Chapitre 8

8 minutes de lecture

Le colis arriva trois jours plus tard, mais pas seul. Une lettre l'accompagnait. Je levai les yeux de ma feuille alors que Darren entrait dans son bureau. Il me tendit le colis et j’enfilai le bracelet.

— Attendiez-vous du courrier ?

— Non, mais la lettre vient d'une amie. Je suis invité à une fête. La lettre dit que je peux emmener un +1. Je me demandais si tu serais intéressée à venir.

— Ce sera une fête avec uniquement des vampires ?

Il acquiesça. Je baissai les yeux sur ma feuille. Une fête… En étant une nouvelle, je n’avais pas encore rencontré d’autres vampires hormis Darren et Marcus.

— Je ne sais pas, Darren, répondis-je. Je ne connais personne.

— Ce n'est pas entièrement vrai. Il y a moi. La liste d'invités incluse dans la lettre indique que Marcus y sera aussi. Il n’y aura que 10 invités.

Je me mordillai la lèvre, mes canines brisant la peau. J'essuyai le sang qui en coula.

— Sans compter les +1 », déclarai-je. 20 personnes dont la plupart sont inconnues.

— Il n’y aura pas dix +1, déclara Darren.

— Comment pouvez-vous en être sûr ?

— Les +1 sont en général des compagnons ou compagnes. Ceux de la liste sont en couple avec un autre invité ou seuls. Mon amie apprécie les petites réunions.

— Puis-je y réfléchir ?

— La fête est ce samedi. Donne-moi ta réponse avant le départ.

— Nous sommes mercredi.

— Ça te laisse 3 jours pour décider.

— Et cette fête… est-elle hors du pays ? Je n'ai pas de passeport.

— Non. Il y a quatre heures de route à faire. Je pars, ou nous partons, au coucher du soleil. Le jour ne sera pas encore levé. Elle a une piscine et un bain à remous.

— Oh…

— Ensuite, nous passons la journée à l'intérieur. Il y aura des jeux.

— Quels genres ?

— Jeux de cartes, charades, que de l'amusement.

— Ça a l'air intéressant.

L'idée de me retrouver entourée d'inconnus me terrifiait, mais en même temps, ces inconnus seraient comme moi.

— Ils sont tous plus vieux… enfin, oui, évidemment, mais je veux dire…

— Mon amie a créé une vampire quelques années avant toi. Biologiquement, vous avez environ le même âge.

— Je vais continuer à y penser.

— Bien sûr.

— Pour le moment, que dirais-tu de mettre ton texte à l'ordinateur ?

— N'en avez-vous pas besoin ?

— Je prends une pause.

— Je vais aller chercher mes feuilles.

Darren se plaça devant le chevalet et me laissa prendre place à l'ordinateur. Lorsque je finis de retranscrire, je l'enregistrai au simple title “Maëlys histoire”. Il lui manquait un titre, mais j'y reviendrai. Je restai à l'ordinateur une bonne quinzaine de minutes, mais le syndrome de la page blanche persistait.

Assise au piano, je pianotai des touches au hasard jusqu'à me décider à jouer une chanson. À mon soulagement, le livre donnait les chansons selon leur difficulté. La première était bien simple.

— Twinkle, twinkle, little star, how I wonder what you are, chantai-je à voix basse. Oups, mauvaise note.

Je repris du début, cette fois en silence. Je la recommençais chaque fois avant de parvenir à la jouer au complet.

— Twinkle, twinkle, little star, how I wonder what you are, repris-je.

La feuille de musique incluait les paroles.

— Up above the world so high,

like a diamond in the sky. Twinkle, twinkle, little star, how I wonder what you are.

— Il semblerait que j'aie droit à un concert gratuit.

Je me tournai.

— Étiez-vous là depuis longtemps ?

— Moins d'une minute, mais ne sous-estime pas l'ouïe d'un vampire.

— Vous m'entendiez depuis le début.

Je ne cherchais pas la confirmation, je savais.

— Je ne voulais pas vous déranger. Je vais arrêter.

— Ai-je dit que tu me dérangeais ? Tu peux continuer.

— Je vais aller chercher quelque chose à boire, répondis-je.

Je montai à ma chambre et m’assis sur mon lit. Une fête… Moi, Maëlys Morgan, la fille qui se cachait derrière ses livres pour éviter le monde, serait entourée d’inconnus. J'ouvris une page vierge. Je griffonnai en haut de la page :

Pours:

Rencontrer d'autres vampires, y compris un vampire de “mon âge”, M'amuser, vivre de nouvelles expériences, profiter de la présence de Darren et de Marcus.

Contres :

Anxiété sociale, beaucoup d’inconnus, Je suis une nouvelle vampire dont presque personne n’a entendu parler, je déteste avoir l’attention sur moi.

Je décidai d’attendre le matin pour faire un choix. Après tout, la nuit porte conseil, dit-on. Je m’étendis sur le lit, ne prenant pas la peine d’enlever mes vêtements ni même de me couvrir. Le sommeil me prit en un clin d'œil.

En me réveillant le lendemain — enfin, si je m’endormis avant minuit —, je descendis, carnet en main. Assise face à mon verre, je pesai les pours et les contres. La majorité des contres se concentraient sur ma zone de confort. Même si l'idée me terrifiait, je ne doutais plus de mon choix.

— Darren, appelai-je en entrant dans le bureau, je vais aller à cette fête.

Il se tourna de la chaise d’ordinateur pour me regarder.

— Je vois que tu as déjà pris ta décision.

— Je ne peux pas rester éternellement dans mon cocon.

Ensuite, une idée me vint.

— Est-ce une soirée habillée ? Je n’ai rien de la sorte.

— Non. Tu peux emmener ton maillot de bain si jamais, mais l’habillement décontracté est préférable. Ce n’est qu’une soirée bien simple.

— Et nous restons à l’intérieur toute la journée, affirmai-je.

— Oui. Donc, rien ne t’empêche de porter des vêtements courts.

Je continuai l’écriture durant la journée et, le soir venu, je retournai à mon entraînement. Je ne trouvai toujours aucune façon de courir à vitesse “humaine” et me contentai du jogging. Même là, ça me demandait des efforts immenses. Toute ma concentration ne me servait que pour cet exercice.

L'horloge indiquait un peu avant minuit lorsque je me couchai. Je m’endormis presque aussitôt.

À mon réveil, je vidai deux verres et retournai à l’écriture. Je bloquais dans l’écriture de l’histoire de Stella après avoir terminé le deuxième chapitre.

— Je ne sais comment expliquer qu’elle survive.

— Peut-être qu’au lieu de survivre, elle simule sa mort. A-t-elle de la famille ? Des amis ?

Je notai ce que Darren me dit et décidai d’y réfléchir. Ses paroles me firent réfléchir à ma propre situation.

— Aurait-il fallu que je fasse pareil ? Simuler ma mort ?

— Tu aurais dû disparaître sans laisser de traces. Et serais-tu capable de supporter de voir tes grands-parents pleurer ta mort ?

— J’imagine que non.

Je notai ça aussi.

— Peut-être que Stella pourrait disparaître du pays et se créer une nouvelle identité.

— C’est ton roman, tu décides.

Rien de bien concret ne me vint à l’esprit et je laissai tout de côté.

Je me retrouvai assise devant le piano. Alors que je jouais, Darren approcha.

— Puisque tu sembles aimer le piano, je pense que tu apprécieras ce petit cadeau.

Il plaça un livre sur le dessus du piano et me levai pour le prendre.

— C’est un livret de chansons.

— Pas n’importe lequel. Il s’agit de mes propres compositions placées dans un livre. J’en ai publié quelques-uns.

— Je suis une débutante.

— Oh, elles sont très simples. Je t'ai donné le volume pour débutants.

Je pratiquai donc les mélodies pendant une partie de la journée. Toutes les chansons du livre offraient une nouveauté au niveau de la musique. Je n'avais pas suivi de cours de musique au collège, mais j'y pris vite goût. Je m'amusai même à imaginer des paroles aux mélodies de Darren.

Samedi arriva. Je repris l'écriture en douceur. Stella vivait chez son oncle avant d'être hospitalisée. Stéphane déclara sa mort. Peut-être devrais-je placer ce passage dans le prologue. Je décidai de reprendre le prologue du début. Stella reçut la nouvelle qu'ils ne pouvaient la guérir. Un soir, seul avec elle, Stéphane lui offrit un choix. En pleine transformation, il l'emmena à la morgue et la déclara décédée. Ou alors, je pourrais me baser sur mon histoire. Ils pourraient prétendre à un traitement expérimental. Peut-être quitterait-elle vraiment le pays.

— Écrire un roman est un défi de taille.

— Personne n'a dit que c'était facile, me répondit Darren.

— Vous arrive-t-il de vouloir reprendre du début ?

— Encore maintenant, je n'y suis pas immunisé.

L'inspiration refusant de revenir, je montai à l'étage et rangeai mes feuilles. Le tiroir de l'armoire ouvert, j'hésitai. Je voulais me changer, mais j'ignorais quoi porter. « Ce n'est qu'une soirée bien simple », avait affirmé Darren. Même si l'habillement décontracté était préférable, ça demandait réflexion. J'avais une jupe en jean parmi les vêtements apportés dans ma valise. L'occasion ne se présenterait sans doute que peu désormais et je décidai de l'enfiler. Avec ça, je portai un tee-shirt rose avec un chat blanc. Lui aussi provenait de ma vie d'avant et je l'adorais. Je portai des ballerines noires et le collier préféré de ma mère.

Lorsque je vis mon reflet portant ce bijou qu'elle adorait, les larmes me montèrent aux yeux.

— C'est le début d'une nouvelle vie, murmurai-je pour moi-même. Maman, Papa, me regardez-vous de là-haut ?

Je plaçai mon maillot de bain et une serviette dans mon sac à dos et redescendis. Je déposai mon sac dans l'entrée à côté d'un sac en toile noire que j'assumai être celui de Darren.

— Et si j'écrivais vraiment ma propre histoire ? dis-je à Darren une fois de retour dans son bureau. Mais si j'écris sur une adolescente qui est transformée en vampire après un accident de voiture…

— Je pense comprendre où tu coince. Pourtant, je pense que tu pourrais toujours écrire ton histoire et la faire passer pour une histoire de fantaisie.

— Comment ?

— Les accidents de voiture sont malheureusement trop communs à l'époque actuelle. Je doute qu'ils voient cela comme une biographie et découvrent le secret.

Je hochai la tête. J'avais déjà changé Maëlys en Stella et Darren en Stéphane. Je pris une nouvelle feuille. Sur le haut, j'écrivis « Ma biographie de vampire ». La première ligne se lisait « Je m'appelle Stella… », et je bloquai sur un nom de famille. Peut-être un nom de famille français. La vraie Stella, ma grand-mère, était de naissance italienne avant de marier mon grand-père. Ou peut-être un nom italien. Ses parents italiens auraient immigré en France. J'écrivis donc : « Je m'appelle Stella Rosetti et j'ai bientôt 16 ans. » Croyez-vous aux vampires ? Moi, jusqu'à ce qu'un certain événement ne bouleverse ma vie, je vous aurais traité de cinglés. » Je posai la feuille. Sans doute qu'utiliser le nom de jeune fille de ma grand-mère maternelle ne gênerait pas. Je le savais que grâce à maman. Connaissez-vous ces projets de CP où vous créez un arbre généalogique ? Eh bien, je n'avais pas connu mes grands-parents maternels. Seul ce projet et quelques photos existaient pour moi.

Darren se leva de la chaise de bureau et ouvrit les rideaux.

— Le soleil commence à se coucher. Que dirais-tu de partir maintenant ?

— D'accord.

Nous quittâmes le bureau de Darren. Dans le hall d'entrée, nous récupérâmes nos sacs. Une fois dehors, j'inspirai l'air frais du soir. J'admirai les teintes violettes et orangées du soleil couchant.

— Ça ferait une jolie photo.

— N'est-ce pas ? Allons-y.

Je m'installai dans le siège passager de la voiture et Darren démarra le moteur. Nous quittâmes la propriété sous le ronronnement du moteur.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lierachan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0