7.8 * JAMES * UNE HEURE, DISAIS-TU
J.L.C
30.10.22
01 : 20
♪♫ ??? — ??? ♪♫
Pause. Son nez caresse ma joue. Mon sang choisit la descente au lieu de l’ascension. Le cerveau a des priorités d’irrigation, askip. Panique neuronale : dans notre configuration actuelle, bassins parfaitement alignés, il suffirait d’un coup de braguette vers le bas pour entrer en elle… Je suis à un soupir du chaos… Merde, merde, merde !
Malgré tous mes efforts, mes ongles tracent le sillage interdit : hanche, aine, cuisse, antichambre d’un monde soyeux, brûlant, foutrement alléchant.
Victoria exhale un souffle surpris, profond, chargé de tension érotique : l’ossature de ma résistance s’effondre. J’ai. Plus. La. Force.
Mes doigts s’encanaillent, s’aventurent vers l’épicentre, gravissent cette pente tiède, palpitante, où sa peau cède au désir. Je touche. Je glisse. Et je comprends. Nom de Dieu ! Elle mouille comme si j’étais déjà en elle et m’offre un putain de bain de chaleur et d’orgueil. Je sais plus si je veux hurler ou pleurer.
Son dos s’arque, ses poumons s’emballent. Un long gémissement s’élève.
— Con…tinue, bégaye-t-elle, dévorée d’envie.
Je me suis juré une heure d’abstinence, un défi à respecter, une barrière à ne pas franchir. Mais ses mains baladeuses vagabondent sur moi, sa respiration erratique, suraiguë me tire vers elle avec la puissance de la gravité terrestre. Elle vibre contre moi, en staccato hypnotique. La retenue s’efface, lettre par lettre.
— Victoria… je devrais pas… je… tu me rends fou…
Je devrais fuir. M’éjecter par le premier escalier de secours. À la place, je m’enracine comme un con.
Elle sourit, enlace mon visage. Sa silhouette ondule discrètement contre moi, au rythme de mes gestes qui éveillent, qui enflamment.
— Et je suis folle de toi. Ne t’arrête pas, James… S’il te plait.
Elle s’abandonne un peu plus contre moi, ses mouvements deviennent une invitation muette — ou plutôt une convocation officielle, timbre rouge et tout. Ses souffles saccadés me supplient sans mots. Je cède. La chaleur de son intimité ? Une révélation ! Moite, palpitante, vibrante. Mes doigts dévalent, sondent ce champ incandescent, effleurent la braise vivante. Un coup d’œil furtif vers ma main entre ses cuisses, puis vers ses traits tordus de plaisir, son regard embué et l’étourdissement m’emporte. Ça me ravage, me réduit en cendres ardentes. Aucune eau ne peut m’éteindre, ni étancher ma soif… Une image me percute : elle, la toute première fois, cambrée sous moi, les ongles plantés dans mes omoplates. Aujourd’hui encore, je perds pied de la même manière. Sauf qu’il y a plus de cœur en jeu. Beaucoup plus.
Je la serre avec une force sourde, son front se pose contre ma clavicule, ses bras s’agrippent tel du lierre en manque de mur. Je me laisse happer corps et âme, une paume plongée dans ses replis secrets, l’autre noyée dans ses cheveux, où mes lèvres déposent un baiser dévoué. Mon cœur prend les commandes tandis que mes yeux se perdent dans l’ombre, fixent un horizon imaginaire. Son odeur m’engloutit : ce mélange d’humidité, de peau sucrée, d’excitation brute. Faut que j’invoque des trucs chiants. Les impôts. La TVA sur les expéditions. Les tableaux Excel qui me donnent envie de me flinguer au tire-bouchon. La comptabilité. Le mot comptabilité. Rien que ça, c’est un tue-l’amour… mais un parachute pour mon self-control, un digicode mental pour différer la fin du monde, un extincteur pour ne pas la priver de son feu d’artifice.
Heureusement pour moi, ses gémissements fendillent l’espace, m’entraînent peu à peu vers l’oubli. Je mords ma langue, souffle court, le cœur arrimé à mon serment gravé dans la pierre… friable. Très friable. Me retenir ? Tu parles. C’est une digue en mousse face à une tornade de catégorie Victoria. Je suis littéralement en train de la mener vers l’orgasme, là ! Voilà. Adieu le défi. Bonjour l’exploit involontaire. Recordman incontesté du « fais pas ça » exécuté quand même. Tant pis : je culpabiliserai plus tard...
Ma selkie [1] se précipite dans l’extase, libre et sauvage, à la vitesse d’une comète. En moins d’une minute, sa tempête me traverse. Ses cuisses se referment avec fermeté, ses ongles s’enfoncent dans mes flancs — griffures de reine en transe. Sa voix éclate, mi-rauque, mi-aiguë, sa bouche suffoque contre ma gorge. Le feu sous sa peau, ses secousses électriques m’inoculent une dose de puissance primitive. Putain de trip ! Victoria… Phénomène. Orage. Sismique. Elle me refait le câblage du cœur. L’univers rit dans mes os.
Ma main se retire avec révérence, glisse le long de sa jambe, avant de trouver un port sûr auprès de la rondeur de son genou. Mes côtes résonnent sous les coups d’un organe devenu bélier. J’ai dû rater l’instant où mon palpitant est passé en mode marteau-piqueur.
Tel une feuille au vent, elle frissonne contre moi, haletante, livrée au vide délicieux de l’après. Je me poste en veille. J’attends sa redescente, le moment où ses yeux se rouvriront sur le sillage qu’elle vient d’imprimer dans mes nerfs.
Peu à peu, sa respiration ralentit sa dnse, ses muscles s’assouplissent. Elle revient sur Terre et c’est dans mes bras qu’elle réintègre le réel. Ses paupières se relèvent : je suis là. Je n’ai jamais bougé. J’aurais pas su où aller de toute façon. Elle est le seul lieu viable.
Nos regards s’aimantent. Rien à dire. Rien à expliquer. L’air entre nous est déjà saturé de sens. Ma bouche effleure la sienne, dans un baiser qui murmure tout sans réclamer. Si elle savait combien ça me calme, ça me répare de l’embrasser ainsi. Elle soupire, puis sourit. Une parenthèse espiègle dans l’intime. D’une voix fripée de désir, aussi câline que taquine, elle articule :
— Tu serais un ange, Monsieur Cameron, si tu allais récupérer mon sous-vêtement.
Ah. Elle est de retour. Mon règne de trois secondes s’achève.
Je me défais d’elle à contrecœur, les neurones fondus, et rebrousse chemin. Quitter son corps chaud pour une mission culottée… j’ai connu des transitions moins brutales.
Au pied du canapé, je repère la coupable. Je la ramasse, l’incrédulité pendue au bord des lèvres : qui d’autre pourrait me foutre dans ce genre de pétrin divin ? Mon bas-ventre clignote comme une guirlande un 24 décembre. Bravo. Elle cumule : charme, pouvoir, baguette magique. Je vais mourir de cette fille. Et probablement avec le sourire le plus débile de toute l’histoire des sourires débiles. Le rapport d’autopsie indiquera : « Cause du décès : sorcellerie sexuelle à répétition ». Pour le « à répétition », je croise les doigts de tout mon cœur.
Avant de revenir vers elle, je réajuste ma dignité du plat de la main, manière de négocier la trêve. Une brève pression sur l’entrejambe — pas pour éteindre l’incendie, juste repositionner le soldat en faction et lui rappeler que l’heure de la libération n’est pas venue. Pas ton tour, camarade.
Je la retrouve sur son tabouret, divine comédienne, la culotte bien planquée au creux de ma paume. Jambe sur jambe, air parfaitement innocent plaqué sur le visage. Du grand art.
Je m’approche, clin d’œil implicite.
— Tiens. Mission accomplie.
— Merci… Batman. Tu veux pas plutôt la garder dans ta poche ?
Ce regard. Ce ton. Ce culot. Je roule des yeux, faussement, non, vraiment, désespéré. Elle me triture les nerfs. C’est officiel, elle signe son arrêt de célibat. Je vais devoir l’épouser, juste pour avoir l’occasion de la torturer d’amour jusqu’à nos 98 ans.
— Tu vas attraper froid, mo leannan. Ce serait dommage de compromettre la suite.
— C’est que, tu vois, ma tenue de rechange n’ira pas avec du coton noir....
Je m’en ballec !
— Vi, je te jure, j’ai pas le mental pour savoir que t’es nue sous ta robe pendant qu’on socialise. Remets-la. Pour le bien commun.
Elle éclate de rire et fait non de la tête. Quelle gamine !
— Par pitié, remets ce truc. Ou appelle les secours pour me faire évacuer.
Et avant que je puisse ajouter quoi que ce soit, elle saisit les rabats trempés de ma chemise et s’attelle à les refermer. Ses doigts dansent, précis et légers. Une femme au petit soin qui te resape c’est divinement sexy, non ? Ça va encore finir en feu d’artifice dans mon futal, cette histoire.
— Je refuse que toutes les mirettes ici profitent de ce tableau parfait.
Je me rend à son emprise. Et toujours avec sa petite culotte chiffonnée prisonnière de ma paume.
Descendant en sentinelle, ses ongles griffent l’élastique, jouent une partition défendue sur la ligne de ma ceinture. Une caresse à peine esquissée, et pourtant… je me tiens droit comme un piquet. Enfin, pas que moi. Le copain d’en bas aussi.
— James ?
Je plonge dans ses prunelles, où les miennes s’enfoncent sans espoir d’évasion.
— Il a un sens, ce nouveau tatouage ?
Ah ! Merde… Grillé. Va falloir improviser un miracle.
— Euh…
Mon cerveau hoquète. Branle-bas de combat : mes pensées se télescopent les unes les autres.
Victoria pose l’index au-dessus de l’encre cachée sous mon boxer.
— On aurait dit un V, non ?
Putain : avouer ou noyer le poisson ? Choix cornélien.
— Vraiment ? J’avais pas remarqué. J’étais peut-être pas bien alerte au moment du chef-d’œuvre.
Ou alors, j’étais tellement inspiré que j’ai oublié de réfléchir.
— Pas au clair, donc ? Genre, pas en pleine possession de tes moyens ?
Défoncé à la blanche, pour dire vrai… J’ai gravé son initiale là où elle seule était supposé regarder… Or, toutes ces autres ont fini par l’apercevoir. Peut-être que c’était le but, justement…
Je mords ma lèvre, en quête d’un joker dans ma manche.
— Puisqu’on parle tatou… et si tu me montrais le tien pour comparer ?
Un sourire joueur éclaire son visage. Puis, elle plisse les yeux comme un fauve aux aguets, flairant ma volonté d’esquive.
— Étant donné qu’il s’étire sous mon sein, ce que tu n’ignores pas, ça implique que tu me retires ma robe, James…
Je lance un contre.
— On remet ça à plus tard, alors. N’oublie pas, on avait un rendez-vous avec la piste.
Arcade relevée, elle m’avertit. Je devrais arrêter de faire le malin et sous-estimer sa perspicacité.
— Mmh, très bien… Soit certain que je n’hésiterai pas à entreprendre une exploration méticuleuse… quitte à mobiliser ma langue comme outil de détection pour traquer cette initiale qui n’est absolument pas la mienne, pas vrai ?
D’un éclat malicieux, elle tapote le bout de mon nez. je me retrouve dépossédé de tout sauf de ce sourire qu’elle m’a inscrit au visage.
[1] selkie : créature légendaire du folklore écossais et irlandais, mi-femme mi-phoque, capable d’abandonner sa peau marine le temps d'une nuit pour devenir humaine et danser au clair de lune. Si un homme s'empare de cette peau, il peut la retenir sur terre, mais attention si elle la récupère, elle regagne à jamais la mer, abandonnant amour et enfants.
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