L'adaptation qui Tue
Il y a des mots qui sonnent doux, presque sages, comme s’ils venaient d’un lieu de bienveillance. Et pourtant, parfois, derrière leur façade rassurante, ils cachent des lames bien aiguisées.
Le mot « s’adapter » fut longtemps l’un de ceux-là, pour Agathe.
On lui avait souvent dit :
« Tu devrais apprendre à t’adapter, Agathe. »
Cela semblait raisonnable. Même mature.
Mais dans sa bouche à elle — sa mère — ce n’était pas un conseil, c’était un piège.
Un venin dilué dans une intention en apparence noble.
Car ce mot servait à justifier l'injustifiable.
S’adapter signifiait :
- Accepter la présence d’inconnus malsains dans leur foyer,
- Accepter leurs conditions sur ses droits à elle,
- Tolérer les humeurs de sa mère, les silences glacials ou les sourires intéressés,
- Fermer les yeux sur les manipulations,
- Rire aux blagues de ceux qu’elle détestait intérieurement,
- Donner l’impression que tout allait bien, pour ne pas déranger, pour ne pas « faire de vagues ».
Et chaque fois qu’Agathe exprimait son malaise, on lui répondait encore :
« Tu dramatises. Il faut apprendre à t’adapter. »
Mais pourquoi s’adapter à l’injustice ?
Pourquoi s’adapter à la peur, au mensonge, à la perversion ?
Un jour, Agathe comprit.
Ce que l’on nommait adaptation, c’était de la soumission déguisée.
On voulait lui apprendre à se taire pour survivre, à s’effacer pour plaire, à lisser les contours de son âme pour ne pas déranger ceux qui tranchent.
Elle n’avait plus envie de ça.
Elle ne voulait plus plaire à des gens qui l’écrasaient.
Elle ne voulait plus s’adapter à des lieux, des liens, ou des propos qui lui faisaient violence.
Ce jour-là, elle se jura une chose :
S’adapter, oui. Mais jamais plus contre elle-même.
Car il n’y a rien de courageux à se trahir pour être aimée.
Et si certains appelaient ça « être trop sensible », elle, elle appelait ça être vivante.
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