Une Vie Volée
Lorsqu’Agathe comprit enfin ce qu’elle avait traversé depuis le tout début — depuis sa naissance — ce fut comme si le cauchemar se refermait brutalement sur elle. De révélations en découvertes, une question la hantait sans relâche : pourquoi ?
Ce n’est qu’en naviguant sur Internet qu’elle comprit l’ampleur de ce qui se tramait derrière son dos. Seulement, elle mit des années pour reconstituer le puzzle. Tout cela n’avait qu’un seul but pour ceux qui l'entouraient : la mise sous tutelle. Comme l’avait prédit sa grand-mère. Puis, bien sûr, l’argent. Son argent. Entre les mains de sa propre famille. Tout avait commencé avec sa sœur, qui avait longuement insisté au téléphone, presque avec insistance maladive, comme par hasard. Ensuite, sa mère devait — toujours selon les paroles de sa grand-mère — reprendre le flambeau.
Mais chaque tentative d’Agathe pour obtenir des réponses se heurtait à un mur de silence ou de manipulation. Même lorsqu’elle essaya de comprendre son hospitalisation et ces électrochocs qu’elle avait subis — endormie, sans son consentement — elle ne reçut que le sourire cruel des infirmières qui, le lendemain, lui avaient demandé si « elle n’avait pas eu trop mal », en ricanant entre elles. Même topo lorsqu'elle envoya des courriers, en vain, des années plus tard pour obtenir son dossier médical.
Une mise à mort silencieuse.
Elle avait consulté sur les conseils d’une « connaissance » masculine, sous traitement forcé, alors qu’elle était prête à se soigner. Tout ce qu’elle avait fait, c’était raconter son enfance. Les maltraitances. Les abus. L’extrémisme religieux. Et désormais, elle en était certaine : c’est pour cette raison précise qu’on l’avait enfermée. Qu’on l’avait droguée.
Chaque souvenir qui remontait à la surface était un traumatisme de plus. Chaque révélation, une trahison. Chaque prise de conscience, un sentiment accablant de honte, de culpabilité, pour avoir été si naïve, si confiante. C’en était trop.
Jusqu’au jour où elle voulut dire stop.
Mais ce n’était pas terminé. Le travail de sape, lui, continuait. Ce groupe. Cette secte. Ce cercle mortifère.
Alors elle se fit une promesse : plus jamais elle ne se tairait. Plus jamais elle ne se laisserait faire. Ni manipuler, ni dominer, que ce soit par ceux qui se disent "du bon côté" ou par les autres. Elle se souvenait encore des mots durs et froids d’une jeune femme, entendus comme une gifle, qu'elle ne comprit pas, sur le coup : "il faut être sans pitié". Et cette phrase, lancée dans la rue par un homme à son ami :
« Celle-là, tu peux lui faire ce que tu veux, elle ne dira rien. »
Plus jamais. Quitte à crier. À se mettre en colère. Quitte à passer pour une garce. Elle n’en avait plus rien à faire. Trop longtemps, elle avait tout encaissé. Trop longtemps, elle s’était tue. Maintenant, elle allait répondre.
Son but n’était pas la vengeance — elle croyait en un karma bien plus juste que n’importe quel tribunal. Mais elle refusait désormais d’être perçue comme cette victime docile sur qui l’on pouvait tout faire sans jamais craindre de conséquences.
Elle se jura que dès que quelqu’un dépasserait les limites, elle agirait. Sans peur, sans trembler.
Parce que si on avait pu lui faire tout cela depuis l’enfance, et surtout si tout avait été aussi calculé et aussi bien orchestré, les vols sous hypnose ou prémédités pour conduire à une mauvaise réputation... en plus, si personne n’avait réagi alors même qu’elle était à la merci de ses bourreaux, enfant... jusqu’où iraient-ils encore ?
Trop loin. Bien trop loin. Jusqu’à la détruire. Jusqu’à la tuer. Elle n’en doutait plus une seconde. C'était toute une stratégie pour la faire tomber, par la ruse, la tromperie et les violences, les abus. Pour une vie volée, une vie sacrifiée.
Désormais, elle allait lâcher prise et agir. Se transformer, s’il le fallait. Ou redevenir simplement celle qu’elle aurait pu devenir, si elle n’avait pas croisé la route des mauvaises personnes. Ou plutôt, si ces dernières ne l’avaient pas choisie, elle, repérée dès l’enfance, avec toutes ses failles, ses blessures béantes.
Parce que pour elles, c’était trop facile. Mais à partir d’aujourd’hui, elle ne leur facilitera plus jamais la tâche.
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