1.3 Nouveau rebelle

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Rudolf et Chen sont en train de surveiller les alentours. Cette semaine, ils planquent dans les montagnes. Il y a trop de risque en ville. Les immeubles sont en train d'être fouillés. Les dictatrices font de l'excès de zèle pour plaire à Sophie.

Les deux garçons ont très froid. L'altitude et le vent les font grelotter malgré leurs épaisses doudounes. Ils ne peuvent même pas faire de feu pour se réchauffer. Chen a un peu moins froid. Il utilise une technique que lui a apprise Inès un jour par pur hasard. Le nom est assez comique. La technique de l'oignon.

Le but est de superposer de très nombreuses couches très fines de vêtements plutôt qu'une ou deux épaisses. Elle lui a expliqué que le peu d'air emprisonné entre chaque couche, isolait davantage du froid qu'une doudoune épaisse. En plus, cette technique permet de garder une certaine aisance de mouvement.

Chen a donc protégé ses orteils en les séparant avec du coton et mis trois paires de chaussettes avant d'enfiler ses chaussures étanches et rembourrées. Il a mis un pantalon collant en lycra, puis un sous-pantalon en flanelle, un pantalon léger de jogging et enfin le pantalon épais matelassé. Chen s'est pourvu d'un débardeur moulant, d'un tee short à manches courtes, d'un tee short à manches longues, d'un sous-pull et d'un pull avant d'enfiler une veste épaisse. Une grosse écharpe, un protège-oreilles et un bonnet complètent son déguisement de bibendum.

En apparence, Chen et Rudolf ont la même épaisseur de fringues. Chen a minimum deux couches de plus de partout. Donc il a un peu plus chaud. Mais ce soir, ça caille sévère. Par moments, de la neige tombe discrètement. Les routes sont verglacées et très dangereuses.

Les deux garçons tentent de se réchauffer en faisant des petits mouvements de gymnastique pour que leurs muscles produisent suffisamment de calories pour maintenir le sang dans les extrémités. Sautillant sur place ou effectuant des pompes, ils empêchent le froid de les immobiliser. Leurs respirations dégagent des nuages de fumée malgré les épaisses écharpes. Ce sont leurs oreilles et leurs nez qui leur font le plus mal. Ils ont l'impression qu'ils vont tomber en morceaux de glace au sol.

Rudolf observe à la jumelle le bas de la montagne coté État 25 et Chen scrute le haut, à la recherche de soldats qui arriveraient par L'État 34. Les troupes des Alphas sont à leur recherche et tentent de les encercler. Alors, les rebelles surveillent les mouvements pour ne pas se faire surprendre. Ils sont nerveux, à l'affût, prêts sans cesse à devoir fuir ou se battre.

Les deux garçons sursautent. Ils aperçoivent au loin une voiture, roulant de nuit, les feux éteints. Rudolf la suit avec les jumelles. Une jolie petite voiture de ville, pas du tout faite pour les montagnes. On dirait un homme à l'intérieur, mais Rudolf n'est pas sur, en raison du peu de lumière. L'individu semble vouloir passer le col.

Chen appelle Igor pour savoir ce qu'il doit faire. Le véhicule lui parait suspect. Le chef rebelle lui répond que pour l'instant, il faut se contenter de surveiller la voiture. Cela pourrait être un piège ou bien quelqu'un de désespéré. De nuit, sur une route sinueuse de montagne et sans phare, c'est quasiment du suicide. Les rebelles veulent secourir un fugitif, toutefois les Alphas qui les traquent sont rusées et pourraient avoir imaginé un plan vicieux.

Ils suivent aux jumelles le véhicule lointain qui doucement remonte la pente dans leur direction. Sa conduite est incertaine et lente. La personne au volant n'a clairement pas l'habitude de rouler sur des routes escarpées. Les deux garçons observent attentivement, tentant de profiter de chaque occasion pour apercevoir le reflet ou la silhouette du conducteur. À la carrure, Chen est persuadé qu'il s'agit d'un homme. Rudolf est d'accord avec lui.

Mais le fait que ce soit un mâle ne signifie pas qu'il n'est pas sous les ordres d'une femme. Les deux garçons restent discrets et méfiants. Ils ne font aucun mouvement qui permettraient au conducteur ou d'autres personnes de les voir. Même le reflet de leurs jumelles est sous contrôle. Ils se font invisibles.

Plus le temps passe, plus la voiture se rapproche d'eux. Cela fait deux heures depuis qu'ils l'ont vu tout en bas de la montagne. Maintenant, le véhicule est quasiment au sommet, il va passer devant les garçons dans quelques minutes. Ils n'ont pas quitté des yeux la voiture, tout en continuant de vérifier les autres mouvements sur le mont rocheux.

Rien ce soir, personne ne bouge si ce n'est ce moyen de locomotion. Le pont, que les rebelles ont détruit il y a quelques jours, semble avoir ralenti la progression des militaires. C'est vraiment calme. La nuit parfaite pour un fuyard qui voudrait changer d'État, ou pour un guet-apens spécial rebelles.

La voiture manque un virage. L'homme la rattrape de justesse. Il s'arrête, à quelques centaines de mètres de Chen et Rudolf. Un jeune homme en descend. Les deux garçons le voient observer si la voiture est accidentée ou pas. Il a l'air anxieux et regarde autour de lui comme une bête traquée. Le jeune homme remet la voiture sur la route et en redescend ensuite pour tenter maladroitement d'effacer les traces de dérapage.

Il s'éloigne et commence à pisser contre un arbre. Le jeune homme a dû se faire une belle frayeur, il a été à moins d'un mètre du précipice. Il tremble et pas seulement de froid. Rudolf et Chen se rapprochent de lui sans bruit. C'est un gamin de leur âge, sans entraves. Il n'a pas l'air dangereux, juste apeuré et craintif.

Il a fini de pisser et tente de calmer la frayeur qu'il vient d'avoir. Il semble très inquiet. Chen le ceinture par-derrière et le bâillonne de la main. Rudolf se met en face et lui fais chut du doigt. Il le menace avec un couteau. Le jeune homme reste calme. Il semble soulager de voir deux garçons.

— T'es qui ? Que viens-tu faire ici ?

— Je m'appelle Daniel. Je me suis échappé de ma propriétaire. Je viens de l'État 25. Je cherche les rebelles pour les rejoindre et combattre la Vice Suprême Sophie. Vous en êtes?

— Nan..... On est juste des mecs en fuite comme toi. T'as quoi dans ta caisse ?

Le jeune Daniel se calme un peu. Il les invite à le rejoindre. Sa voiture est pleine de nourriture, de couvertures, d'armes et de médicaments.

— De quoi survivre. Je vais essayer de passer la frontière cette nuit. En poussant les affaires, on peut monter à trois et tenter le coup.

Daniel commence à rassembler les objets et referme les sacs pour les placer dans le coffre. Il libère le siège passager et celui derrière. Rudolf inspecte la voiture. Il ne trouve pas de traceur. Chen a aidé Daniel et n'a rien vu. Les deux rebelles ne cachent pas au jeune homme leur inspection. Celui-ci semble très calme, soulagé d'avoir croisé de la vie masculine.

— Vous cherchez quoi ?

— Des traceurs au cas où t'es envoyé par nos chères Alphas. Désape-toi. On doit te vérifier. Promis on ne te fait pas de mal. On doit juste s'assurer que t'es bien un gars en fuite.

Daniel s'exécute sans protester. Il est clean. Chen a fouillé sous les sièges. Rudolf ouvre le capot. Rien de rien, à part des branches venant de l'accident. Rien de suspect n'est caché. Le contenu de la voiture ne comporte que des choses très utiles, pour un fuyard ou des rebelles. Les deux garçons se détendent. Le jeune homme semble honnête, un reproducteur en fuite qui cherche à les rejoindre.

— Bienvenue dans la résistance mon grand. Je suis Rudolf et voici Chen. On t'amène à un camp en sécurité. Par contre, file-moi les clés. Tu conduis trop mal. Chen efface moi ses traces. C'est du travail d'amateur.

Rudolf se met au volant. Daniel s'installe côté passager et lui donne les clés. Les deux rebelles le voient clairement soulagé de ne plus conduire. Les épaules du jeune homme se sont affaissées à l'instant même où il donnait ses clés à Rudolf. Chen dissimule les traces de roues, en grattant en profondeur avec une branche. Il dessine des sillons imitant les passages de défenses de sanglier et le creusement du sol avec des sabots. Chen élimine toute trace de pneus, les faisant passer pour le passage d'un être porcin. Ils partent tous les trois et font une heure de route. Daniel est totalement perdu.

Le blondinet a l'impression de passer plusieurs fois par le même endroit. Le jeune homme se doute que les deux garçons cherchent à lui faire perdre ses repères et il ferme les yeux, pour les rassurer et aussi parce qu'il est très fatigué. Rudolf reçoit un appel, puis reprend la route.

Il quitte le chemin goudronné et emprunte un sentier destiné aux équipes de secours. En quelques minutes, les trois garçons arrivent à une grotte. Surpris, Daniel aperçoit dans le noir, une femme qui ouvre un rideau de ronces. Rudolf rentre la voiture. Il éteint le contact et descend ainsi que Chen.

La femme referme le rideau de ronces avec précaution. Une autre personne fait rouler une grande porte dont la surface extérieure imitant la pierre. Ils sont dans une cachette, bien dissimulée au cœur de la montagne. Invisible aux yeux des autres du fait de son obscurité. Le lieu semble immense. Rudolf sourit au blondinet.

— Bienvenue dans ton nouveau chez toi Daniel.

Des lumières s'allument. Daniel est ébloui. Il cligne des yeux et a besoin de quelques secondes pour s'habituer à la clarté soudaine. Rudolf lui fait signe de le suivre. Ils passent par un petit escalier de pierre et rentrent dans un salon. Une maison troglodyte taillée dans la montagne. Daniel aperçoit de nombreux hommes et femmes. Ils sont au moins vingt-cinq.

— Papa, Maman, je vous présente Daniel, notre nouvelle recrue. Il nous apporte une jolie voiture et des provisions. Daniel, tu connais Chen le bavard. Voici mon papa Igor. Ma maman Irène. Mon frangin Gaël. Là, c'est Bruce. Sibylle. Peter. Diego. Lou. Malik. Nadia. Théo. .....

Rudolf énumère tout le monde. Daniel est un peu paumé. Il serre les mains et tente de suivre. Il est enfin chez les rebelles. Il a envie de pleurer de joie. Une des femmes lui propose de manger. Sa voiture a été vidée. Il ne s'en offusque pas. Ce matériel va être très utile aux rebelles, il le sait. Irène le remercie de toutes ces fournitures si précieuses.

Bruce lui demande comment il a fait pour les avoir. Daniel explique alors s'être rebellé contre sa propriétaire, et lui avoir mis les entraves le temps de se refaire une santé. Le temps de récupérer de l'argent, des médicaments, de la nourritures, des armes le plus discrètement possible.

— Waouh t'a dû en profiter quand elle avait les entraves ta proprio. Tu lui a bien fait mal, j'espère ? S'exclame Rudolf.

— Non. C'est une fille bien. Elle est coincée dans ce système de merde. Je lui ai rien fait. Jamais je n'aurais pu lui faire du mal. Je l'aime, répond Daniel.

Igor lui demande alors pourquoi il n'a pas fui avec elle si elle lui manque déjà. Les rebelles auraient été ravis d'accueillir un couple d'amoureux et sont connus pour ne pas faire de mal aux femmes.

— L'amour que je lui porte n'est pas réciproque. Elle ne peut pas partir de chez elle. Vous l'auriez tué ou utilisé. Sa mère nous aurait poursuivis. Ma propriétaire est Delta Solène. La fille de Sophie, la nouvelle Suprême.

Tous bondissent. Certains s'insurgent et veulent renvoyer Daniel. Sa présence ici risque de rendre Sophie furieuse et les rebelles vont le payer très cher. Igor les incite au calme. Rien n'indique que Sophie puisse penser que le jeune homme ait rejoint la rébellion. Il suffira de bien le cacher. Chen ouvre enfin la bouche.

— Daniel, c'est quoi ton matricule ? 9568, ça te dit quelque chose ?

— Oui. C'est ma date de naissance. 8 juin 95

En entendant ces mots, Rudolf fait un grand sourire. Maintenant il sait à qui sont destinés tous ces mots d'amour que les rebelles reçoivent régulièrement. Il pensait à une proche de Sophie, et il avait raison. Sa propre fille est une indic pour les rebelles.

— Mon gars, tu te plantes grave. Je peux te dire que l'amour est réciproque et que tu lui manques cruellement. Elle nous envoie un message tous les jours pour toi.

Daniel est perdu. Irène lui explique et lui demande s'il pense que Solène pourrait trahir sa mère. Daniel répond que c'est probable. Cela expliquerait la justesse des informations. Toutefois, ce que Daniel ne comprend pas, c'est que Sophie ne fait confiance à personne, pas même à sa fille.

Elle ne lui laisserait pas accès à des données aussi cruciale. Sophie n'avait pas accès à toutes ses informations non plus avant. Sinon elle aurait déjà fait arrêter les rebelles. Igor s'inquiète. On dirait que Solène a accès au réseau d'Inès via sa mère. Si Sophie contrôle le réseau d'Inès, ils vont bientôt tous se faire tuer.

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