7.8 * JAMES * CHASTETÉ IMPOSÉE

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CHAPITRE 7.8


CHASTETÉ IMPOSÉE


* *

*


J.L.C

30.10.22

00 : 45


♪♫ ??? — ??? ♪♫

Ah ouais ? Elle veut tuer un Écossais à mains nues ? On parlera de tentative d'homicide par sensualité dans la déposition. Une heure à savourer… Aye. Une heure à imaginer…. Une heure à… surviiiivre ! Ce chrono va me torturer comme une pendule sadique dans un film d'horreur suce-boules. Respire, James. respire. Mais pas trop vite, tu vas griller la réserve.

Je viens vraiment de pondre ce délire de chasteté imposée ubuesque de mon plein gré et sans triper sous champis en plus ?! C’est quoi, cet éclair sadomasochiste ? Une absurdité quantique, forcément. Pour sûr, je finis raide façon pilier de cathédrale, gothique et indécent. Toute ma maîtrise sera reléguée au second plan par un afflux sudiste incontrôlable.

Une heure... Une heure entière à simuler le moine Shaolin de la frugalité, le flagellé du calbut, le puceau du club d'échecs, sans rien tenter ? Moi ? Un gars avec un passif chargé, certes, mais pas débile, doté jusqu’ici d’un cerveau à peu près fonctionnel — enfin, plus depuis que mes doigts ont caressé sa peau de pêche et que ma raison s'est transformée en chant de baleine... Sans flingue sur la tempe, sans extorsion ruse ou hypnose, j'ai trouvé ça malin de jouer au roi des abstinents alors qu'en face, j'ai une nana sublime — qu'est-ce que je raconte, un fléau certifié anti-self-control, littéralement sculptée pour le péché — qui, cerise sur le kilt, me livre des confessions dignes d'un roman érotique. Non mais matez-la, dans sa fichue robe minimaliste : le tissu luit, colle, cisèle, suggère, épouse ses seins sans soutif. Et plus bas, hmmph... Le message est... humidement évident. Voilà. Mes mains fourmillent, à l’arrêt. Un massacre neuronal s’organise dans mon crâne en ce moment et j'applaudis la débandade. Je suis complètement barjo. Ou j’aime souffrir. Ou je suis fou d'elle. Ouais, les trois, avec supplément fouet.

— Et pendant cette petite trêve, qu'as-tu dit qu'on ferait, déjà ? Tu as prévu une activité ou on improvise ? lance-t-elle, mi-figue, mi-raisin.

Une ironie salée titille sa curiosité. Parfum défi. Je cligne des yeux. Erreur. Ou plutôt, un « veuillez patienter » avec la petite roue qui tourne. J'ai zéro comité des réjouissances planqué dans mes poches. Juste une CB et des cailloux. Même pas une blague : je suis le Amélie Poulain d'Outre-Manche. Bref, mon génie spontané est parti s'en griller une et m'a laissé seul avec le dossier vide.

Victoria lève les bras, dénoue sa queue de cheval trempée, l’essore, puis agite sa crinière blonde d’un mouvement lent qui semble conçu pour m’achever — genre muleta juste avant l'estocade finale, moi qui racle le sol du sabot. Ses coudes se haussent, ses courbes s'étirent sous le satin — surtout ses deux sommets affolants — son bassin pivote, creusant cette cambrure de prédatrice. Bordel, même un réflexe capillaire devient une séquence porno-improbable pour cervelle en PLS !

— Je t'écoute, Monsieur le roi du silence aguicheur.

Elle me pique, batifole et je suis à deux secondes de plaquer ma bouche sur la sienne pour faire taire cette reine du désastre hormonal.

— Qu'as-tu en stock ? me questionne-t-elle en se reculant vers le canapé de la tentation avortée.

Mon focus ne la lâche pas. Elle attrape le plaid en boule et s'emmaillote dedans. Eh merde ! Cette foutue couverture vient de me fermer l’accès au meilleur panorama du coin.

— Que penserais-tu d'une séance de méditation tantrique ? J'ai vu une vidéo sur Youporn où un cou–

Wow, pardon ? Youporn ?!

Yeux ronds, abasourdie, Victoria se mord les joues, puis rétropédale à vive allure dans son flot de paroles.

— Euh... YouTube... une vidéo qui... C'était sur YouTube... En fait, le sujet portait sur des... des techniques de... respirations et puis des... postures... d'harmonisations, et euh... l'approche m'a paru... prometteuse. Mais, j'ai paumé la réf... je veux dire, j'ai négligé de l'enregistrer dans mes favoris... Pas que j’envisage de revisionner le contenu en question, non, non, j'étais...

Mon sourire me chatouille les pommettes. Victoria poursuit sa parade de défense, je l'écoute à peine, totalement accaparé par l'arc mouvant de ses lèvres pulpeuses comme si elle récitait un poème sacré. Quand elle a décoché le nom de la plateforme des pixels olé olé, mon instinct reproducteur a carjacké ma conscience direct. Son système à elle n'est pas en rade non plus. Enfin, si, justement. Elle déraille sec, bafouille, pêche à la ligne, s’enfonce, fixe le sol, toute penaude, frictionne ses bras. Tandis que le rouge inonde son visage, une vague brûlante me remonte dans les reins. Ma petite Victoria en mode cinéphile du X, ça me... ça me... je frôle la syncope cognitive ! Putain, comment j’ai pas vu venir le délire !

Pourquoi c’est sexy ? Pourquoi tout est sexy chez elle, même sa panique ? Et pourquoi un site pour adulte sonne adorable dans sa bouche ? Quelqu’un, quelque part, aurait un bouton « désactiver pulsion » ? Non ? Tant pis, je vais imploser proprement.

— ... il y a pleins de... de.... ressources instructives, des tutos, des DIY, des... et puis zut ! À ton tour, vas-y, parle ! s'affole-t-elle.

Je suis censé répondre quoi ? Namasté ? Ma langue colle à mon palais. Ma main me démange. J'aimerais respirer sans érection... Impossible. J’ai le sang-froid d’un cookie face à un gosse. Ou l'inverse.

— Sauve-moi de moi-même, je t’en conjure, supplie-t-elle à nouveau.

Une seconde, j’étouffe de rire. La suivante, j’ai une envie dévorante d’elle. Vraiment d’elle. Pas que son corps — bien que, bordel, son anatomie appelle à la délinquance. Et elle me cause Youporn ? Nom de Dieu...

— On peut faire tout ce que tu voudras. Même ton truc... euh... le tantra, c'est ça ?

J'ai failli dire Kamasutra. Ça m’a tapoté le bout des lèvres… mais j’ai mordu dedans à temps. Manquerait plus qu'on se mette à déblatérer Lotus machin, Équerre divine, Torsion du Cobra ou Sandwich de l'extrême. Y aurait plus assez d'oxygène sur ce toit-terrasse pour notre excès de passion... D'ailleurs...

— Y a des caméras quelque part ?

Entre les lampions, les végétaux et les bouches d’aération, mes yeux fouinent, rapides, presque paranoïaques, louchent sur chaque recoin, chaque trappe, chaque reflet suspect. En débusquent trois ou quatre.

— Et bien, oui, balbutie-t-elle. Je… je ne sais pas si elles sont toutes actives. Normalement, non. Mis à part celles vue sur porte, je présume.

— Ah. Bon, au moins, si on s'était loupés, on aurait eu un replay pour les leçons à tirer.

Je balance ça sur le ton de la rigolade mais, du coin de l'œil, j'aperçois ma partenaire déglutir, orbites en panique. Je souris : visiblement, la reine du contrôle n'avait pas anticipé ce détail non plus. Pas de capote, performance sous vidéosurveillance... une Victoria sobre n'aurait jamais négligé les angles morts. Conclusion : pouvoir de perturbation intact. À gamberger si c’est glorieux ou inquiétant…

Bref, revenons à nos... chakras.

— Et sinon, tu veux bien m'en dire plus sur ton bail de méditation ?

Œillade fuyante, joues rubis : une pivoine embarrassée déguisée en tentation. Elle se barricade derrière ses bras et aligne des mots effilochés :

— Non, non, ça ira... c’était juste... une idée en l'air, une manière de… d'expérimenter... enfin... de se connecter...

Note pour plus tard : allez zyeuter en éclaireur lesdites vidéos de machin tantrique — sûrement une version glam de yoga du cul... Faut que je m'éduque, ou qu'elle m'initie. On ne rigole pas avec les ambitions sexuelles d'une femme.

— Je ne sais pas pourquoi j'ai sorti ça...

Nouvelle bordée de marmonnages à froid. Tiens, tiens, jamais deux sans trois, non ? Je crois bien avoir flairé une de ces manies agaçantes qui ont le don de faire grincer les dents de l'autre : elle psalmodie en klingon[1]. Pas bien méchant. Mais cette histoire risque fort de me tirer de mes gonds. À mes risques et périls. Perso, Miss Charmant coup du sort avait épinglé mes raclements de gorge et mes craquages de muscles. Les premiers, bizarrement, l'allumaient, les seconds, à l'inverse, transformaient ses yeux en gyrophares haineux tant les crépitations articulaires l'insupportent.

En vrai, je pourrais y aller de mon petit commentaire sur son lapsus révélateur, mais je préfère me retenir et avaler l'allusion de peur qu'elle me sèche ou pire, me colle un embargo tactile et me confisque l'accès au pays vertigineux de ses hanches. En revanche, la voir rougir jusqu'aux omoplates ? Appel d’offre accepté en 0,2 seconde ! Activation du mode punchline des frustrés : Here we go !

— Après, j'ai rien contre les pratiques à l'horizontale... Je trouve ça inspirant, confiè-je, rictus en embuscade.

— Je me doute, oui–

— De celles qui font grimper le taux d'endorphine.

— Mmh, mmh, il y a le chocolat noir pour ça aussi. Le tricot. Les vidéos de chats, les–

— On peut toujours tester ta méthode de connexion, la stoppè-je. J’ai une très très bonne prise de terre.

— C’est pas… c’était pas une vraie méthode, plus une... un bafouillement métapho–

— Non, non, redis-moi, je lui emboîte à nouveau la parole. J'ai mon portable, faisons une recherche. Les types comme moi ont souvent besoin d'exemples concrets, visuels même, pour aider à se projeter.

Elle se fige net. La panique chic dans toute sa splendeur. Lèvres entrouvertes, mirettes affolées, main sur le cœur dans un geste clair : stop tout de suite ce carnage.

L'air de rien, je dégaine mon arme digitale. Concentration fictive, libido très réelle. Un œil distrait sur l’écran, l’autre vrillé sur sa bouche, je fais mine de vouloir m’instruire — curiosité académique, bien sûr.

Mes doigts pianotent avec le zèle d'un ado en quête de sa dose quotidienne de banger :

— Je tape quoi ? Té-tris-me en cou-ple ?

Avec mon vice aux commissures, fatalement, je jubile, façon gosse qui a déclenché l’alarme incendie juste pour voir. Je me compose une tronche de bon élève, prêt à réviser le Tantra pour les nuls — niveau avancé, version immersive.

— C'était une saillie malheureuse, James... Un dérapage verbal. Pas de message subliminal, promis. En plus, franchement, c'est surcoté, ce truc.

Regard faussement méditatif, posture du gourou en plein Karma-souci, je simule l'inculture et l'interroge :

— Je pourrais débloquer de nouveaux skills d'après toi ? Genre souplesse ? Équilibre ? Résistance à la crampe ? Mode furtif ?

Un pouffement me répond, suivi d'une phrase baragouinée à la va-vite : apparemment, sauf erreur de ma part, la fonctionnalité duo est verrouillé par défaut chez elle, pas de multijoueur. Dieu, merci !

— Pardon, Vi tu as dit quelque chose ? Une règle que j’ai loupée ?

— Non, non, juste, c'est tan-trisme, James... Pas Tetris...

— Ah... Rien à voir avec des bidules à emboîter dans ce cas ?

Gloussement bis.

— En quelque sorte, si...

— Tu crois que je saurais y faire ?

— Mmh, mmh. C'est une histoire de concentration, je suppose.

— Ok. Tu me rassures. En général, niveau rotations contrôlées et combos soignées, ça me connait. La circulation de l'énergie, les efforts prolongés, les contre-attaques lentes, je gère aussi… J’ai déjà un bon taux de réussite pour éviter les tirs prématurés, ça augmente la qualité de la séance, à ce qu'il parait. Et si besoin, je peux farmer l’endurance. Longue quête, etcetera.

Explosion de rire. Un vrai, un franc, un sauvage. Tête rejetée en arrière, épaules secouées, cœur mis à nu. Pas un petit youyou de surface — non. Un rire de ventre, du genre à tout emporter sur son passage. Moi, en l'occurrence.

— Très bien. Stop. Stop. Je retire tout. Oublie. On efface la conversation, on repart à zéro. Je vais… je vais trouver une autre idée. Quelque chose qui n’implique ni yoga, ni joystick, ni chakra du plexus solaire. Donne-moi deux secondes, d'accord ?

Elle essuie une larmichette, calme les battements fous de son palpitant — ou de son imagination — en respirant à fond. De mon côté, je savoure ma victoire silencieuse.

— Pas de souci, je reste en stand-by, lass, prêt à redémarrer dès que t’as besoin d’un assistant pour ta connexion énergétique, signifiè-je.

Vi m’abat du regard, à la fois menaçante et complètement hilare.

Ça me ramène à l’été dernier, quand on se cherchait à tâtons, pour le frisson, sans plans ni contraintes. Un geste, et l’autre prenait feu. Ce courant-là, je meurs d'envie de le recharger.

— En vrai, c'est dommage... J'étais en train d'échafauder une posture sympa dans ma tête, un truc entre le Guerrier passionné et le Boa mystique. Une version modernisée. Je peux te faire une démo, si tu veux.

— James...

Elle glisse mon prénom d’une voix basse, filée, une conjonction entre la tendresse grondante d’une réprimande et un rire nerveux en détention provisoire. J'adore !

— Je me disais qu’une bande-son chill, tu sais, bols tibétains, remix de Marvin Gaye–

– Jaaaames…

— … Ou de la deep house à 150 bpm, ça pourrait caler la vibe idéale pour–

— James : Tais. Toi.

Aye, ma'am. Ma fontaine à connerie est priée de couper le débit. Main sur ma bouche, elle tente de m'étouffer gentiment. Mon sourire s'étale et s'épanche, hors de contrôle, à la manière d'une mousse de champagne après le pop du bouchon. Impossible de contenir cette joie brute, elle déborde tel un torrent.

Vi feint le sérieux, mais ses yeux pétillent de malice. Elle se marre dedans.

— Deux secondes, j’ai dit. Deux ! Tu peux survivre deux malheureuses secondes sans exhiber ton quotient pitre ?

Mimant la discipline la plus rigoureuse, je hoche le menton très solennellement, lèvres toujours coincées sous sa justice tactile.

Silence.

Je me dandine pour enfouir mon téléphone dans ma poche de pantalon, vais pour reboutonner ma chemise. Non, parce que depuis tout à l'heure, après mon désapage express made in ma furie blonde, sous un froid de canard, chair de poule garantie, je me retrouve tout débraillé, torse en vitrine, téton en satellites rebelles, façon mannequin pas fini abandonné en plein rayon de soldes donc… Vengeance ! M'enfin, est-ce vraiment de la vengeance que la punir en kiffant chaque centimètre carré d'elle ? Pas moyen d'y résister : ma langue dérape sur sa paume ouverte, juste assez pour la taquiner. Elle craque.

— T’es chiant, pouffe-t-elle en s'essuyant la main direct sur mes abdos.

— T’es belle.

Un flottement d'étonnement passe sur ses traits, avant qu’elle ne riposte, pimpante.

— Toi aussi, t’as ton petit charme.

— Et toi, tu le distribues généreusement.

— Flatteur.

— Pure stratégie de survie, crois-moi.

Elle lève un sourcil. Petit sourire en coin. Je fonds. Chaque seconde avec elle me transforme en idiot… un idiot avec des étoiles plein les yeux, entouré d'arcs-en-ciel géants, chevauchant une licorne dans un ciel de chamallows roses, trompettes et pluie de paillettes à volonté. Reste à espérer que personne ne prenne des notes sur ma niaiserie version kitchissime du cœur, sinon j'entre direct au Hall of Fame des champions du ridicule affectif collection automne-hiver 2022.

[1] Langue fictive de l’univers Star Trek, réputée pour ses sons gutturaux et ses consonnes qui claquent comme si on essayait de parler après avoir mâché du gravier plongé dans du scotch.

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