31. Le double visage

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John s’était d’abord travesti seul, dans son sanctuaire. Devant le miroir, chaque tissu effleurant sa peau, chaque reflet de son image, chaque geste était une exploration de lui-même : un mélange de curiosité, de tendresse et de punition. Il voulait sentir la lourdeur de sa honte, la douceur cachée en lui, et la fragilité qu’il ne pouvait partager avec personne. Ce rituel était devenu une nécessité, un exutoire pour la douleur intérieure qu’il refoulait dans sa vie publique.

Puis, dans un moment de désespoir, une idée surgit : et si Marc voyait cela ? John imagina Marc observant sa vulnérabilité, riant doucement de sa soumission, accentuant cette humiliation qu’il portait en lui depuis toujours. L’idée le fit frissonner : il voulait cette punition, ce mélange de domination et d’adoration, mais aussi sentir la tendresse de Marc à travers ce jeu complexe.

Il se surprit à imaginer les yeux de Marc posés sur lui, à la fois curieux et dégoûté, savourant l'humiliation de ce qu’il pensait être une faiblesse. Et, dans cette anticipation, John sentait déjà l’ivresse de la soumission et le vertige d’être humilié pour ce qu’il cachait le plus profondément.

Quand le moment vint, John osa franchir la ligne : il se présenta à Marc, non plus seulement dans la sécurité de son miroir, mais avec l’intention silencieuse de s’exposer. Il craignait le rire, la moquerie, le sentiment d’humiliation qu’il avait imaginé, et pourtant, cette peur était exactement ce qu’il cherchait. Chaque mouvement, chaque regard de Marc, semblait récompenser sa vulnérabilité : le sourire de Marc se fit doux, admiratif, et chaque mot murmuré devint un souffle caressant dans la tension qu’il s’était imposée.

Marc, loin de se moquer, fut charmé par cette soumission volontaire, par la tendresse fragile que John lui offrait. Il lui fit sentir que cette exposition n’était pas seulement tolérée, mais désirée. Les films que Marc avait enregistrés discrètement dans leurs moments intimes renforçaient cette emprise .

Pourtant, malgré ce jeu intense, John maintenait son double visage dans sa vie quotidienne. Il continuait à paraître satisfait, maître de ses décisions, participant à une routine sociale qui masquait ses tourments. Mais chaque soir, dans son sanctuaire, la douleur revenait, et ses auto-punitions reprenaient : le travestissement seul, les caresses sur ses vêtements, le miroir complice, tout redevenait un exutoire pour la détresse qu’il refoulait.

Ce double jeu le maintenait en vie, mais il lui coûtait cher : l’illusion de contrôle et de satisfaction se heurtait à l’angoisse silencieuse, aux désirs conflictuels et à l’emprise persistante de Marc. Il savait que chaque pas vers Marc, chaque exposition volontaire, était une danse dangereuse entre plaisir et humiliation, entre amour et soumission, entre liberté et captivité.

Et dans cette alternance entre la façade et la réalité, John continuait son chemin, fragile et envoûté, piégé dans la symphonie de ses propres contradictions, incapable de choisir pleinement entre la sécurité de sa famille et l’ivresse des sensations que Marc éveillait en lui.

Marc avait progressivement pris une place bien plus centrale dans l’univers de John. Il n’était plus seulement un amant, un prédateur amoureux ou un compagnon de jeux intimes : il était devenu le possesseur de John, celui qui détenait entièrement sa soumission, ses désirs et ses limites. John, dans cette dynamique, n’était plus seulement subjugué : il était la belle de Marc, au sens le plus pur et complet du terme : objet de fascination, de possession et de tendresse, entièrement dédié à l’attention et au contrôle de Marc.

Pour consolider ce pouvoir, pour s’assurer que John ne reproduirait plus la fuite de l’autre fois, Marc introduisit un acte subtil mais implacable. Lors d’une soirée soigneusement orchestrée, Marc invita John à s’asseoir face à l’écran. La pièce était plongée dans une semi-obscurité, le souffle du vent venant de la fenêtre ouverte donnant une dimension presque cérémonielle à l’instant.

— Johnny… murmura Marc, la voix douce mais ferme. Regarde. Et admire.

John sentit son cœur s’accélérer, mais il n’osa détourner le regard. Chaque image sur l’écran était une preuve directe de sa vulnérabilité, de la confiance et de l’exposition qu’il avait offert volontairement. Le plaisir et l’humiliation se mêlaient, la honte et l’adoration se confondaient.

Marc s’avança doucement derrière lui, posant une main sur son épaule.

— Maintenant… tu sais, Johnny… tu es à moi. À jamais. Tu ne peux plus fuir, tu ne peux plus prétendre que tu as une échappatoire. Tout ce que tu as montré, tout ce que tu as donné… ça t’appartient plus.

John, figé, sentit une combinaison d’exaltation et de frisson glacial parcourir son corps. Il savait que Marc détenait la preuve absolue de sa soumission, et que chaque geste, chaque image de cette cassette était un lien invisible qui le rattacherait pour toujours à lui.

Pour Marc, cet acte était plus qu’une simple démonstration de contrôle : c’était la symphonie finale du pouvoir qu’il exerçait sur John, un instrument où chaque émotion, chaque souffle de John était orchestré par sa volonté. Et pour John, malgré la peur et la honte, il y avait un plaisir secret dans cette exposition complète, un sentiment étrange d’être à la fois possédé et admiré, puni et aimé, captif et essentiel.

La cassette se termina, mais la tension demeura dans la pièce, lourde, intime, indéfinissable. John sentit que ce moment ne serait jamais oublié, que Marc avait désormais un contrôle permanent sur lui : non seulement sur ses gestes, mais sur ses pensées, ses désirs et ses peurs les plus profondes.

Marc se pencha vers lui, le souffle chaud contre son oreille :

— Tu vois, Johnny… tu es à moi. Et crois-moi, je compte bien te garder ainsi. À jamais.

John, dans cette combinaison de plaisir, peur et adoration, comprit que la dynamique qu’ils avaient instaurée était désormais irréversible, que la belle de Marc était en lui, et que chaque pulsation de son cœur, chaque tremblement de ses mains, chaque frisson serait désormais résonance de ce lien imposé et choisi à la fois.

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