67.2

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Yue leva les yeux au ciel, affligée par les haillons enflammés auquel l’uniforme de Bard se trouvèrent réduits. Elle se retint de rappeler au fabuleux que ses petits effets dramatiques avaient un prix et que Yue aurait à le payer sur les fonds que lui allouait le mestre, ce en plus du docteur et des médicaments pour Io Ruh.

Plus inquiet pour sa vie que pour sa comptabilité, Jarolt gesticulait toujours, désespéré par l’embranchement de racines et de troncs massifs qui l’acculait. Aveuglé par les éclats magmatiques et adamantins de la cuirasse du vulcanien, c’était à peine s’il distinguait ses mains sales du sol noir de boue que ses paumes râpaient.

Consciente qu’elle ne tirerait rien de lui dans son état, Yue se plaça entre le dragon et lui pour le rasséréner.

— Calme-toi. Il ne te fera pas de mal sans mon accord.

— Il fait trois fois ta taille, souligna Jarolt, incrédule.

— Qu’est-ce que ça change ?

— Tout !

— Tu veux une preuve qu’il m’obéit ? Bard. Couché.

Le dragon s’aplatit en un grognement plaintif, aussi brutalement que si la gravité venait de quintupler au-dessus de sa tête.

— Que… Comment tu fais ça ?

— Aucune idée. Je suis même pas sûre qu’il fait pas semblant. Mais à mon tour de poser une question. Qu’est-ce que tu transportes ? Bard dit que ça sent comme mes cheveux. Tu m’as volé une brosse ? Une coiffe ?

Jarolt porta instinctivement la main à son outre d’eau de lune.

— Qu’est-ce que tu caches ?

— Rien.

— Tu devrais dire la vérité. Moi, je te disais la vérité tout à l’heure. Personne te fera rien si t’as rien fais de mal.

— J’ai rien fais de mal.

— Pourquoi t’es pas rentré chez toi directement quand je t’ai libéré ? Tu venais retrouver quelqu’un ? Quelqu’un à qui vendre ce que tu as volé ?

— Non !

— Alors ?

Le temps de ravaler sa fierté en réalisant qu’il courbait l’échine devant une gamine prépubère, Jarolt se disposa à livrer sa version de l’histoire. À peine eut-il ouvert la bouche qu’une nouvelle perturbation vint l’interrompre. Sous eux, la terre se mit à trembler. Jarolt darda sur Yue un regard empli de peur et de rancune.

— J’y suis pour rien ! se défendit la fillette.

Bard se relevait à peine que la terre s’ouvrIt, l’avalant presque entier au fond d’une cavité profonde. Trois énormes blocs de terre et de glace tombèrent du ciel. Ils s’abattirent verticalement autour du piège pour le refermer en une pyramide aussi grossière que colossale.

Yue plaça ses bras en croix pour prévenir l’onde de choc qui la déporta néanmoins de trois mètres. Le cri tonitruant du dragon fait prisonnier prolongea l’écho de l’impact.

Ce cri n’exprimait pas tant la douleur du fabuleux que son inquiétude. Il hurlait à sa partenaire de fuir.

N’écoutant que l’instinct absurde qui la poussait à se croire la protectrice du dragon mieux que l’inverse, elle courut à lui sitôt qu’elle put tenir sur ses jambes. Elle poussa les blocs de toute la force de ses petits bras, de tout le poids de son corps gracile. Rien ne bougea.

— Aide-moi ! exigea-t-elle.

— Quoi ? s’étrangla Jarolt.

— Tu te crois de taille à affronter la créature qui l’a piégé ? Aide-moi à libérer notre seule chance de nous en sortir ou fais-toi pousser des ailes !

— Ne bouge pas, contre-ordonna une voix plus autoritaire encore.

Prise de court, Yue eut à peine le temps de tourner la tête que deux nouvelles éminences rocheuses vinrent élargir le piège de Bard pour l’y coincer à son tour. Son cœur s’emballa, sous souffle menaça de s’éteindre… Privée de ses sens, elle ne paniqua qu’une courte seconde. Sa prison présentait le défaut de n’être pas couverte. Elle escalada les parois de trois bonds lestes pour sauter hors du triangle enclavé.

Lors, elle la vit. Penchée sur le pauvre Jarolt qu’elle tâchait de relever, elle exhibait de longs cheveux blancs coiffés en mèches entremêlées, décorés de coquillages et de bijoux. Ses yeux d’un gris pâles, presque enfumés illuminaient son visage sombre.

Yue la reconnut à sa grande taille athlétique autant qu’à ses atours.

— Sanaeni ? balbutia-t-elle.

La petite fille en elle ne pouvait que s’émerveiller face au personnage de conte qui prenait vie sous ses yeux. Une autre part d’elle s’en effrayait à tout aussi juste titre.

Nommée, Sanaeni tourna la tête. Ses yeux s’agrandirent lorsque le vent porta à ses narines l’odeur de Yue. Elle l’examina de haut en bas et à répétition.

— Toi… Yogaela ? Tu es… le sang de Yogaela, reconnut-elle.

Familière de ce terme grâce au même ouvrage qui lui avait appris l’existence de la fabuleuse, Yue opina.

Le conflit brutalement désamorcé fit rengainer ses pièges à Sanaeni. La terre ravala ses monolithes comme un point d’eau ravale la pluie. Bard, libre, se plaça en faction hostile aux cotés de sa partenaire, pareil à Jarolt qui pour manquer de moyens, ne manquait jamais de courage en présence d’une dame.

— Je crois que tout le monde a besoin d’une explication, statua-t-il.

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