Céleste

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Dans le palais d’Ehrgeiz, les expérimentations diverses et variées allaient bon train. Une des plus événementielle et des plus attendue fut une idée proposée par Sehnsucht : tenter de donner à boire à Ambroise un peu du sang de Nabucholrauch. Le premier était un peu intimidé par cet être surnaturel, et d’ailleurs la mise et l’accoutrement très léger de l’homme mettaient Ambroise très mal à l’aise, le faisant rougir chaque fois que son regard croisait la vouivre, mais Nabucholrauch de son côté, infiniment flegmatique et presque même méprisant avait accepté de se prêter au jeu sans faire d’histoire, lui même plutôt curieux, il fallait le reconnaitre, de ce qui se produirait. Il se laissa entailler la main et permit qu’on récolte une lichette de son sang dans une fiole. Ambroise soupesa celle-ci, hésita, puis trempa la langue dedans. Aussitôt, il bondit, écarquillant les yeux. On put le voir balancer la tête de droite et de gauche, quelque peu perdu, puis il avala d’une traite ce qu’il restait de la fiole sous le regard curieux de Sehnsucht. Comment le vampire allait-il réagir au sang d’une créature mystique changée en humain quand il ne supportait d’ordinaire que du sang d’humain ou (quoi que avec des effets secondaires dégradants) du sang de gobelin ?


Ambroise se mit à tituber, avec un sourire hagard sur les lèvres. Il était en état d’euphorie intense. Puis il s’effondra au sol, évanoui. On ne parvint à le réveiller qu’après quelques heures, et il décrivit son expérience comme si agréable qu’elle en était terrifiante. Sehnsucht trancha pour ne plus donner de sang de la vouivre à Ambroise à moins de ne plus rien avoir d’autre sous la main.


Dans le même temps, les aménagements du palais d’Ehrgeiz avançaient, et le seigneur sombre avait commencé à se constituer une cour digne de ce nom. Ylva, Ambroise et Nabucholrauch étaient souvent proches de lui, quand ils n’étaient pas chacun pris par leurs expériences. Les savants mettaient en commun leurs découvertes et leurs savoirs, se faisaient mutuellement des suggestions, et au final travaillaient main dans la main. Ylva, pour sa part, observait avec une curiosité bien plus innocente, et quand elle parlait à Sehnsucht c’était généralement de ses préoccupations morales. Elle pointa quelquefois du doigt le traitement terrible des gobelins, mais Sehnsucht balayait ces remarques en disant simplement que Les Gobelins n’étaient pas mieux lotis quand ils restaient dans leurs tribus au beau milieu des montagnes du Nulcivern, un argument qui ne convainquait aucunement la princesse.


Un jour, Ehrgeiz reçut un nouveau visiteur, mais d’une nature bien différente de celle des deux précédents. Sehnsucht fut prévenu de leur approche longtemps avant leur arrivée, mais il pensa d’abord qu’ils n’étaient sans doute que de passage. Pourtant, ils ne se contentèrent pas de traverser les terres désolées. Ils firent escale à Ehrgeiz.


C’étaient des elfes, et comme tous les elfes ils avaient fait leurs demeures dans le ciel. Naviguant à bord de magnifiques navires enchantés flottant dans les airs avec la force des vents et de la magie, ils accostèrent dans la cité après avoir très respectueusement demandé les autorisations. Le seigneur des ombres observa longuement ces nombreux navires d’un air dubitatif avant de comprendre. L’inconstance de leur architecture, leur absence de pavillon, leurs coques à la grâce elfique brutalisée par des réparations de fortune… ce n’étaient pas les représentants d’un quelconque empire elfe venus bruler sa ville de nécromancien, non, bien au contraire.


Du navire amiral qui avait jeté l’ancre en plein centre d’Ehrgeiz sortirent des elfes noirs. Beaux êtres élancés, noirs de cœurs et cruels : c’étaient des pirates des cieux, sillonnant la voûte céleste en délestant les navires des autres empires elfiques, tuant, pillant, et réduisant en esclavage ceux plus faibles qu’eux.


Celle qui les menait se faisait appeler la capitaine Talnessa. Sa bande de pirate était remarquablement puissante, regroupant une demi douzaine de vaisseaux, et de nombreux elfes féroces sans compter les innombrables esclaves de toutes races enfermés dans leurs cales.

Talnessa était une guerrière elfe dans toute la splendeur de la fonction et de sa race, incarnant à la fois l’élégance et la plus atroce férocité. Elle portait un magnifique uniforme noir d’amiral haut elfe qu’elle avait littéralement repeint de rouge avec du sang séché, ainsi qu’un tricorne plumé au panache d’un beau bleu nacré. À sa ceinture pendait un sabre elfique, plus tranchant qu’aucune lame humaine. Son sourire à pleines dents ressortait au milieu de sa peau noire comme elle s’adressait à Sehnsucht pour lui faire une proposition qu’il ne pourrait pas refuser.


Elle et ses pirates se proposaient de commercer avec lui. Le sombre sire avait depuis longtemps réduit en esclavage des gobelins des montagnes du Nulcivern, tantôt il les achetait aux tribus locales, tantôt il envoyait ses anciens esclaves en capturer de nouveaux. Maintenant, les elfes lui proposaient deux choses : d’une part, faire le commerce de ces esclaves gobelins, Talnessa proposant de les échanger contre des esclaves d’autres races comme des orcs, des trolls, ou des humains qui seraient plus utiles à Ehrgeiz mais qui sont bien trop compliqués à transporter par navires volants sur de longues distances. Ensuite, elle se proposait de faire d’Ehrgeiz son port d’attache pour elle et sa bande, et peut-être même pour d’autres pirates elfes noirs, puisqu’ils étaient bien loin du territoire aérien de l’empire haut elfe et que, contrairement aux autres royaumes humains, ils n’avaient pas de problèmes moral avec l’idée d’échanger avec de si sombres associés. Enfin, elle se proposait même de payer une taxe pour pouvoir accoster, mais Sehnsucht l’arrêta là. Il lui proposa, à la place de payer, de faire serment d’assister à la défense d’Ehrgeiz. Le sombre sire imposa quelques conditions. Il ne voulait pas voir d’affrontements entre pirates sur son territoire, mais en échange les pirates elfes noirs auraient le droit d’aller et venir dans sa cité, sous condition de respecter la loi. Ils pourraient commercer, ou se reposer en ville, mais la contrepartie était que si la cité devait être attaquée, que ce soit par un royaume voisin ou par la marine céleste des hauts elfes, Talnessa et ses elfes devraient accourir pour leur venir en aide.


Les deux tombèrent d’accord, et sans plus tarder, la construction du port d’ancrage commença. Attaché au sol par un dantesque câble pourvu d’échelles et de plusieurs niveaux de plateformes, un grand ballon gonflé selon la science et la magie des elfes fut envoyé dans les airs pour supporter un quai aérien où les navires flottants des elfes pourraient accoster à leur gré et débarquer leur marchandise. Pendant le processus, Ylva tenta bien de faire voir à Sehnsucht combien ce commerce d’êtres vivants était immoral, mais Sehnsucht savait déjà depuis longtemps qu’il l’était, simplement il s’en moquait éperdument. Tout au plus consentit-il à affranchir les humains qu’il achèterait, mais avec des trolls et des orcs en guise d’esclaves complémentaires, il pouvait accélérer considérablement ses travaux de constructions et œuvrer à la constitution de son armée.

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