76.2

3 minutes de lecture

Homme de peu de mot, l’archer n’en passa par aucune politesse.

— La lancière et moi avons pris une décision, annonça-t-il. À ton tour de prendre la tienne. Le temps nous presse plus que prévu.

Il tendit une paume de main au creux de laquelle un petit monticule de cendres mêlées de terre se tassait, bientôt dispersé par le vent nocturne.

— Voici les restes d’un œil de Nídhögg, le serpent d’Yggdrasil qui prête sa force à la cour de Tjarn. Ils étaient cent à vous poursuivre quand je vous ais soustrait à la réalité, celle aux dents limées et toi. Celui-ci a réussi a retrouvé ta piste.

Bard déglutit, inquiet. La savante s’était-elle dont trompée en affirmant que sa sécurité était garantie par ce lieu d’arcanes ?

— Nous n’entrerons pas en querelle contre la couronne au nom d’une âme unique, mais nous protègerons l’âme qui se met en danger pour le bien d’une autre.

Il ouvrit sa seconde main, révélant cette fois une quantité absurde d’or en petite tablettes. Bard en compta environs huit, peut-être dix.

— Une seule de ces pièces rachètera celle aux dents limées. Le reste à quelque chance de dédommager ton mestre pour le désagrément qui tu lui a causé et obtenir ton pardon, que la lancière demandera pour toi.

L’archer refermant le poing, libérant Bard de l’emprise que les reflets du métal exerçaient sur lui.

— Si tu ne désires pas être rendu, je te porterais aussi loin que mes pouvoir le pourront. Tu pourras reprendre ta fuite au risque d’être retrouvé demain, ou plus tard, par des mestre dont l’ire aura cru en proportion du temps et des efforts consacrés à ta poursuite.

L’alternative ne lui était pas présenté sous un jour très favorable. Quand bien même elle l’aurait été, il n’en aurait pas été dupe. Il avait le choix entre mourir en se battant pour sa liberté ou accepter un retour aménager à la servitude.

Une main effleura son épaule, révélant une présence à son côté. Il du lever les yeux pour croiser le regard de la lancière. La valkyrie lui parut d’autant plus grande qu’elle se tenait proche. Son regard plein de compassion lui brûla le cœur.

— Quelle que soit ta décision, il va être temps de dire adieu. Nous…

— Inutile, l’interrompit Bard. Mes adieux sont faits. Puis-je tout de même… vous demander un service ?

La sueur perlait au front du prince Halfdan. Les serpents sifflaient par centaine autour de lui, rampant sur et sous la terre qui l’entourait, s’enroulaient autour de ses membres. Assise sur un rocher haut tout juste assez haut pour la placer au-dessus des herbes hautes, Yue l’observait avec fascination.

— Monsieur le baron ? Est-ce que le quatrième prince est un fabuleux ?

Le regard de son tuteur se fit impitoyable. Yue eu un mouvement de recul, persuadé l’espace d’une seconde qu’il s’apprêtait à la frapper.

— Je veux dire… Je me demande comment le quatrième prince maitrise si bien la magie.

— Il emprunte une magie qui n’est pas la sienne, comme un alchimiste qui exploiterait la magie des métaux. Je te ferais étudier les sciences arcaniques d’ici quelques années.

— Beaucoup d’années ?

— Autant qu’il en faudra pour tu acquières des connaissances plus essentielles. Tu ne t’en sortiras jamais seule si…

Il s’interrompit, soupira.

— Tu ne t’en sortira jamais seule, reprit-il sur le ton de la défaite.

Yue sentit qu’il se parlait à lui-même plutôt qu’à elle, aussi renonça-t-elle à comprendre le fond de sa pensée.

— Léopold !

L’apostrophe du quatrième prince fit cabrer les cheveux. Son cousin le crut, du moins, jusqu’à ce qu’une onde de force inconnue vînt coucher en vague les herbes de la plaine.

— Que se passe-t-il ? s’enquit le neuvième prince.

Subitement, elle fut là, sans l’avoir été une seconde plus tôt : une femme si grande qu’elle aurait put croiser sans le regard d’un homme juché sur sa monture sans avoir à lever le menton. Yue se leva. Debout sur son perchoir, elle prit à peine mieux la mesure de l’apparition.

Les serpents du quatrième prince lui tombèrent du corps et autour des jambes comme la poussière tombant d’une pierre friable. Il luttait pour ne pas vaciller tandis que Léopold resserrait une prise imaginaire sur le fusil qu’il aurait voulu avoir sur lui.

Yue sauta sur l’herbe couchée pour s’approcher ; une main la saisi au vol, serrant si fermement son bras qu’elle en eut mal : son tuteur la retenait.

La douleur se mua en frustration lorsque les trois adultes entamèrent une conversation en tulis. Au bout de ce qui lui parut une éternité, son bras lui fut rendu et l’un des princes daigna lui faire une traduction succincte.

— Tu reverras ton fabuleux demain matin, jeta Léopold. Tu es réglé. Rentrons.

Annotations

Vous aimez lire Ana F. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0