Au risque de me répéter, je dois avouer que la seconde perspective me déconcerte un peu.

Depuis Spinoza, nous savons que nous pouvons voir notre vie sub specie æternitatis.

Mais là c’est très différent, ce regard sur ma vie, c’est mon regard, ou plutôt celui de mes milliards de milliards de moi.

Et là je me sens perdu, mais se fuir soi-même est certes courant, mais il est bien préférable de refuser cette solution de facilité et d’affronter, rationnellement, ce vertigineux défi.

Je me retrouve face à des milliards de moi qui mènent une vie strictement identique à la mienne.

Ma réaction naturelle serait : vous êtes tous des imposteurs, le seul moi réel c’est moi.

Sauf que chaque moi est moi et me traite, à juste titre, d’imposteur.

C’est à devenir totalement fou !

Si nous (tous les moi) revenons à la Raison, il n’existe que trois possibilités.

Ma liberté n’est qu’une illusion, aucun de nous n’a jamais réellement fait de véritable choix,

nous sommes programmés par la nature, la Nature ou Dieu, un ordinateur sur-puissant à penser et à agir de façon déterminée.

Aucun moi n’est proéminent et aucun moi n’est libre.

Il existe un premier moi, il est le seul réel et tous les autres n’ont fait que le suivre.

D’accord mais lequel, qui a ce droit à ce titre ?

C’est insoluble et se pose la question, comment expliquer l’apparition des autres moi et surtout, pourquoi les dévaloriser, puisqu’ils m’ouvrent les portes de l’immortalité ?

Ajoutons que nous réintroduisons le temps et sortons de l’éternité.

Troisième solution : chacun de ces moi est totalement libre et indépendant des autres.

Il a juste eu exactement la même vie que moi, fait rigoureusement les mêmes choix dans le même ordre.

Dans un univers fini c’est impossible, dans un univers infini c’est tout à fait rationnel.

Sauf qu’un simple choix innocent peut briser nos vies synchronisées et que des milliards de milliards de moi légèrement différents hantent ce multivers infini.

Cette troisième possibilité me plaît bien , mais est-ce la vérité ?

Des milliards de milliards de moi se le demandent !