7.9 * JAMES * SUPPLEMENTS NON COMPRIS DANS LA FORMULE
CHAPITRE 7.9
SUPPLÉMENT NON COMPRIS DANS LA FORMULE
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J.L.C
30.10.22
00 : 50
♪♫ CRY ME A RIVER — JUSTIN TIMBERLAKE ♪♫
Après un petit raclement de gorge timide, Victoria se redresse fièrement. Posture d'attaque. Sa main tacticienne coulisse au-dessus de mon sternum et s’immobilise. Le contact me fait frémir des racines aux mollets, genre crise épileptique de sensualité. D’un missile visuel verrouillé sur cible, elle m’enchaîne sur place. Sa nuque fléchit alors et son attention se fixe sur mon torse nu avec une expression de péché mignon. Sa langue trace un sort humide sur ses lèvres, qu’elle pince aussitôt entre ses dents. Censure ou aveu ? Mes yeux dévorent cette manœuvre buccale et mon cerveau l’enregistre dans la catégorie « tentation extrême, niveau 9000 ». Il me tarde tant de regoûter le velours de ses baisers, le sel de sa peau encore perlé de pluie, la moiteur tiède nichée entre ses seins — entre ses cuisses aussi. Fuck ! Oot ! Oot ! Oot ! Ye daft horny rabbit ! Get that filthy thought oot yer heid, noo[1] ! Trop tard...
Chaque fibre de mon être s'affûte, position combat, survoltée d’impatience façon moteur au point mort. Autant prévenir : je ne garantis pas la stabilité de mes membres dans les minutes qui suivent.
Au milieu de la pénombre, auréolée par les halos soyeux des lanternes et les éclats tamisés des guirlandes de la terrasse, avec pour paysage sonore, le ronron assagi de l’orage, son souffle entrecoupé et la mitraille anarchique de mon cœur, le temps suspend son cours.
Après un siècle et demi compressé en accordéon de tension douce :
— Danser, j'aimerais bien aller danser avec toi, propose-t-elle.
Sérieux, elle a maté mes pecs ou elle a débattu en morse avec mes poils ? Je suis curieux de savoir ce que ses rétines ont capté pour conclure que danser était la meilleure idée de l’univers parce que, moi, je sens déjà mes muscles faire les gros yeux avant même qu’elle ait commencé. Elle va m’utiliser comme une barre de pole dance vivante et mon poteau d’acier risque un court-circuit de virilité.
— Faudra peut-être négocier la choré, hasardè-je.
Elle plante son regard dans le mien, ses iris scintillant d’une lueur à la fois veloutée et caustique. Avec une lenteur calculée, son index egribouille ma poitrine, dessine des arabesques impudiques, avant qu’elle me souffle, moqueuse et assurée :
— C'est toi qui as dit tout ce que je voulais, pas vrai ?
— Aye, mais pas tout tout, hein. Y a des suppléments non compris dans la formule.
— Du genre ?
Si je lui sors la vérité, elle me bouffe tout cru.
— Restons dans la limite du raisonnable.
Le raisonnable ? Concept vague entre les griffes d’une fille qui pourrait redéfinir la carte du monde en lâchant un « s’il te plaît ». Autant chercher un trèfle à quatre feuilles sur la dune du Pilat. Si elle m’invite à boire des shots de whisky au nombril — fantasme à la con que je trimballe depuis mes premières distillations — on s’évapore en vapeur de peau sous les étoiles et je scelle un pacte de luxure avec le premier dieu antique qui glande dans les parages.
Elle se glisse contre moi, presse délicatement sa paume sur mon abdomen, le regard pimpé d’une lueur familière — pas la tendresse, non, le défi insidieux du jeu. Je devrais lui rappeler que j’ai pas signé pour une séance de poterie sur peau…
— Relax, je n'ai pas l'intention de te forcer à pécher. Je sais me tenir, voyons. Néanmoins… je te ferais marcher vers l'arbre et, quand la pomme touchera tes lèvres, tu croqueras sans chercher à comprendre.
Un rictus ingénu éclaire son visage, mais cache mal l’impertinence derrière.
Peut-être que je vais réviser mon jugement sur la quantité d'éthanol dans ses veines, finalement. Une nana qui dégoupille ce type de métaphore biblique version catéchisme de l'interdit ne peut pas avoir trois grammes dans le sang. Je rembobine sa phrase : « marcher vers l’arbre » — clairement, elle me téléguidera vers son pieu ; « la pomme » — aucun doute, sa géographie intime ; « croquer sans chercher à comprendre » — traduction immédiate : fais moins le saint, et plus le mâle.
Je suis dans une mouise noire.
— Écoute, puisque tu n’as pas de plan B et… qu’on a une heure à tuer, je te propose une solution toute trouvée.
Caressante, méthodique, sa main escalade lentement mon corps, du creux de mon ventre, vers la plaine de mon torse jusqu’au seuil de ma gorge.
— On peut faire ça simple, annonce-t-elle avec une moue d’écolière démoniaque.
Ses doigts s’entortillent autour de ma nuque, s’y faufilent, pareils à des serpents en chasse. Et, tandis qu’elle se hisse tout contre moi, le plaid déserte le terrain, comme s’il devinait qu’il allait gêner — décidément, elle sert à walou cette couverture, à part me faire trépigner sa chute. Ses seins s'aplatissent contre mon buste, la pointe de ses pieds s'étire en équilibre, nos bassins collés serrés se saluent et son souffle effleure enfin ma bouche. Mes pauvres paluches ne savent plus où donner de la tête : sa taille douce ? Pfft, elles trichent direct et foncent droit vers l’arche bombée de son cul. Miam.
— Et si je prenais congé de mes invités, appelais un Uber, on file, petite douche rapide… et pour mon — non, notre plus grand bonheur, tu me laisses profiter de ce corps qui m’a tant manqué ? Mmh ?
Cette voix, à la fois caramélisée de tentation et aiguisée de stratégie, me scie le tronc. Mon cerveau refuse de suivre. Il crashe. La vision de sa douche — la vapeur, l’eau, ses mains — vient de m’éteindre trois fonctions vitales. Remarque, c’est peut-être mieux. Moins de risques de sortir une connerie… genre : abstinence.
Sourcil en accent circonflexe, comme si elle attendait que je tombe dans le piège les quatre fers en avant, cette sorcière en nuisette psychique me cherche. Och, weel, ye ken whit, lass ? Ye'll nae find me that easy[2] !
En plein patinage sur le parquet de l’impuissance, je me prépare mentalement à regretter cette décision en sueur, mais… j'y vais quand même.
— Tu sais quoi… je te suis : direction le dancefloor.
… ou le vestibule de l'enfer, selon l'humeur. Probablement les deux à la fois, en fait. C'est pas que j'ai deux pieds gauches, hein, c'est… Je préfère largement réserver le peu d'énergie subsistant dans mes nerfs pour… eh bien pour des occupations autrement plus fun que m'épuiser mes rotules sur la piste. Si je survis, je fais vœu de chasteté. Enfin… pas avant après-demain. Ou pas du tout, mais au moins ça claque niveau résolution, non ?
Victoria rayonne, triomphante, dévastatrice, puis, sans un mot, se retire. Son toucher s’évade en traînée de manque et l’air froid s’engouffre là où sa chaleur se répercutait contre mon épiderme. Mon torse proteste aussitôt. Hérissement pileux. Vide. Blizzard polaire sur mes reliefs en feu. Putain, reviens ! Si elle voulait prouver qu’elle me thermostate au degré corporel près, pari gagné.
— Avant toute chose, on doit régler l’intendance, constate-t-elle en désignant nos fringues rincées.
Ma chemise dégouline, sa robe colle façon algue, nos cheveux réclament un shampoing et son maquillage a jeté l'éponge. En vrai, c'est torride, mais... on ressemble à deux figurants sortis d’un clip de Britney et Timberlake.
— Pas moyen d’aller se trémousser en mode serpillère humaine, déclare-t-elle. Il se trouve que j’ai de quoi me changer. Et pour toi… peut-être que Mati a oublié un truc portable, quelque part entre deux conquêtes et ses séances de rameur.
Ah… le fameux… Mâchoire carrée, regard de plomb, attitude ambivalente. Duel à l'épée ? Bienvenu ??? Le maître de cérémonie en personne. Elle m’imagine dans les sapes du patron ? Splendide. Rien de plus agréable que d’hériter du T-shirt d’un mec dont j’ignore tout — ni CV ni intentions dissimulées — excepté la posture de dominant passive-agressive. Et, bien sûr, faudra le lui rendre. Lavé, amidonné, remercié. Bonus : un petit mot jaune citron « Merci pour le prêt textile, super doux au toucher, selon Victoria ». Je ne sais pas quelle place il occupe dans sa vie. Et je préfère rester dans le noir ce soir. Mais ça gratte sous la peau. Ce sentiment d’être celui qui entre quand les lumières se rallument…— Pas moyen d’aller se trémousser en mode serpillère humaine, déclare-t-elle. Il se trouve que j’ai de quoi me changer. Et pour toi… peut-être que Mati a oublié un truc portable, entre deux conquêtes ou deux séances de rameur.
Ah… le fameux… Le maître de cérémonie en personne. Mâchoire carrée, regard de plomb, attitude ambivalente. Duel de barbus ? Bienvenue sur tapis rouge ? Va savoir. Elle m’imagine dans les sapes du patron ? Splendide. Rien de plus agréable que d’hériter du T-shirt d’un mec dont j’ignore tout — ni CV ni intentions dissimulées — excepté la posture de dominant passive-agressive. Et, bien sûr, faudra le lui rendre. Lavé, amidonné, remercié. Bonus : un petit Post-it jaune citron « Merci pour le prêt textile, super doux au toucher, selon Victoria ». Je connais pas la place qu'il occupe dans sa vie et je préfère rester dans le noir ce soir. Mais ça gratte sous la peau, ce sentiment d’être celui qui entre quand les lumières se rallument…
Sitôt mon armure de coton remise dans le droit chemin — j’ai comme l’impression que Madame s’est goulument rincé l’œil pendant que je bataillais couture — Victoria entrelace nos doigts, nous entraîne avec l'énergie d'un séisme vers la sortie. Moi ? Je me laisse tirer, façon clébard amoureux.
À peine deux pas sous la pergola — à la frontière entre l’abri et l’averse — elle pile. Ses yeux descendent, examinent les dalles détrempées. Elle avance un orteil prudent en éclaireur, frôle la surface, tressaille, se rétracte, grimace comme si elle avait tutoyé une anguille. Vi a testé le sol à la manière d’une dégustation suspecte. Verdict : non comestible.
Le doute ride ses traits une fraction de seconde. Puis vient ce rictus, doux et félon. Elle a trouvé un plan. J’ai zéro chance.
— Tes muscles d’acier sont officiellement réquisitionnés, Superman, minaude-t-elle. Me ferais-tu la gentillesse de me porter ?
Elle aurait pu réclamer mon code de carte bleue, j’aurais murmuré les chiffres avec le sourire. Addict complet.
— Avec plaisir. Superman ? Et si je te dis que je préfère Batman, on fait quoi ?
— Batman ? Mmh… mmh… Donc milliardaire, mystérieux et émotionnellement indisponible ? Pas de souci. J’ai un faible pour les types qui parlent peu et broient leurs traumas à la salle, tu savais pas ? Mais, t’es au courant qu’il décroche pas un sourire, ce mec ? Moi j’aime ton sourire et tes fossettes encore plus. Et t’as intérêt à avoir une Batmobile et une Batcave secrète parce que moi, j’ai la combi de Catwoman. Et un fouet aussi.
Wahou… absolument bandant ! J’ai tout une galerie de fantasmes qui vient de s'éclairer en sursaut.
— Tu sais, pas besoin de me passer la pommade. Te porter, limite, c’est ma vocation.
— Peut-être. Mais tu appelles un homme « héros » et, soudain, il te soulève des montagnes à mains nues. Vous êtes comme les plantes : un compliment bien placé et hop, vous poussez tout droit vers la lumière.
Je pouffe — réflexe idiot face à l’émerveillement. Cette fille est un feu follet exquis. La voilà, impériale et nonchalante, enveloppée dans son plaid, ses yeux flamboyants braqués sur moi, avec l’assurance tranquille de quelqu’un qui sait ce qu’elle veut. Moue de gamine, regard de louve, elle m’invite ou m’ordonne. J'ai plus très envie de faire la différence.
Je la hisse, elle rit, je palpite. Le cliché me donne une claque pleine de guimauve, mais faut croire que le romantisme m’enivre.
Sirène rivée à son rocher, je file sous la pluie, sa joue sur mon épaule.
Même manège qu’à l’aller — elle impose un coup de frein verbal au milieu de la terrasse. Je gèle sur place. Autour de nous, l'averse, qui s’était un peu calmée, s’obstine encore, fine et insistante, postillonnant doucement nos cheveux mouillés. Magnifique, on va choper la crève... Quoique si je pouvais transformer un rhume en prétexte pour squatter son lit... Tant qu’à tomber malade, autant que ce soit à deux : virus en duo, pyjama party improvisé, câlinages illimités, je prends tout de suite, même sauce mouchoirs et morve au nez.
Qu’est-ce que cette ensorceleuse va encore me réserver : un caprice, un test, ou un numéro digne d’un tour de magie érotique ? Avec elle, les pronostics sont ouverts.
— Oups ! glousse-t-elle, dans mon cou, une étincelle mutine dans la voix. J’ai zappé… un minuscule détail…
Je plisse les paupières. Essayer d’anticiper cette nana, c’est tenter d’attraper de la brume avec les doigts. Avec elle, rien ne se prédit, tout se vit.
— Pose-moi deux secondes près du bar, s’il te plait.
Intrigué ou méfiant, j’obtempère et l’installe avec précaution sur un des tabourets hauts.
Et là… Victoria se transforme en groupie carnivore : elle m’aspire à elle, me noue de ses jambes, me happe par la chemise… Sa bouche s’échoue sur ma clavicule et sa langue me déguste façon dessert. Je frémis de partout.
— Ma culotte… chuchote-t-elle. Elle est restée par terre. Inutile pour la suite, mais j’aime pas laisser traîner mes secrets.
Grhrrrhummph. Voilà quoi.
[1] Merde ! Dehors ! Dehors ! Dehors ! Espèce de lapin en rut complètement débile ! Sors cette pensée salace de ta tête, maintenant !
[2] Eh bah, tu sais quoi, ma fille ? Tu me trouveras pas si facilement !

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