Discipline
Un matin, alors que le soleil se levait sur les terres désolées, une rumeur parvint jusqu’à Ehrgeiz. La ville était en effervescence avec l’arrivée de nouveaux résidents, et Sehnsucht occupait tous ses esprits à organiser un semblant d’armée avec ses troupes disparates. Orcs hargneux, gobelins assoiffés de sang, trolls stupides et ogres affamés se chamaillaient parmi des mercenaires humains et des morts vivants de toutes les races. Mais un bruit se répandit parmi les esclaves, une rumeur selon laquelle un être étrange venait de franchir les montagnes du Nulcivern, un être que Les gobelins appelaient désormais le seigneur des fouets. Sa réputation seule terrifiait les esclaves avant même qu’il ne parvienne jusqu’à Ehrgeiz.
L’homme qui se présenta était un simple humain, natif de Lichtsrahl. Il portait une grande robe de cuir, des gants épais, une épée à la ceinture, et surtout un fouet redoutable. Dans son sillage, une centaine de gobelins s’étaient mis à le suivre. Il les avait asservi à seule force de sa volonté et de son fouet alors qu’il traversait la chaîne de montagnes hostiles. Il s’arrêta devant les murailles de la cité et demanda audience au seigneur sombre. Étonné de voir un visiteur humain aussi sûr de lui, Sehnsucht sortit et découvrit un homme rigide, froid mais droit et d’une discipline tranchante. Il répondait au nom de Lezalit, et était un mercenaire. Fils puiné d’un noble de Lichtsrahl, il avait gagné sa vie en tant qu’instructeur pour les soldats, enseignant la discipline et les formations de combat aux troupes de différents seigneurs, mais le dernier seigneur qu’il ait servi l’avait définitivement dégoûté de ce métier.
« Ils ne comprennent rien à la valeur de la discipline. La noblesse de Lichtstrahl est décadente et a oublié tous les principes qui régissent la guerre. Oubliés les grands théoriciens, oubliée la discipline et la ferveur qui avaient fait la force de ce royaume par le passé. Maintenant ils couinent sitôt que j’essaie de donner du fouet à quelques soldats impertinents. Aussi, j’ai pris ma décision : je viens vous offrir mes services. Si vous êtes aussi pragmatique qu’on le dit, alors à n’en pas douter vous gagnerez la guerre qui se prépare. »
Sehnsucht le jaugea longuement. Il avait affaire à un simple humain, d’une condition physique remarquable, mais pas surnaturelle. Rien de magique ni de muté ne ressortait de lui, et au fond, cela inspira un certain mépris au sombre sire. Il ricanait dans son enveloppe de maléfices purs, mais finalement, une lumière se fit jour dans son esprit.
« Aimez vous les défis, Lezalit ?
- Ça dépendrait desquels.
- Puisque la science de la guerre vous intéresse, et plus encore celle de la discipline. Que diriez vous d’expérimenter la chose en essayant de faire collaborer orcs, trolls et gobelins avec des morts-vivants et des humains ? »
Le sombre sire s’attendait à voir de l’hésitation ou de la peur chez l’humain, mais il n’en perçut nulle trace. Lezalit se contenta de hocher la tête.
« Cinquante pièces d’or par mois, et j’en ferais une armée à même de faire ployer tout le continent. »
Sehnsucht le scruta de ses yeux de néants, interloqué. Mais le seul son qu’il émit fut :
« Accordé. »
Le pragmatisme et le flegme de Lezalit avaient séduit le paladin renégat. En introduisant cet individu à Ehrgeiz il avait l’impression de rétablir l’équilibre dans sa cour qui commençait à se déliter. Ambroise désespérait de plus en plus de trouver un moyen de contrer sa soif de sang et ne cessait d’importuner Nabucholrauch pour avoir de son sang ; Nabucholrauch était de plus en plus détaché des choses matérielles et s’enfermait pour pratiquer ses expériences ; et les elfes noirs présents en ville faisaient vivre un enfer aux esclaves qu’ils harcelaient et exploitaient sans vergogne. Sehnsucht chargea Lezalit de l’autorité pour remettre de l’ordre en ville ainsi que de la charge d’instructeur des armées. On verrait bien comment les choses tourneraient.
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