8. L’appel de l’ombre

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Le téléphone vibra sur le bureau de la psychologue. Elle leva les yeux de ses notes, surprise par l’heure inhabituelle. La voix à l’autre bout du fil était brisée, étranglée, mais reconnaissable : celle de John.

« Je… je crois que je ne tiendrai pas jusqu’à notre prochain rendez-vous. Est-ce qu’on peut avancer la date ? J’ai besoin… j’ai besoin que ça commence vraiment. »

Un silence lourd suivit ses mots. La psychologue comprit aussitôt : il ne s’agissait pas d’un simple malaise passager, mais d’une urgence vitale. Elle l’écouta respirer difficilement, comme si chaque mot lui coûtait une lutte.

Elle ouvrit son agenda, les doigts glissant nerveusement sur les pages. La date initialement prévue pour John lui sauta aux yeux : trop loin. Il n’y arriverait pas. Elle fouilla parmi ses créneaux, cherchant une faille, un espace à libérer. Enfin, elle trouva.

« John… le rendez-vous le plus tôt que je peux vous donner est dans trois jours. »

De l’autre côté de la ligne, elle perçut un souffle hésitant, presque un sanglot étouffé.
« Trois jours… d’accord. J’essaierai. »

« Vous n’êtes pas seul, John. Tenez bon. Trois jours, et on commencera. » Sa voix se voulait ferme, apaisante, une ancre dans la tempête.

Elle raccrocha le téléphone, le cœur alourdi par la gravité de l’appel. Instinctivement, elle se leva et alla fermer doucement les rideaux, comme pour isoler son cabinet du monde extérieur. Chaque geste était mesuré, ritualisé : ici, rien n’était laissé au hasard, chaque détail comptait.

De retour à son bureau, elle rouvrit le dossier de John. Ses notes de la dernière séance défilaient devant ses yeux : les indices qu’il avait glissés, la tension palpable, le frisson de vulnérabilité lorsqu’il avait mentionné « elle ». Elle relut chaque ligne, analysant les possibles significations : sœur, amie, ou peut-être une figure de son passé. Les zones d’ombre persistaient, et c’était précisément ce qui rendait sa démarche si délicate.

La psychologue prit son carnet personnel et écrivit quelques mots :
« Séance avancée. Préparer approche douce. Observer le non-dit. Questionner sur “elle”, sans brusquer. Laisser venir. »

Un instant, elle fixa la fenêtre. La lumière de fin d’après-midi dessinait des ombres mouvantes sur les murs du cabinet. Elle pensa à la vulnérabilité que John avait montrée la dernière fois, à ce qu’il avait révélé, et surtout à ce qu’il avait choisi de taire.

Trois jours. Trois jours pour tenir. Trois jours pour préparer le terrain.
Et au fond d’elle, elle le savait : cette séance-là ne serait pas comme les autres.

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