L'ULTIME TENTATIVE
Bizarrement, elle se souvenait de l’adresse mail d’un homme rencontré à l’étranger, vingt ans plus tôt. À l’époque, elle n’avait pas eu le temps de créer de véritables liens avec lui, en toute connaissance de cause. Pourtant, elle n’hésita pas à lui écrire. Mais c’était avant… avant toutes ces révélations sur son passé.
Il n’était pas anodin que cet homme ait continué de lui écrire lorsqu’elle étudiait à l’université. Il l’appelait parfois tard le soir, simplement pour prendre de ses nouvelles. Seulement, elle ne se rappelait plus comment cela s’était terminé. Son intuition lui soufflait qu’elle avait sans doute rompu le contact dans la confusion, soit en gardant le silence, soit dans un accès de colère. Au fond, elle savait qu’elle avait surtout cherché à dissimuler son mal-être, à le garder pour elle seule.
Plus tard, de retour en France, lorsqu’elle tentait désespérément de retrouver un travail et de reconstruire sa vie dans sa ville natale, en vain, elle reçut de nouveau de ses nouvelles, toujours par mail. Mais cette fois, c’était elle qui appelait à l’aide : elle avait pris conscience que la drogue, les mauvaises fréquentations, les dealers et leurs manigances l’avaient plus détruite que sauvée. La réponse fut brutale. L’homme la renvoya dans ses retranchements, coupant court d’un seul trait : ce n’était pas son problème, il ne pouvait rien pour elle.
Elle demeura alors dans une incompréhension totale, démunie, sans soutien, sans avenir, entourée comme toujours de personnes malveillantes. Et, une fois encore, elle mit fin à ces échanges avec ce qui restait, finalement, d’un inconnu.
Vingt ans plus tard, elle tenta une nouvelle fois de renouer. Mais elle réalisa rapidement que ce n’était qu’une utopie bâtie sur des mensonges. Elle se rappelait très nettement d’une femme au bras de l’un de ses amis à l’étranger, comme encore sous hypnose. Lui, pourtant, ne semblait pas troublé. Ils discutèrent entre eux, la laissant seule avec ses interrogations.
Aujourd’hui, en rassemblant tous les détails, en repérant les hypocrisies, les manipulations par les sentiments dans ses mots, elle comprit qu’elle n’avait plus d’autre choix que de laisser le passé où il était. Définitivement. Elle devait se protéger en évitant tous ceux qu’elle avait croisés de près ou de loin, qu’ils soient de vieilles connaissances ou des rencontres plus récentes. Désormais, une seule chose importait : elle-même. Sa future famille, ses animaux, ses passions, ses loisirs, son bien-être moral comme physique. Rien n’était trop précieux. Ses véritables alliés, elle le savait, se révéleraient d’eux-mêmes, le moment venu.
Ce n’était plus à elle de courir après des chimères. Si cet homme avait réellement voulu son bien, il aurait cherché à reprendre contact de lui-même. Comme tous les autres — camarades de classe, amies d’enfance etc. — qui, eux aussi, étaient restés dans le silence.
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