Reflets brisés
John s’assit dans son sanctuaire, seul. La lampe diffusait une lumière douce, mais elle n’éclairait rien dans son esprit. La photo jaunie de lui et de sa sœur reposait entre ses mains, fragile et précieuse. Il la caressa doucement, comme pour sentir encore la chaleur de l’innocence disparue.
Puis il murmura, presque pour lui-même :
— Pourquoi tout est resté ainsi ? Pourquoi elle…
Une voix surgit, familière et pourtant lointaine. Lui-même, mais enfant, fragile et perdu dans ce passé marqué par le silence et la violence :
— Écoute… ce n’est pas toi le problème. C’est elle. Notre mère.
John adulte fronça les sourcils :
— Mais pourquoi ? Pourquoi tant de cruauté, de froideur ?
L’enfant inspira, comme pour trouver les mots justes :
— Elle est blessée… mais narcissique. Une blessure qui ne la rend pas faible, mais monstrueuse. Elle a besoin de nier ce que tu es, ce que nous sommes, pour se protéger. Chaque larme, chaque peur… pour elle, c’est un miroir de sa propre faiblesse. Alors elle transforme ça en contrôle, en manipulation, en rejet.
— Un monstre… murmura John adulte, la gorge serrée. Parce qu’elle souffre… mais ne sait pas le montrer autrement ?
— Oui, dit l’enfant. Une mère blessée, qui se croit victime, mais qui veut imposer son monde aux autres. Elle mélange douleur et narcissisme… et le résultat, c’est nous. Toi… moi… l’innocence piétinée.
John adulte serra la photo contre lui, le cœur battant.
— Alors… je n’ai jamais compté pour elle…
L’enfant répondit, plus doux, presque apaisant :
— Tu comptais… mais seulement comme reflet de sa douleur qu’elle ne pouvait affronter.
John adulte leva les yeux, un éclat de détermination dans le regard :
— Et pourtant, je continue. Chaque jour, mon « bonjour »… ce geste, aussi fragile soit-il, c’est ma main tendue. Peut-être qu’un jour elle se rendra compte… peut-être qu’un jour elle prendra enfin ce lien entre ses mains et verra ce que nous sommes réellement.
L’enfant restat silencieux, comprenant la profondeur de ce rituel : un espoir ténu, une défense contre l’ombre qu’elle avait imposée. Puis, sa voix se fit plus grave :
— Mais… par ce rituel, tu es en train de me perdre. L’innocent en moi… disparaît un peu plus chaque jour.
Le silence s’installa, lourd et chargé, mais cette fois, il portait un fil de lumière et de tension. La photo de sa sœur entre ses mains devint un point fixe, un fil ténu reliant le passé et le présent, le jeune John et l’adulte. La reconnaissance de cette réalité, aussi brutale soit-elle, était la première étape pour avancer… mais avec le prix de l’innocence qui s’efface.

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