68.2

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Une joie sauvage animait Léopold tandis qu’il chargeait son fusil d’argent. Le soir du massacre de l’Héliaque, son arme ne lui avait servi qu’à tenir ses propres gens en respect. Cela ne se reproduirait pas. Ses nouvelles munitions traverseraient jusqu’aux distorsion de l’espace et du temps pour abattre leur cible, si nécessaire.

Six hommes, le secondaient, humains et fabuleux confondus.

— J’abattrai le premier couard qui s’avisera de fuir sans mon ordre de repli. Est-ce entendu ?

— Oui, Mestre, scandèrent-il unanimement.

— En route.

Il incombait à Bard d’ouvrir la voie, les indications de Yue ne pouvant pas suffire à anticiper les déplacements de la fabuleuse. Pour la première fois en deux ans, l’adolescent marchait à hauteur de celui qui fut son oncle.

Enhardit par sa position, le jeune homme se permit une question, presque une critique.

— Pourquoi préférer l’offensive à la défensive ?

— Parce que j’ai la rare capacité d’apprendre de mes erreurs, répliqua le baron d’une voix par trop railleuse. Nous n’aurions aucune chance si notre cible s’avisait d’ourdir un arcane complexe contre nous.

— Et si elle l’avait déjà fait ? Si nous étions en train de nous jeter dans son piège ?

— Alors advienne que pourra. Mon épouse et mes enfants sont à l’abri, l’essentiel de mes biens aussi. J’élimine les issues les plus défavorables à défaut de pouvoir me garantir la meilleure.

— Vous voulez dire que… vous êtes prêt à quitter la réalité ce soir, en traquant cette fabuleuse ?

— N’exagérons rien. Je ne tiens pas à manquer la naissance d’Abelard ou la consécration de Yue.

— En quoi la consécration de ma mestresse est-elle si importante pour vous ?

— Question impertinente, le tança le baron.

Bard n’en prit pas ombrage. Au contraire, il s’étonna de ne pas avoir été remis à sa place plus tôt. Inexplicablement, l’envie lui prit de rétablir le dialogue. Aucun prétexte ne lui vint. Il allait renoncer à son projet insensé lorsque le mestre rouvrit la parole pour lui.

— Cela n’arrivera pas, prévint Léopold.

— Euh… Pardon, Mestre ?

— Nous ne sympathiseront pas. Que tu ne sois plus en révolte contre ton sort ni contre moi m’est agréable, crois m’en, mais nos rapports ne seront jamais cordiaux.

— Je n’y aspire pas, défendit Bard.

Se l’entendre dire le fit douter de ses propres intentions.

— Combien de temps penses-tu que j’ai été mestre, Bard ?

— Toute votre vie, estima le fabuleux.

— Exact. Penses-tu que je me sois trompé souvent au cours de cette vie ?

— Non, Mestre, ânonna-t-il sans réfléchir.

— Erreur. Je me suis trompé souvent et parfois durement. Mais si tu n’as pas mémoire trop courte, tu sais je suis capable d’apprendre. Tu n’es pas le premier fils de famille que je vois tomber de son piédestal.

— Vous parlez du père de Yue ?

— Entre autres. Le premier dont je vis la chute fut Karl Banov.

— Ce nom ne me dit rien.

Le baron lui adressa une monosyllabe incrédule.

— Le nom du père de Natacha ne te dit rien ?

Bard cessa d’avancer, se laissant dépasser par le mestre et rattraper par les autres. Son immobilité finit par se propager au groupe.

— Un problème ? s’impatienta le baron.

— Oui, expira Bard. Elle est là.

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