5.4 * JAMES * MENOTTES INTERNES

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CHAPITRE 5.4


MENOTTES INTERNES


* *
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J.L.C
29.10.22
23 : 55


♪♫ ??? — ??? ♪♫

Fini ? Elle s’en va ? Putain de bordel de merde… Mon instinct aboie : cours, agrippe-la, retiens-la ! Et après quoi ? Je la séquestre ? Je l’attache à mon nombril ? Parce que Monsieur l’As du Verrou Affectif ne supporte pas le rejet ? Bonne idée, James. Quand le manque délire, il appelle ça de l’amour. Dans la réalité = pénal.

Bloody Christ ! Même sa colère me fuit. J’ai pas droit à sa fureur. J’ai plus rien. Une claque aurait été un cadeau. Un verre balancé en pleine gueule, une preuve du feu couvant. Mais une insulte et plus rien ? Genre plus jamais ? Non, je… Non, non, non !

J’ai un incendie sous la peau. Si j’amorce un pas, je fracasse le monde. Si j’ouvre la bouche, je crache des cendres. Donc, je mâchonne l’intérieur de mes joues et cligne lentement pour retenir les larmes. Can't break doon. No' in this fuckin' place[1].

Raides, inertes, mes muscles lâchent. Un doigt, même un doigt, impossible à mouvoir. Son départ me fauche les jambes, le sol se dérobe, et je tombe, avalé par le ventre du vide. Crucifié d’impuissance, enchaîné à mes fautes, je la regarde s’éclipser à grandes enjambées. Son dos — ce refus sculpté — disparaît dans la masse. Générique de fin. Les figurants la bouffent. Écran noir.

Au bord de l’éclatement, mon V8 interne se déchiquette à chaque battement, hurle son nom jusqu’à tordre mes cordes vocales, verrouillées, incapables d’articuler quoi que ce soit d’humain. Mon cerveau, lui, dresse le constat clinique. Trop. Tard. Abruti. Elle a choisi. Retour grillé. Celui que je prévoyais dans quelques mois ? Réduit en bouilli, composté, recyclé en douleur. La haine me griffe les côtes — haine de mes illusions, haine de cette version de moi qui a temporisé, attendu, repoussé. Celle qui a parié sur le futur comme si elle allait m'attendre. Comme si l’amour seul suffirait. Crap, je sais qu’elle m’aime — m'aimait ? On n’invente pas une connexion pareille, nom de Dieu !

Les bruits reprennent possession de l’espace — musique percussive, paroles dissonantes, rires. Rien n’a plus de consistance que le silence qu’elle m’a laissé. Tout s’éloigne, noyé dans l’écho tranchant de sa décision.

Fini… Je… j’ai… j’arrive pas à y croire. Si l’espoir s’est dissous dans ses pas, si les portes de son cœur se sont refermées pour de bon, si la moindre chance de la reconquérir vient d’être broyée par la botte du destin comme une cigarette au sol, alors… Ah'm dead. Ni métaphore, ni délire, mais pure réalité : une énième rechute. Mes démons me guettent déjà, confiants, sourire aux lèvres. Le poison lève la main, m’appelle, fidèle et le trou noir, gueule grande ouverte, compte les secondes patiemment.

Malgré tout, mes yeux refusent de la lâcher d’une semelle. Elle atteint les marches, un type s’incruste, l’attrape par le bras et lui parle. Super, le premier crevard qui passe lui saute dessus… Quelle rapidité ! Elle décline, pivote vers moi. Eh merde : ses prunelles sont noyées.

Le mec, un bloc de muscles en T-shirt sombre, allure méditerranéenne, suit la trajectoire de son regard, m’identifie, me jauge façon tueur civilisé. Qui c’est celui-là ? Elle, elle grimpe les escaliers d’un pas précipité, esquive l’espace VIP, son clan aux premières loges, file droit vers l’obscurité d’un couloir et disparait totalement de mon radar.

Toujours immobilisé, les poings si crispés que mes ongles ruinent ma peau, la tristesse me retient. Elle m’empêche de fuir vers elle, de fuir tout court. Elle m’encheville, m’appose un nœud coulissant qui se resserre au moindre mouvement. Faut croire que l’amour fait aussi office de menottes internes, direct au squelette. D’ailleurs, un homme qui aime vraiment, il fait quoi dans cette situation ? Il se tire une balle dans la fierté, déjà, en visant bien. Ensuite, il traverse les flammes, même en sachant qu’il y perdra des plumes. Moi ? Champion du surplace en chef. Monument national de la couardise. CEO du laisser-passer mes chances.

Pourtant, mon coeur cavale en direction d’une seule idée : lui vomir des excuses à genoux, la supplier, promettre de réparer, de changer, de faire mieux. Pour la reconquérir, je ferais feu de tout bois, mais ce serait mon égoïsme en chevalier blanc, ma trouille en mode survie, mon besoin grimé en déclaration qui parleraient. En définitive, mon drame, pas le sien. Putain, même mon mea culpa puerait la stratégie. Welcome to hell

Victoria m’a mis un point final dans les bras et si j’ai la moindre foutue décence, je dois m’écraser, respecter son choix. Pas le droit de l’enchaîner à mes regrets. Aye, crétin ! Va dire ça à ton épicentre sentimental à la ramasse, il a pas lu le mot d’ordre. Bordel, je suis qu’une loque misérable prête à vendre ses organes pour un dernier regard.

Quelqu’un me parle. Je crois. Yelly.

J’avais oublié. J’avais oublié que ma sœur était là, près de moi, tout du long. Et Antoine, pas loin, à coup sûr. J’avais oublié que j’étais dans un foutu club, oublié la morsure des néons, la brutalité grondante et opaque des basses, le tumulte qui empoisonne chaque souffle d’air. Je m’arrache à mon engourdissement pour croiser le verrouillage visuel de ma jumelle. Sur ses traits, une compassion dépourvue de bruit. Elle a saisi. Parfois, l’absence de paroles est la seule main qu’on te tend sans t’étouffer.

Pour rassembler mes débris éparpillés, je laisse échapper un soupir lourd. Mon esprit réclame la percée nuageuse, mes yeux survolent le point de fuite. Respirer, résister à la sauce Let it go, Disney style. Tsss, marre-toi, poule mouillée.

Tandis que je me détourne et que le poids de mes pensées m’entraine vers la sortie, une paire de mocassins vernis se plante devant moi. Menton relevé. Un type propre sur lui, impeccable, me toise d’un œil impassible. Ses lèvres s’animent, un accent méridional et grave m’interpelle :

– Va la voir. Elle est sur le rooftop. Porte du fond à gauche. Dernier palier.

Une voix de commandement pour une certitude martiale. Dérouté, je cligne des paupières. Who the hell’s this fella ?[2]

Une étrange impression de déjà-vu me saisit. Mon cerveau charbonne pour faire le lien. Ce visage… il rôde dans mes limbes mentale. Et là, bim, coup de batte hippocampique !

Une story Insta. Lui, face à l’objectif. Vi, silhouette tournée, blottie contre son torse. Robe noire décolletée dans le dos, tignasse blonde rassemblée sur le côté, épaule nue. Un cliché crépusculaire, trempé de sensualité, digne d’un shooting ciné. Une dinguerie. On distinguait à peine la ligne douce de sa joue, nimbé d’une fragilité équivoque. Son après-moi, par contre, avait l’air prêt à inscrire son nom sur elle comme sur un carnet de propriété. Un des hashtag disait… I will survive. Putain d’ironie : elle vient de le hurler sur scène.

Mon ressenti à l’époque ? La blague ! Une bouffée de rage folle à faire péter des maxillaires et une jalousie malsaine, dévorante, au point que mon poing a choisi le placo pour exutoire — réflexe de mec qui ne sait plus quoi faire de sa douleur. Après ça ? Sorti ramasser une blonde au rabais pour la tringler comme un déchaîné du cul, un animal blessé, un… un bawbag[3] ! Ça soulage pas. Ça salit. Ça soigne pas. Ça te graille l’âme en retour.

Je lui balance une estocade du regard, imbibée de sang et de rouille.

– Elle veut pas me voir. Si je monte… et qu’elle me claque la porte au nez, je fais quoi ? Je saute ?

Putain, quelle entrée en matière ! Un œil de tueur à court de cibles, voilà ce que je prévoyais. Résultat : j’ai surement l’air malin, bravo ! Aucune idée de pourquoi j’ai sorti ça, ni pourquoi s’est tombé sur lui.

Lui, justement, yeux bleus bardés d’acier, colonne de glace, mains dans les poches, pas un mot, pas un rictus. Mutisme compact. Quand il ouvre la bouche, ses paroles me chopent à rebours :

– Écoute, t’as deux options, mec : la rejoindre tout de suite ou ramasser mon poing dans la gueule pour la peine. Je t’offre pas de troisième voie. Appelle ça un coup de pouce si t’as besoin d’étiqueter. Alors choisis. Mais choisis vite. Et bien.

Quoi ?! Mais à quoi il joue ce tocard ? Un ultimatum. Carrément. Sans rire : mode baston d’abord, philo après ? Pourquoi ?

Fronçage de sourcils : ça tourne dans ma tête façon lessive émotionnelle en cycle essorage. Plus de logique, uniquement de la mousse nerveuse. Victoria vient de me larguer dans un souffle, sans me laisser le temps de digérer le rejet, et voilà qu’un inconnu débarqué de nulle part veut me décrocher la mâchoire si je ne cours pas après elle ? Un type… et pas un clampin du coin, hein ! Un putain de cerbère aux allures d’ange gardien, droit comme un totem qui aurait lu trop de livres de développement personnel, sapé style mannequin grec sponsorisé par Prada. Minute… C’est une blague ? Je suis tombé dans un remake glauque de Fight Club ou quoi ?

Merde, rien à branler de ce trou duc en souliers de fils à papa ! Il doit avoir un patronyme à rallonges et un prénom prêt-à-roucouler dans des palaces cinq étoiles et des draps en soie ! Chez Victoria, ils étaient en lin froissé, les draps. Avec une odeur de lessive tiède. Et des miettes de nos nuits coincées dans les fibres. Il sait à quoi elle ressemble, Vi, quand elle se tient à la lisière du sommeil, peau contre peau ? Ou lorsqu’elle soupire dans ton cou, jambes emmêlées, le souffle encore chargé de plaisir ? Est-ce que ce prick s’est déjà endormi près de cette femme merveilleuse, sans plus rien à prouver, juste là, dans ce silence qui dit tout ?

Je serre les dents à m’en fêler l’émail. Déboîte ce mirage, frappe-le ! Juste une fois. Pour voir s’il saigne comme toi.

Tout à coup — fallait s’y attendre — d’un petit pas de côté, Isla s’intercale entre nous, légère et décidée. Elle a vraiment le chic pour flairer mes conneries à venir, aka : un pain pour le sport dans le pif du pète-burnes.

– Bonsoir, Isla Cameron, la jumelle de… James. Vous êtes ?

L’auto-proclamé garde du corps se déride aussitôt : sa mâchoire se relâche, son regard s’illumine. Il claque un sourire insolent à ma frangine.

– Mati. Le proprio du club.

C'mon ! C’est la meilleure, celle-là ! Le gars qui gère la baraque ici, that's him ?! La nouvelle s’incruste dans mes neurones : j’en déduis quoi, moi ? Fuck, fuck, fuck ! Trop d’infos, trop de questions, trop de bordel. J’ai pas le temps, ni l’envie. Je dois éviter de… de quoi, déjà ? Aye, de tisser des toiles d’araignées mentales et broder des théories du chaos. Assez pinaillé, opération récupé… Mais avant que ma pensée s’achève, connexion établie en une pression de paluches entre Yelly et Monsieur J’sais-pas-d’où-tu-sors-mais-redescends-d’un-étage-ma-gueule, mode full smile. Haud on — yer kiddin’ oan[4] ?! Ma sista sous le charme qui fraternise avec l’ennemi ? Quelle plaie ! Et voilà qu’elle commence à gazouiller :

– Oh. Super ! Ça tombe bien. Voyez-vous, mon frère voulait justement discuter avec vous. Pas vrai Ja—

Le coup de coude que je lui refourgue en douce tranche net son envolée de marieuse mandatée pour le business. Timing foireux, Isla. Bavarder cartes de visite ou contrats alors que je rêve de lui fracasser les molaires, mauvaise pioche. Elle bronche à peine. Son silence ? Une obole diplomatique.

L’enfoiré lève un sourcil, perplexe. Son œil qui frise parle pour nous deux : entamer un dialogue cordial ? Plutôt crever.

Ma sœur lance des appels de phares aussi subtils qu’un marteau-piqueur dans une bibliothèque vers… Antoine. Naturellement. Matérialisé comme par magie à nos côtés pour la distribution des rôles. Nouvelle bordée de présentations de me deux et hop, ça ouvre un mini-salon de thé dans la foulée.

Qu’est-ce que je branle encore au milieu de ce bordel sans nom ?! Me faire la belle et oublier tout ce merdier serait pas la pire idée du jour, loin de là. Et au fond, bien au fond de ma caboche, une voix minusculement conne murmure : si tu te tires maintenant, tu creuseras ce regret jusqu’à la moelle. Et tu vas y laisser ta peau. Caput.

Merde, pourquoi lui ? C’est qui, ce connard stoïque, bon sang ? Un ex ? Un de ses frères ? Nah… doesnae look like any o' the lads in the pictures I've seen[5]. Un test, mibbe[6] ? J’en sais foutrement rien et l’incertitude m’épuise. Ce mec serait le Bowser du niveau 100. OK, et alors ? En vrai, j’en ai rien à carrer. L’unique question qui compte : que représente-t-il aux yeux de Victoria et aux miens ? Allié ? Frein ? Menace ? Parce que là, tout de suite, la donnée capitale qui brouille mes synapses détraquées réside dans ce mystère — le seul qui mérite que je me recentre deux secondes.

Tout à l’heure, j’ai brodé un scénario : Victoria, en transe, collée à ce beau métis, catalogué direct successeur. Jusqu’à ce que je le choppe en train de limer les amygdales d’un autre type. Clap de fin : pas son nouveau kem, merci, au revoir. Maintenant, ce Mati, le gros calibre qui possède les clés du royaume, incarnation vivante du fric, de la maitrise et du charisme, je le vois déjà lui tenir chaud sous les draps. Mais en vrai de vrai ? Nae fuckin' clue[7]. Tout ce que je sais, c’est qu’il a le costume taillé pour le rôle, lui, un vrai prétendant de haut vol, pas une arme déchargée telle que moi…

Un magma d’émotions implose : je déborde de soupçons et de panique. J’ai envie de cogner, hurler, m’écrouler, tout à la fois. Rien ne tient debout. Une seule conviction : elle est là-haut, quelque part entre les étoiles et les décombres. Et moi, je moisis, en bas, dans la fosse du rien — ou au rez-de-chaussée, same auld shite[8].

Fini les fadaises dont je n’ambitionne même plus le filtre « glanage d’infos pratiques ». Faut que j'enquille et les délaisse donc à leur cercle de caquetage mondain. Mon attention escalade le club pour aller la retrouver, elle et sa foutu attraction en altitude. Sans plus de cérémonie, je fais volte-face, recharge mon tumbler et m’injecte une rustine de bravoure instantané, signé malto-thérapie avant l’ascension. Puis, je contourne ma sœur et m’élance en flèche, prêt à gravir l’escalier.

À sa hauteur, tel un mur d’arrogance, le bastard me barre la ligne de front. Je l’épingle d’un regard noir, mes doigts en griffes.

– Vic est un diamant, m’assène-t-il avec la placidité d’un mec sûr de rester sec sous une mousson de mandales anti-ego intégré.

Mon esprit en ébullition s’enflamme. Une vrai poudrière suspicieuse : pourquoi il paraît si investi auprès de Victoria ? Qu’est-ce qu’il cherche à prouver ?

– Crois-moi, ça m’est pas passé à côté, éructè-je entre mes dents serrées.

Je le sais mieux que quiconque, bordel ! Je l’ai aimée, saignée, perdue.

– Les diamants rayent, mais ne se brisent pas, précise-t-il, avec cette intonation plate qui scie mes nerfs.

Aye, philosopher o’ the bleedin’ week! Whit’s his game ?[9]

J’ai la rage au bord des lèvres, les poings en laisse. Pas question de péter le barrage.

– Épargne-moi tes leçons de vie, rétorquè-je, venin dans la voix.

Il m’étrille d’un calme provocateur, puis ébauche un sourire, qui, ma parole, va me faire dégoupiller sévère ! Putain, pas ce soir. Pas ici. Pas devant Isla, Antoine. Pas avec Victoria dans le rayon de ma résolution. Il ne me détournera pas de mon objectif.

Zéro réponse boomerang, je fonce vers les étages, déter comme jamais : rendez-vous avec le destin entamé. Les escaliers avalent mes semelles. La chaleur du club s’épanche en vagues derrière moi dès que je m’engouffre dans un corridor obscur desservant une nouvelle volée de marches. L’air change, devient plus fin, plus vrai. Les lumières s’ouvrent en éventail sur mes godasses, dessinant ma course façon tapis de projecteurs.

Plancher suivant : dilemme. Je continue de grimper ou je tente ma chance sur la gauche ? Mes yeux fouillent l’espace : bar éclairé mais désert, règne absolu de la sobriété, pas l’ombre d’une présence humaine, pas même une jolie blonde. Qu’est-ce qu’il a dit, l’autre tarte, déjà ? Dernier palier. Hop, en route pour l’étage supérieur. Au pire, si la pyrotechnie ambulante de ma raison ne se cache pas là-haut, ce coin trop propre aura droit à mon quadrillage minutieux.

Tandis que j’avale les mètres en pompant l’air, j’essaie de trier le bruit qui s’agite : la jalousie, la honte, l’espoir idiot. Tous parlent en même temps, gueulent, se marchent dessus. J’en choisis un au hasard et je le garde près de moi comme un vieux briquet. Il suffit d’une étincelle pour que je reparte en flammes. Mais lesquelles ? Mati, ce salaud qui se prend pour le bon côté de l’histoire, m’a embroché son ultimatum dans le bide et son torse reste un mur mental. Je roule ses mots sous ma langue en mode capsule amère : « La rejoindre tout de suite ou ramasser mon poing ». Belle alternative. La vie, parfois, te propose des menus crève-coeur. Non pas que je me soucie particulièrement de la dentition de Latinoland, mais rappliquer les phalanges écorchées devant celle qui catalyse mes pulsions : recette parfaite pour me tartiner des reproches. Surtout si c’est la tronche d’un de ses potes qui s'est mangée ma manucure. Entre nous, si ça avait dégénéré, j’aurais pas progressé d’un étage : j’aurais terminé en vol plané jusqu’au trottoir !

Parvenu au fameux dernier palier, une porte métallique m’attend. Un souffle mouillé me fouette le visage quand je la pousse. Le rooftop s’ouvre sur une mer de nuages blafards et, surtout, un rideau torrentiel. Personne à l’horizon. Seule la pluie, complice des décisions tardives m’offre un bienvenu malvenu. Et sans savoir pourquoi ni comment, je ressens sa présence. Elle est là, quelque part dans la mémoire de l’air. Et même si l’endroit regorge de mètres carrés invisibles estampillés « paradis vert pour stories Insta », même si me voilà obligé de partir en excursion sous la flotte à l’aveugle, je tranche à travers l’orage à la poursuite de son foutu magnétisme. C’est pas cette salve d’averse qui va doucher mes espoirs de la trouver !

Un pas. Un déluge gratos sur le crâne. Mes pompes battent les flaques et chaque résonance me ramène à elle — sa nuque, ce pli derrière l’oreille, la façon dont la lumière traite sa peau, son goût d'Eden. Peut-être qu’elle est descendue. Peut-être que l’autre enflure m’a menti. Ou peut-être qu’elle a déjà filé pour toujours, et que je m’aprête juste à vérifier la profondeur du vide.

[1] Je peux as craquer. Pas dans ce putain d'endroit.

[2] Bordel, c'est qui ce type ?

[3] Sac-à-couilles.

[4] Attends, tu te fous de moi ?!

[5] Nan... ressemblent pas aux gars que j'ai vus en photo.

[6] Peut-être.

[7] Aucune putain d'idée.

[8] C'est du pareil au même.

[9] Putain de philosophe du dimanche ! Pour qui il se prend ?!

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