30. Le miroir du sanctuaire
Le cabinet baignait dans une pénombre épaisse, à peine troublée par la lampe de bureau. Chaque meuble, chaque dossier, chaque ombre semblait l’observer, comme pour lui rappeler le poids de ses décisions.
Elle n’osait pas toucher le carnet posé sur la table. L’ouvrir serait un aveu, une provocation, un engagement écrit qu’elle ne voulait pas encore sceller. Alors elle tournait en rond, effleurait les étagères, marchait d’un pas lent comme on tourne dans une cellule. Le cabinet était devenu son sanctuaire, un miroir de celui de John, un lieu de silence, de secret, d’aveux muets.
Dans ce sanctuaire, elle savait que deux vérités coexistaient. À son mari, elle donnait l’apparence d’un choix évident : l’amour, la fidélité, la stabilité. Mais en elle, un autre fil demeurait intact, tendu vers John, fragile et dangereux. Elle ne pouvait l’abandonner.
Un souffle échappa de ses lèvres, presque un aveu au vide :
— Moi ou John… Moi et John.
Ces mots n’étaient pas censés exister, et pourtant ils la définissaient. Comme John, elle avait choisi le double jeu, l’équilibre impossible entre deux mondes qui se repoussaient et s’attiraient.
Elle ferma les yeux, laissant la tension l’envahir. Elle savait que cela ne durerait pas, que tôt ou tard son mensonge éclaterait. Mais pour l’instant, comme John, elle trouvait dans cette duplicité une respiration, une survie.
Le cabinet gardait son secret. Comme le sanctuaire de John, il devenait le lieu d’un serment silencieux, continuer à jouer les deux rôles, continuer à prétendre que l’on peut aimer et trahir en même temps, sans que tout s’effondre.
Et dans ce miroir invisible, elle et John se rejoignaient, chacun enfermé dans son sanctuaire, chacun condamné à la même fuite : survivre dans l’ombre du double jeu.

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