5. Le jour du duel

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Deux semaines s’étaient écoulées depuis la première rencontre. Chaque instant avait préparé John à cette séance : maintenir son équilibre tout en laissant filtrer ce qu’il voulait bien montrer.

Dans son cabinet, la psychologue relut ses notes, repassant les hésitations, les silences et la crispation lorsqu’elle avait frôlé le sujet des frères et sœurs. Tout cela formait une carte qu’elle allait explorer avec prudence.

Lorsque John franchit la porte, ses gestes étaient mesurés, son regard calme mais attentif.

— Vous semblez plus serein aujourd’hui, John, dit-elle doucement. Est-ce exact ?

— Disons que j’ai mieux dormi, répondit-il, voix posée.

Un silence flotta, puis la psychologue reprit subtilement :

— L’autre jour, nous avons parlé de votre enfance… certains souvenirs pourraient mériter d’être partagés.

John inclina légèrement la tête, mesurant ses mots.

— Docteur… puis-je vous poser une question ? demanda-t-il, calme mais ferme.

— Bien sûr, répondit-elle, intriguée mais encourageante.

— Est-ce normal… d’avoir parfois le sentiment d’être ailleurs ? Comme si on n’était pas vraiment présent dans ses gestes, dans ses pensées ?

La psychologue nota mentalement l’initiative : John détourne la discussion vers les manifestations de son trauma. Il reste maître du récit.

— Oui, répondit-elle doucement. Beaucoup de personnes ressentent cela, surtout sous stress ou traumatisme. Cela peut se manifester par une dissociation, une tension corporelle, ou des réveils en sursaut.

Un silence s’étira. Ses yeux fixaient un point invisible, loin derrière elle.

— Et pourtant… elle…

Il s’interrompit net. La vulnérabilité qui venait de s’échapper le figea un instant. Chaque muscle de son corps semblait protester contre cette exposition.

— Qui est elle ? demanda doucement la psychologue, laissant flotter un silence plein d’attention.

John détourna le regard, la gorge serrée.

— Ça suffit pour aujourd’hui… je… je ne peux pas, murmura-t-il, la voix brisée.

La psychologue hocha doucement la tête. Elle comprit que le moment de vérité venait d’être touché, mais que John avait besoin de reprendre son équilibre. Elle nota mentalement :

> Il détourne, mais chaque geste, chaque crispation trahit la présence d’un secret plus ancien. Le “elle” signale une zone sensible — potentiellement liée à la famille ou à un lien perdu. Je sais où reprendre la prochaine fois, doucement, sans le brusquer.

John se leva lentement, luttant contre l’émotion, et quitta la pièce. La porte se referma derrière lui, laissant dans le cabinet un silence dense, chargé des non-dits et des micro-indices laissés derrière lui.

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