Avant je cherchais un chemin, un chemin existentiel, un chemin qui ne mène nulle part.

Tout cela a changé, je ne me retrouve plus face à un chemin mais face à des milliards de chemins. Certains sont identiques, d’autres sensiblement différents.

Certes je peux me sentir perdu face à cette inextricable profusion. Mais cela serait oublier que pour chaque tirage au sort d’une vie, je ne suivrai qu’un seul chemin et que les autres m’échapperont toujours !

J’ai simplement compris que les choix de cette lignée de vie, les évènements de cette lignée de vie pourraient se répéter à l’infini.

Mais moi, je ne vois, je ne vis qu’une lignée.

On peut, cependant, se demander si suivre, ici et maintenant, des milliards de chemins est possible.

Au risque de vous surprendre, lectrice, lecteur, cette idée n’est pas si absurde que cela, à la condition de sortir d’une étroite perspective physique.

D’éminents physiciens, comme Aurélien Barrau, envisagent sérieusement cette perspective philosophique.

La possibilité d’une création continue, ici et maintenant, de différents mondes a été développée par le philosophe américain, professeur à Harvard, Nelson Goodman.

Sa pensée logique est particulièrement subtile et complexe, et sa maîtrise exige une bonne connaissance de la philosophie analytique contemporaine.

Malgré ces difficultés, nous devons croiser cette pensée car Goodman développe explicitement la théorie de la création infinie de mondes.

Nous ne cessons de créer, à chaque instant, des mondes. Cette création passe par des perceptions, des énoncés et s’élève jusqu’aux œuvres d’art.

Le monde de Van Gogh est bien réel, le monde que je crée par mes énoncés est bien réel. Des milliers, des milliards de mondes coexistent, ici et maintenant, et je crée, nous créons ces mondes à chaque instant.

Même si Don Quichotte n’existe pas, Cervantès a créé tout un monde, le monde du donquichottisme.

La pensée de Goodman est aussi complexe qu’enthousiasmante et nous ouvre, ici et maintenant, des milliards de chemins dans des milliards de mondes.