La forteresse immuable
John errait à la maison, absent, le regard perdu, comme si la question de Sophie — « Moi ou Marc ? » — avait vidé sa présence du monde. Chaque geste, chaque mot semblait lui coûter un effort immense. Sophie savait que les mots seuls ne suffiraient plus. Il fallait agir, malgré les risques.
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Elle frappa à la porte de la maison de la mère de John, le cœur serré. Lorsqu’elle entra, elle fut accueillie par le sourire glacial de la femme, celui qui ne connaît ni doute ni remords.
« Sophie… encore ici ? » dit-elle d’une voix douce mais tranchante. « Toujours à vous mêler de ce qui ne vous regarde pas… »
« Je suis venue pour John », dit Sophie, la voix ferme mais tremblante. « Il souffre… il a besoin de vous, juste un mot, une reconnaissance… »
La mère de John haussa un sourcil et la fixa avec un mélange de mépris et de théâtre. « Vous parlez de souffrance ? Regardez-le ! John… ou est-ce ce petit docile que je connaissais ? Avant que vous n’arriviez, il savait suivre les règles, écouter, respecter… et maintenant ? Il erre comme un pauvre enfant perdu. C’est vous qui l’avez changé. Vous êtes la cause de tout cela ! »
Sophie sentit son sang se glacer. Chaque mot était un poison calculé, une tentative de projeter sur elle la faute de tous les désordres.
« Ce n’est pas vrai… » murmura-t-elle, tentant de garder son calme. « John a besoin d’un lien avec vous, juste un geste, rien de plus… »
La mère secoua la tête avec une théâtralité glaciale. « Non, Sophie. Vous voulez jouer les héroïnes, mais c’est vous qui le dérivez. Vous pensez l’aider, mais vous avez détruit l’enfant que j’avais façonné. Vous l’avez rendu vulnérable, faible… et maintenant vous venez me dire quoi faire ? »
Elle avança d’un pas, imposante et victorieuse. « Je suis la seule à savoir ce qui est juste pour lui. Tout le reste, vous et votre monde de fausses bonnes intentions, n’est que poison. Sortez d’ici. Je ne veux rien entendre de plus. »
Sophie sentit la rage et l’impuissance se mêler à sa peur. Elle savait qu’aucune logique ne franchirait ce mur narcissique, aucun mot ne ferait plier cette forteresse d’orgueil.
Elle fit demi-tour, le cœur lourd mais déterminé.

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