Chapitre 3 - La Découverte de l'horreur
Abus & Trahison familiale
Dans la vie d’Agathe, ce sont souvent des souvenirs épars qui remontaient lentement à la surface, comme des bulles noires venues troubler l’eau en apparence calme.
Cette fois-ci, elle ne savait plus quel âge elle avait exactement. Mais un détail, insignifiant pour d’autres, lui provoqua des frissons glacés. Des images de l’horreur.
Cela se passait lors d’une soirée. Un jeune couple avec enfants avait été invité et, tandis que sa mère riait à gorge déployée, bavardant sans fin dans la cuisine où l’on servait l’apéritif, son père, lui, s’était chargé de "divertir" les enfants. Mais bien plus tard, cette manigance ne fut pas transparente pour Agathe, qui comprit la manipulation de sa mère pour détourner l'attention des parents, faire diversion pendant ce temps. Son attitude la trahissait, elle qui se donnait trop de mal.
Car lui, avait un jeu bien particulier.
À l’abri des regards, dissimulé sous la surface d’une coquille bleue en plastique servant de petite piscine, il avait touché sexuellement deux jeunes garçons — sous les yeux d’Agathe. Elle était restée figée, pétrifiée par l’incompréhension et la terreur. Trop choquée pour parler, incapable de réagir.
Mais quand la vérité éclata, les invités furent bouleversés.
Et pourtant, Agathe avait espéré. Elle avait espéré, au fond de son cœur d’enfant devenu trop tôt adulte, que sa mère serait choquée et bouleversée, qu’elle la prendrait dans ses bras et qu’elle dirait enfin les mots qu’elle avait tant attendus :
« Je te crois. Je suis désolée. Tu n’aurais jamais dû vivre ça. »
Mais non.
Tout ce qu’elle eut, lorsqu'elle fut victime à son tour - c’était le soupir exaspéré de sa mère, et un « c’est pas grave » - qui s’insinua lentement dans sa poitrine comme un poison. Une trahison... Et c’est là que le silence s’est installé, un silence compact, lourd, épais. Celui qu’on traîne pendant des années, celui qu’on porte comme un manteau trop grand, trop sale, tissé de honte qui n’était pourtant pas la sienne.
Elle comprit ce jour-là qu’elle devrait vivre avec ça, cette absence de reconnaissance, avec le regard vide et haineux de celle qui lui avait donnée la vie, et plus tard, avec la peur constante que, peut-être, elle était folle. Qu’elle avait inventé voire exagéré.
Et pourtant… elle se souvenait de tout. Surtout de la sensation de ne pas pouvoir fuir.
Agathe avait grandi avec une douleur enfouie sous des couches de normalité. Elle riait parfois, elle réussissait à l’école, elle faisait bonne figure. Mais au fond, la cicatrice était bel et bien vivante.
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