Quand la Vérité perce l'Illusion

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Malheureusement, les personnes qui découvraient la vérité sur sa mère étaient trop peu nombreuses. Mais il y en avait.
Comme tous ces hommes avec qui elle s'était mise en couple, et dont Agathe avait fini par entendre parler. Certains lui avaient confié avoir fait des travaux chez sa mère… puis avoir connu la fin de la relation. Et ce n’était pas un cas isolé. Peu à peu, Agathe comprit qu’il s’agissait d’un stratagème récurrent de sa mère pour profiter de ces hommes — peut-être même en usant de son corps. La petite terrasse du jardin, soigneusement aménagée, semblait presque en témoigner. Agathe y avait passé assez de temps pour s’en souvenir.

Ce fut un pur hasard si elle recroisa l’un de ces hommes, et s’entretint avec un autre plus tard. Pourtant, la vérité se dessinait avec une évidence douloureuse.
Les autres, ceux qui ne convenaient pas aux critères de sa mère, étaient aussitôt rabaissés : elle leur prêtait toutes sortes de défauts, qu’elle répétait ensuite à sa fille comme autant de prétextes pour s’en éloigner. Elle alla même jusqu’à prétendre qu’un homme était dans la drogue — une accusation totalement fausse, démentie par l’intéressé lui-même quand elle le croisa de nouveau en ville.

Mais en tentant de se rappeler précisément les mots de sa mère, un détail refit surface. Elle se souvenait désormais : sa mère lui avait expliqué qu’elle ne voulait plus fréquenter cet homme, non pas parce qu’il se droguait lui-même, mais parce qu’il avait, selon elle, des amis qui consommaient.
Et là, une question s’imposa à Agathe, comme un éclair dans l’esprit :
Pourquoi fuir un homme pour ce que font les autres ?

Quel était le vrai motif derrière cette rupture ? Était-ce un simple prétexte ?
Voulait-elle en réalité se rapprocher de l’un de ses amis ? Espérait-elle "butiner", s’infiltrer dans son cercle, pour profiter d’eux, les uns après les autres, comme elle l’avait peut-être déjà fait auparavant ? Tout cela paraissait étrange. Trop flou. Trop manipulé.

Cette justification bancale révélait, en réalité, un autre point :
Sa mère s’était engagée dans cette relation sans vraiment connaître cet homme.
Et pire encore, elle ne lui faisait pas confiance.
La preuve en était là, limpide. Agathe comprenait peu à peu que sa mère jouait sur plusieurs tableaux, constamment.
Et ce doute, à force de s’accumuler, devenait une certitude.

Rien ne tenait debout. Mais Agathe, à l’époque, ne soupçonnait rien. Elle croyait encore à la "sainteté" de sa mère, à sa pureté d’âme. Elle lui avait pardonné son passé, pensant sincèrement à un changement... Mais ce n’était qu’un masque : une hypocrisie savamment dosée pour mieux manipuler ensuite.

Et puis il y eut ce moment-clé, cette dernière visite chez elle, juste avant que tout bascule — avant qu’Agathe ne se retrouve internée, cherchant à échapper à ses griffes. Ce jour-là, sa mère lui parla de molécules liées à sa supposée maladie psychiatrique. Étrange, pensa-t-elle. Pourquoi des recherches aussi précises ?
Agathe, de son côté, fit ses propres recherches… et découvrit que ces molécules n’étaient autres que des régulateurs d’humeur, destinés à favoriser l’équilibre, le bien-être, une forme de stabilité intérieure.
Alors elle comprit. Encore une tentative de manipulation, camouflée sous des airs de sollicitude. Sa mère, bien trop intelligente pour que ce soit anodin, cherchait à se donner le beau rôle — celui de la "bonne mère", soucieuse de la santé de sa fille. Mais Agathe n’était plus dupe.

Même la manière dont elle parlait d’elle, ses sous-entendus, ses silences, la trahissaient. Car les hypersensibles, comme Agathe, ressentent profondément les émotions, les intentions. Ils sont des éponges émotionnelles. Et son intuition, cette fois encore, ne la trompait pas.

Car si sa mère avait vraiment voulu l’aider, pourquoi n’avait-elle pas simplement parlé avec franchise ? Pourquoi ces demi-mots, ces attitudes opaques, au lieu de gestes clairs et sincères, de paroles vraies, une discussion posée au lieu de cette colère permanente qu'elle semblait cacher, du moins au début, et que sa propre fille percevait malgré elle ?
C’est que, pensait Agathe, la plupart des gens ne savent pas ce que sont de vraies relations. Des relations authentiques, empreintes d’empathie et d’humanité.
Et c’est bien là tout le drame.

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