Les pas vers l’inconnu

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Le matin s’ouvrit comme tous les autres. John sortit de chez lui, traversa la rue familière et s’arrêta devant la maison de sa mère. Son « bonjour » se heurta une fois de plus à ce mur de silence, ce refus obstiné de reconnaissance. Le rituel était le même, immuable. Pourtant, aujourd’hui, il sonnait creux. Comme un écho étouffé dans une pièce vide.

Il poursuivit sa route, le pas légèrement plus pressé. La séance approchait, et son cœur battait déjà dans l’attente. Mais le destin décida de croiser son chemin d’une ombre du passé.

Marc était là. Adossé contre le mur d’un petit café, une cigarette à la main, il semblait attendre sans vraiment attendre. Lorsqu’il vit John, son sourire se dessina, lent, presque calculé.

— John… quelle coïncidence, dit-il d’une voix trop posée. Un café ?

John hésita, l’instinct lui soufflant de refuser. Mais Marc avançait comme un prédateur prudent, sans menace ouverte, testant seulement les eaux. Alors John céda, incapable de trouver un prétexte assez solide.

À l’intérieur, le café sentait le bois usé et la fumée rance. Marc parlait doucement, comme pour apprivoiser. Il évoqua des souvenirs anciens, des escapades d’autrefois, leur jeunesse partagée. Chaque mot fouillait dans la mémoire de John, réveillant une époque où il avait cru trouver en Marc un frère de substitution.

Mais derrière les phrases anodines, John percevait le sous-texte. Marc observait, jaugeait. Ses absences, ses silences, sa manière de détourner le regard, tout cela nourrissait une tension invisible. Ce n’était pas une intimidation directe. C’était plus subtil : une exploration méthodique, comme si Marc voulait vérifier si le temps avait changé la nature de leur lien.

John resta crispé, avalant ses gorgées de café comme un poison qu’il devait ingérer malgré lui. Plus la conversation avançait, plus il sentait une vieille blessure se rouvrir : celle de l’abandon, celle de l’exploitation de ses failles par un autre.

Quand enfin il réussit à se lever, le soulagement fut bref. La digestion commença dans la rue, au milieu de la foule qui bruissait autour de lui. Chaque pas était une lutte. Les visages anonymes défilaient, pressés, indifférents. Lui se sentait dériver, instable, perdu dans un flux humain qui ne lui laissait aucun ancrage.

Ses pensées tournaient en boucle. Marc, sa mère, sa sœur, la séance à venir. Tout se superposait dans un chaos qui menaçait de le faire vaciller. Pourtant, il continua à marcher, comme happé vers un point précis, un refuge nécessaire.

Enfin, l’immeuble apparut. Une façade grise, ordinaire, sans éclat. Rien ne le distinguait des autres bâtiments de la rue. Sauf, peut-être, cette petite plaque discrète à côté de l’entrée : « Cabinet de psychologie — Dr *** ». Sobre, presque invisible pour qui ne la cherchait pas.

John leva les yeux vers les fenêtres anonymes. Derrière ces murs, il allait déposer ce qu’il portait depuis si longtemps. Ses jambes tremblaient, mais il franchit le seuil, laissant derrière lui la rumeur de la foule.

Un pas, puis un autre. Chaque marche gravie dans l’escalier le rapprochait de ce face-à-face avec l’ombre.

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