, attentive à ne laisser filtrer aucun bruit suspect. Arrivée sur le palier, elle retint son souffle et tendit l’oreille. Des murmures étouffés trahissaient la présence du petit groupe dans la pièce exigüe mais elle ne parvenait pas à saisir la moindre parole. Le cœur battant, elle se colla prudemment contre la porte et le murmure confus se mua en un grondement amplifié qui résonnait dans tout son corps.

— … n’ai aucune envie d’être une cible humaine ! protesta une voix fluette.

— Parce que tu crois qu’on a le choix peut-être !

Elle s’écarta brusquement, se mordant les lèvres pour s’empêcher de crier. C’est bien ce qui lui semblait. Il se passait de drôles de choses à côté. Il voulait l’empêcher de participer ? Eh, bien, elle allait lui faire voir !

D’un tempérament fantasque, Claire raffolait du théâtre, et plus spécialement des comédies. Ce qu’elle appréciait avant tout chez un personnage, c’était sa manière d’entrer en scène : plus son entrée était remarquée, mieux elle s’attachait à lui. Avec ce qu’elle allait leur proposer, elle ne doutait pas d’être appréciée. Elle ferma un instant les yeux et laissa le vertige l’envahir jusqu’à la nausée. Elle vacilla, désorientée, manquant de heurter de plein fouet la lourde table en bois de chêne. Elle dut s’y appuyer un instant pour retrouver son centre de gravité et c’est ensuite qu’elle se retourna.

De sa courte vie, jamais elle n’avait focalisé autant d’attention que les regards braqués sur elle comme des projecteurs géants. Leur réaction était plutôt comique : la fille avait la bouche entrouverte comme s’il elle cherchait à gober une mouche et Florian avait adopté l’attitude cocasse d’une statue de cire ridicule. Arthur n’avait pas l’air tellement surpris et s’était ressaisi très vite, lui adressant un petit sourire contrit. Il était dans la combine depuis le début, elle ne manquerait pas de lui régler son compte tout à l’heure. Elle nota également qu’elle avait mal visualisé sa cible, c’est-à-dire le centre de la pièce, d’au moins quatre mètres.

Rien à dire, elle avait raté son entrée. Elle ferait sans doute mieux la prochaine fois. Si toutefois il y en aurait une. Car le regard de Bastien qui s’avançait vers elle avait la puissance de trois mitraillettes réunies.

— JE T’AVAIS DIT DE RESTER DANS TA CHAMBRE ! tonna-t-il en détachant chacun de ses mots.

Elle ne fut pas impressionnée pour autant. Elle aussi était en colère et ce n’est pas son nouveau dictateur de frère qui allait lui imposer sa loi.

— Depuis quand tu es mon père ? rétorqua-t-elle en le défiant farouchement. Tu n’as pas le droit de me mettre à l’écart. Moi aussi je veux comprendre ce qui nous arrive, moi aussi je dois apprendre à me défendre !

— Elle n’a pas tort, intervint Arthur, conciliant.

Bastien le fusilla. Et de deux. À qui le tour ?

— Tu ne vas pas t’y mettre aussi ! Maintenant va-t’en ! ordonna-t-il à sa sœur en lui désignant la sortie.

— Et si je n’en ai pas envie ?

— Si tu ne t’en vas pas immédiatement, je te jure que…

— Que quoi ? le provoqua-t-elle.

— S’il vous plaît, peut-on reprendre la discussion ? tenta Arthur.

— La ferme ! aboyèrent le frère et la sœur de concert.

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