9.6 * VICTORIA * SKÅL
V.R.de.SC
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30.10.22
03 : 25
♪♫ CHAINSMOKING — JACOB BANKS ♪♫
Je m’éclipse dans l’intimité d’une cabine. Lauriane et Leslie poursuivent leur chuchotement conspirateur derrière le battant. Lassise polaire accueille mes fesses, mon front se perd dans le creux de mes mains. Je ferme les yeux.
Elles ont raison, le refus de James disait : « Je t’aime trop pour coucher au rabais ». Ou peut-être : « Je t’aime trop, point final » ? Mon ego circonspect convoque un conseil de crise. Mon corps insatisfait tempête à tout va. Le palpitant en mode autruche s’enterre sous le sable en attendant que ça se tasse. Le bureau des plaintes internes atteint un pic d’activité. Chacun son déni, chacun sa doléance.
Peut-être est-ce ça, l’amour : un pacte tacite où l'on s’abîme en tandem, doigts enlacés ? Déroger aux désirs brûlants de l’autre et offrir un gilet de sauvetage au moment même où il sombre ? Moi, j’étais là, grisée par la passion, prête à couler. Lui, il a opposé sa glace à mes flammes, clairvoyant, en dépit de son propre noyau en fusion. Il m’a retenue, n’empêche que je me suis tout de même mangé un mur. Un mur avec un cœur rose fluo gravé dessus certes, mais un mur solide malgré tout. Et ça fait mal. À l’heure actuelle, je rumine de la frustration tiède tandis que la culpabilité tapote à la vitre de mon esprit. Allez, entre. Y a déjà la honte et l’espoir avarié sur le canap.
Mes doigts crispés autour de la poignée, je déverrouille la porte. Lauriane et Leslie, penchées près du sèche-mains, persistent dans leurs murmures. Dès que je sors, leurs prunelles m’assaillent, lourdes d’une attention intrusive et écrasante. Je détourne les yeux, préfère plonger mes mains sous l’eau fraîche du robinet.
Les miroirs fumés reflètent une lumière dorée, étudiée pour estomper les cernes et sublimer les remords. On se croirait dans un vaisseau spatial de luxe, conçu pour clubbeuses en détresse et confessions pailletées.
Le goût amer de ma réaction tapisse toujours ma gorge. Je souffle, lentement, tentant d’exhaler l’embarras, l’incompréhension, la chaleur rougeoyante dans mes cervicales. Pourtant, rien ne s’évacue. La montgolfière en surpression que je suis, prêt à éclater, a besoin d’une aiguille.
— Bon, t’as vidé ton grenier émotionnel ou t’as encore une ou deux reliques emmurées dans la charpente ? Parce que moi, j’ai du doss' à poser sur la table.
Oh non. Leslie en mode « grand oracle ». Je la dévisage, sourcils froncés, déjà sur le qui-vive. Bien sûr. Voilà venir mon hérisson thérapeutique. Elle va me piquer pour « mon bien », comme d’hab. La méthode Leslie : coaching par électrochoc, sarcasme bienveillant et crème cicatrisante offerte à titre gracieux.
— Il t’a dit quelque chose ? soufflè-je, balbutiante.
Attention, cœur fragile en porcelaine Ming à manier avec précaution. Risque de débâcle si spoiler affectif trop brutal.
— Ouais, j’ai tenu colloque à ton Écossais de service et tendu deux-trois filets psychologiques maison. Résultat : Monsieur Scotch & Flegme a fait un dépôt verbal.
Ah. Pourquoi ne suis-je pas surprise ? Elle pourrait faire parler un ficus, cette fille. Et James n’est pas un végétal docile au feuillage passif. Si quelqu’un est capable de tirer les vers du nez à un muet volontaire, c’est bien elle. Et si, par miracle ou faiblesse passagère, James a lâché quelques copeaux de vérité… J’aurais préféré qu’il me les confie à moi, évidemment. Mais à défaut, je prends les échos.
Leslie me sourit avec l’air de celle qui a disséqué une âme à la mandoline. Aïe. James a dû finir tranché fin façon sashimi, assaisonné de théorie et roulé dans l’algue Leslie.
— Ton mec, Vic, c’est un océan camouflé en lac tranquille. Genre eau plate, mais avec des abysses en dessous.
Sans perdre le fil, elle ouvre sa mini banane, farfouille avec méthode et extirpe un stick orange. Puis elle repart, comme si le tube était un pointeur de conférence.
— Il a des zones d’ombre bien planquées sous la surface, et des bleus profonds, n’en doute pas. Potentiellement, il est sujet aux tempêtes émotionnelles. J’estime de plus qu’il a des réflexes d’animal blessé.
Elle dévisse l’arme fatale, incline le menton et, avec la précision d’un chirurgien esthétique en pleine opération de la dernière chance, applique une première couche sur sa lèvre inférieure. Sa bouche se pince, se déplie, se redessine. Un soupir presque artistique accompagne le deuxième passage. Elle admire le résultat deux secondes, puis hausse imperceptiblement les sourcils, satisfaite. Nouvelle teinte, même mordant.
— Il mise tout ou rien. Il a les tripes pour se battre — pourvu que le jeu mérite la chandelle. Et je pense qu’il croit que toi, t’en vaux la peine. Il pardonne, mais avec une mémoire en papier carbone et il sort la colle avant les sacs-poubelle. Bref : il est pas parfait, mais il n’est pas creux.
Bien sûr qu’elle a tout décrypté. Toujours aussi douée pour retourner les gens comme des cartes. En trois questions bien senties, elle a cerné le nœud que je cherche encore à démêler. Par contre, j’ai la nette impression qu’elle me dresse le portrait d’un autre homme… ou d’un homme que je n’ai pas vraiment osé regarder en face. Soit elle a décelé une pièce manquante que j’ai ratée, soit je suis passée à côté de ma propre histoire. Parce que là, dans le miroir, c’est mon reflet que j’avale de travers — pas celui de James. Moi, avec mes attentes mal rangées, mes pulsions sans étiquette, ce foutu goût pour les situations bien cadenassées.
— Tu crois qu’il m’aime ? Je veux dire pour de vrai ? Il me l’a dit, mais…
Ma voix se dégonfle, minuscule. J’aurais préféré balancer ce doute avec un sourire ironique, à la cool et pas tout mièvre et tout rose. Loupé. C’est sorti nu, vulnérable, sans la cuirasse habituelle.
— Il te l’a dit ? réagit vivement Leslie.
L’air mi-surprise mi-experte, Leslie plisse les yeux. Youpi, une faille dans le récit ! Je sais déjà qu’elle se délecte de la complexité émotionnelle sous-jacente.
— Les trois mots sacrés ? Avec ou sans guillemets ?
— Oui… sans les guillemets ni les précautions d’usage non plus.
Ma meilleure amie m’observe, plus calme tout à coup, la tête penchée.
— S’il t’aime vraiment, Vic, c’est à toi de le découvrir. Mais ce qui saute aux yeux, c’est que ce mec t’a retourné les synapses et, ce qui nous inquiète, ce ne sont pas ses sentiments à lui, c’est ce que toi tu vas encore fabriquer toute seule dans ton escape game mental à base de « je contrôle, donc je suis ». Tu cherches des certitudes, normal. Mais elle est là, ta boussole, en chair et en muscles, juste derrière cette porte. Pas planquée dans tes versions bêta.
Pourtant… mes hypothèses ont l’avantage d’être plus confortables. Et personnalisables. Ajustées selon l’humeur et le degré de peur, doublées en coton doux....
Lauriane acquiesce, avec cette douceur grave, tempérée de tendresse jusqu’à la commissure de ses lèvres, qui n’admet pas la contradiction.
— Ne reste pas otage d’un abandon inexpliqué, conseille-t-elle. Si t’as besoin de vérité, confronte-la. Sinon, tu vas t’enliser dans l’attente et les suppositions jusqu’à t’effacer dedans.
— Et garde en tête que les réponses risquent d’être décevantes ou tranchantes, et pas taillées pour ton cœur, enchaîne Leslie. Tu fonces, oui, mais tu te protèges avant tout. Même si lui tangue, c’est pas une excuse pour que toi tu replonges en apnée sans bouteille.
Story of my love life. Tenter la traversée de la Manche avec une paille.
Son regard s’ancre dans le mien, limpide et brutal à la fois.
— Et là je te parle en copine, pas en psy : t’as pas le droit de retomber en miettes si t’obtiens pas ce que tu désires.
— Je… Ouais, sauf que j’ai la trouille !
Voilà, c’est dit.
— J’ai peur de ce qu’il pourrait me révéler.
Je n’oublie pas ce souffle qu’il a laissé dans l’air : « Tu vas me détester quand tu sauras ». Qu’est-ce qu’il cache derrière cette mise en garde ? Quel secret pourrait écraser l’amour qu’il me promet ? Et si je n’avais pas la force de pardonner, de passer outre ce prétendu feu couvant ? Je suis en équilibre précaire, à tâtons face à cette vérité immergée, prête à plonger, mais sans parvenir à deviner si l’eau sera douce ou empoisonnée.
— Oui c’est dur, mais fuir le doute ? Ça t’emmène nulle part, Vicky, me guide Lauri. Respire, regarde les choses en face, même si c’est pas parfait, et avance.
— Ta peur est un excellent garde-fou… contre le bonheur. Tu peux soit lui faire la peau, soit rester là à te morfondre. Ton choix. Si tu gaspilles ton temps à esquiver les imprévus et les risques, tu vas finir seule avec ton dressing de pensées en boucle bien repassées.
Je fixe un point flou sur le miroir, écorchée, saturée, incapable de soutenir l’évidence qui me claque au visage. Ça pique. Et pas qu’un peu. Un instant, j’ai juste envie de décamper à toute allure.
— Bienvenue au club des rescapés du romantisme qui ont scanné les contes de fées en zoom x100 et lu les clauses en petits caractères, ajoute-t-elle.
— Victoria, tu ressens quoi pour James, exactement ? C’est de l’amour ou le manque ? m’interroge Lauriane, velours dans la voix.
La question à un million. C’est flou, c’est fort, ou déjà foutu ?
— J’en sais rien… expirè-je, les bras ballants, les yeux rivés au sol.
Mes paupières se ferment une seconde. Mes poings serrés tremblent, mes mains errent sans mission derrière mes oreilles avant de s’étaler sur ma nuque. Je mordille ma lèvre inférieure, signature dérisoire de mon agitation.
— J’ai trop suspendu ma vie à son retour. J’ai trop espéré. Je veux seulement… sentir sa présence, ne plus le lâcher. Pas le perdre encore. Pas cette fois.
— Même si vous n’avez rien réglé ? ose Lauriane.
La logique froide et implacable des grandes personnes versus la panique adolescente, édition adulte.
— Je sais.
La résignation en deux mots…
— Et avec Mati, il se passe quoi ?
Loli… pourquoi tu me poses cette question ? …
Merde. Merdouille. Merdo-grenade. Mes phalanges se recroquevillent. Un éclair nerveux me dézingue la colonne. Voilà venu l’instant où tu rêves de déclencher un plan d’évacuation incendie ou de creuser un trou et y disparaître. Ma peau devient tambour, mon estomac proteste. C’est sorti. Fallait s’y attendre. Welcome to the jungle.
Je l’ai vue, Lauriane. Elle observait. Elle accumulait. Elle a enregistré les regards, les frôlements, l’ombre d’un truc pas net… Cerise sur le scandale : mon emmitouflage façon colis fragile dans les bras de mon boss. Nom de Dieu… Et si James avait assisté à la scène ? Non. Impossible. Auquel cas, il m’aurait cracher le morceau avec son regard qui tue. Ou peut-être bien que si, putain ! Elle découle de là, sa mine de serial lover contrarié ? Fais chier, fais chier, fais chier !
Je zieute Leslie. Stoïque. Poker face : impénétrable et parfaitement rodée. Adossée au carrelage, chevilles croisées, elle lisse machinalement un pli invisible sur sa robe, concentrée sur du faux calme.
— Quoi Mati ? glissè-je, version fuite molassonne déguisée en curiosité.
Piteuse tentative. Vaine esquive. À force de contourner l’iceberg, je finirai par me noyer dans mon propre jus de frousse. C’est moche, mais c’est tout ce que j’ai.
— Arrête. Je vous ai grillés, Vic. Et James aussi, tu peux me croire. Tu veux qu’on parle de sa tronche quand Mati rôde autour de toi ? Un vrai geyser prêt à éructer du magma possessif. Je te jure, instinct primal sur pattes, hostilité tectonique à l'état pur.
Je me programme à l’optimisme de survie et me compose une expression détachée. Le genre qu’on sculpte à l’arrache avant le crash. Ça va bien se passer. Je me le dis. Je me le répète. Je me le mime. D’un revers de main flottant, je fais semblant d’éventer l’ennui.
— Trois fois rien, Lauriane. Même pas une anecdote.
Et j'y bazarde un petit rictus collé au scotch pour emballer la fausseté.
Wahou. Rien : le mot fourre-tout pour désarmer des situations bien pourries… Surjoué, Vic. Je recadre ma bretelle, histoire de faire quelque chose de mes mains.
Mais Leslie me prend de court. Elle largue le missile. Tranquille. Lame fine. Ton neutre. Son double dans le miroir me toise plus que son regard réel.
— Ils baisent ensemble.
L’air change. L’ambiance aussi. Mon cœur chute dans mes talons. Tout tourne un peu, pas à cause de l’alcool — enfin, pas que. La phrase s’abat, sèche, calme, style bulletin météo lue sans affect : « Dépression sur la côte. Tempête imminente. Sauvez les meubles. » Et moi, foudroyée sur place, sans parapluie. Et pas de bottes ni de ciré. Parfait. Direct dans la gadoue.
— Mais tu ne m’as rien dit ! réplique ma cousine, voix perchée, sourcils en orbite. Depuis quand ? N’empêche, si un mec peut te faire oublier James, t’as tiré le bon numéro. Mati est classe, serviable, drôle, beau-gosse. Je valide.
— C’est pas ce que tu crois, je…
Panique. Bafouille. Mes cordes vocales jouent au yoyo. Faux départ, mauvais couloir. Je viens de sprinter vers le désastre. Quelle amorce de merde ! D’un cliché navrant. Tellement attendu que j’ai envie de me gifler moi-même.
J’essaie de rebrousser chemin, mais Leslie poursuit, implacable :
— C’était quand, la dernière fois, d’ailleurs ?
Elle ne pose pas la question pour savoir. Elle la pose pour m’obliger à parler.
Blanc. Gros blanc. Blanc sonore aussi. Palpitations. Mes neurones hoquètent. Je lamouille l’intérieur de ma joue, réflexe de culpabilité mal gérée. À quoi bon éluder ? Un détour ne rendrait pas la situation plus digeste, juste plus trouble. Et franchement, j’ai assez de zones grises comme ça.
— La soirée Neon Jungle, finis-je par avouer.
Mes mots tombent. Mous. Désarticulés. Je me dépêche d’ajouter :
— C’était… pour oublier James. Un truc impulsif. Une décision à la con. Mati, c’est pas… je ne ressens rien pour lui. Et lui non plus.
Gnagnagna… Pansement verbal dérisoire. En plus, j’ai l’assurance d’une ado chopée en flag avec un joint mal roulé et l'odeur incriminante accrochée à son écharpe en laine.
Leslie hoche la tête. Toujours égale à elle-même.
— Vous iriez très bien ensemble. Je pense même que Mati est un meilleur plan que James. Deux cerveaux aux angles droits. Deux contrôleurs de la vie, avec leurs petites cases bien remplies. Sincèrement, c’est poétique l’amour administratif. Sauf que le big boss reste un coureur. Un vrai. Alors, si tu veux tenter ton coup, garde tes baskets aux pieds. Ce sera pas une promenade de santé…
— On n’en est pas là, Less. Mati et moi, on est amis.
Je me déçois moi-même. J'ai envie de m'éteindre en veille prolongée. Ma voix ne trompe personne. Leslie, encore moins. Elle menfonce les yeux dans le vrai. Pas méchamment. Pas accusatrice. Juste… intensément lucide. Je frotte mon bras, là où James a posé sa main plus tôt. Et Mati aussi…
— C’est pas son avis, déclare-t-elle.
Ma respiration cale. Blizzard dans la cage thoracique. Pardon ? Comment ça ? Son timbre est toujours lisse, mais cette phrase-là ricoche fort. Qu’est-ce qu’elle sait ? Qu’est-ce qu’il lui a dit ? Qu’est-ce qu’il mijote dans mon dos pendant que, moi, je pédale en eaux troubles avec mon GPS émotionnel détraqué ?
Je suis à deux doigts de planter la question. Ma langue fourche sur un début d’interrogation, mais, une fois encore, Leslie me devance :
— Et si on revenait à tes moutons, Vic ? Tu auras tout le loisir de t’expliquer avec Mati plus tard… à moins que tu ne prévois un numéro de jonglage à deux balles. Dans ce cas, je te conseille des bras plus longs.
Han-han. Jamais de la vie je ne jouerai sur deux tableaux. Pas même bourrée ou hypnotisée. Elle marque un point, quand même. J’ai des impasses à éclairer et des labyrinthes à dynamiter. Avec l’un. Et l’autre. Mais surtout avec l’un. En vérité, uniquement avec lui. Si ça ne tenait qu’à moi, y aurait même pas de « deux ». De base, ce soir, il n’y en avait qu’un au programme. Seulement, l’acteur principal vient de reprendre son rôle. Fin de l’intérim. Merde alors… Suis-je vraiment en train de qualifier Mati de doublure ? Oui. Il ne le mérite pas. Je suis une horrible personne…
— Je vote pour une tournée, intervient Lauri. Et pour qu’on ferme boutique côté gars cinq minutes. Histoire de rappeler que notre matière grise n’est pas qu’un accessoire sentimental. Surtout toi, Vicky.
Elle tape juste, il est temps que je donne un break à mon cœur et un coup de fouet à mon cortex.
Ma cousine se poste devant moi, glisse ses paumes sur mes avant-bras noués sous ma poitrine. Il fait du bien, ce contact simple et vrai.
— C’est ton anniversaire : on va aller danser, se mettre des mines et rigoler. T’as 24 ans ce soir, t’es canon, t’es entourée, t’as survécu à l’année, et je suis fière de toi. Si tu es déterminée à régler tes comptes, garde ça pour demain, quand tu seras à jeun.
D’un geste affectueux, presque maternel, elle replace une mèche derrière mon oreille, me gratifie d’un hochement de tête entendu, puis s’efface. Dernier coup d’œil dans le miroir. Derniers ajustements.
— Excellente suggestion, s’écrie Leslie. En plus, j’ai soif. Et j’ai des vues très sérieuses sur une délicieuse part de ce framboisier de l’espace. Il mérite une standing ovation, ce gâteau.
Un sourire en coin grimpe sur mes lèvres. Ce machin vert fluo est un attentat pâtissier — mais qui suis-je pour contrarier l'élan d'une gourmande en transe ?
— Va rejoindre ton Écossais. Le pauvre prend racine avec son regard de cocker abandonné. Manquerait plus qu’un ruban « Propriété de Victoria » autour du cou. Au fait, super sexe sa coupe. Tu crois qu’il a joué les figurants dans Vikings ?
Je pouffe. Coupable, votre honneur. On dirait qu’il sort d’un combat à la hache… Si ça, c’est pas une incitation à la conquête, je rends mon armure.
— Je sais. Il me donne envie de crier « Skål ! » en lui sautant dessus.
Je visualise déjà l'assaut. Mon sang scande la charge.
Lauriane et Leslie s’amusent à leur tour.
— T’as qu’à le faire, tiens. On filme, propose ma meilleure amie en ricanant.
J’ouvre de grands yeux ronds.
— Hé, j’ai une réputation à défendre.
— Laquelle ? glousse Lauriane. Celle de la stratège sentimentale qui check l’itinéraire d’évasion dès qu’il y a de l’amour dans l’air ?
— Super. Merci du rappel.
— Dis, t’as pensé à lui faire des tresses ? enquête Leslie, hilare.
— Des tresses ? Je préfère quand ses mèches me chatouillent les hanches…
Explosion de rires. Regards complices, un brin moqueurs. Elles n'attendent qu'un faux pas pour me le rebalancer au visage avec amour. Rien de plus galvanisant.
— Allez, valeureuse guerrière, descends de ton fjord. Viens te frotter à la vraie bataille, lance Leslie en me tirant par le bras.
On quitte enfin le refuge des toilettes. La musique et les néons du club me replongent dans le chaos électro-sentimental. J’ai encore le cœur en vrac et les idées en vrille, mais qu’importe : ce soir, la nuit est à moi, et j’ai décidé de la croquer à pleines dents. Après tout, j’ai survécu jusque-là, je peux bien danser avec le feu.
Note de l'autrice → Chapitre en ballotage… Blocage intempestif dans le processus de réécriture, impossible d'en sortir proprement pour le moment. Du coup, je choisis de le poster tel quel pour ne pas rester figée.
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