Chapitre II

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Tatayata gardait son idée en tête, elle ne pensait plus qu’à ça jour et nuit, à ne voir que bébés à longueur de journée, sauf bien-sûr les journées d’école. Quand elle descendait là-bas, elle testait le sujet autour d’elle et aucune élève ne paraissait choqué à l’idée de dévorer un bébé, bien que ça ne les attire guère. Il faudrait déjà qu’elles en ait à portée. Tatayata recherchait compassion et solidarité sur un dilemme bien cruel pour elle et ses camarades qui ne savent que dire : bah vas-y alors ! Et quand elle répond mais mère me l’interdit, elles ne savent que hausser les épaules, après tout la vie sur terre, elles ne savent pas ce que c’est. Décidément, elle n’apprend rien d’utile à l’école, même la professeure couplé du professeur n’abordent jamais le sujet, pourtant d’importance, comment savoir quoi faire dans ce cas de figure et que conclure des livres d’histoires, on ne fait que relater les faits, telle année, à telle époque, telle sorcière a fait ceci, cela sur la terre, la seule instruction qu’on leur répète c’est : soyez discrets, surtout. Alors Tatayata lève la main, j’ai une question et si on vit parmi les humains, qu’a-t-on le droit de faire ? Ce que faisaient nos semblables dans le passé, était-ce bien ou pas? C’est passé, passé, lui répondait-on. Hé bien, c’est trop vague, c’est notre culture, elle peut dire qu’elle en a de la culture sorcière mais à quoi ça sert, concrètement?

Dans le même temps, des mères et des enfants disparaissaient dans son quartier sans que personne ne s'en souvienne. Les pères, quand il y en avait, demeuraient seuls, désorientés, et pourtant ils ne parvenaient pas à réagir et personne autour n’osait rien dire, certains faisaient du zèle et appelaient la police, mais aussitôt oubliaient la raison de leur appel, et on continuait à vivre comme si on attendait, sans savoir ni qui ni quoi. On ne soupçonnait personne même pas les deux personnages étranges qui habitaient parmi eux. Ils se demandaient juste qui étaient ces étranges étrangères échouées en ce lieu qui ne leur ressemblait guère ? Comment vivaient-elles ? Et cette exubérante mère, que faisait-elle ? Etait-elle artiste excentrique, danseuse de cabaret ou acrobate de cirque ? Avec leur accoutrement de sorcières, mère et fille ne se s'étaient-elles pas trompées d’endroit ? En effet, d’où venaient-elles ? Toutes ces questions se mêlaient dans les têtes. On les craignait, on les méprisait, on aimait surtout les regarder vivre et commenter, faire des suppositions. Elles alimentaient les conversations et tout comme les enfants à leurs mères, elles avaient leur utilité autant qu'elles exaspéraient. Elles donnaient une consistance aux mères. Elles absorbaient l’ennuie.

Tatayata vivait seule avec sa mère Toutouyoutou. Des prénoms un peu bizarres mais heureusement dans ce monde moderne, l’originalité est ordinaire, personne n’irait le leur reprocher, ni s’inquiéter et pourtant. Si Tatayata aimait à se promener dans son quartier résidentiel, cette occupation des plus banales lui avait donné de drôles d’idées. Et si sa mère, n’avait pas déjà eu de drôles d’idées avant elle, rien de tout cela ne serait arrivé. Car, enfin, il faut bien l’avouer, sa mère y était bien pour quelque-chose dans toutes ces disparitions, c’était déjà toute une histoire, la fille le savait bien-sûr mais tout à fait innocente encore jusqu'à ce qu’elle s’en mêle. Toutouyoutou, la mère de Tatayata, ne supportait pas les plaintes et les angoisses, les lassitudes et les inquiétudes. Et si les simples humains ne peuvent jamais baisser le son des pleurs d’un enfant ou les faire tomber de sommeil sur commande, ils ont bien leurs propres astuces, qu’ils se transmettent de mère en fille. C’est ainsi que raisonnait sa mère. Elle se disait qu’ainsi, bon débarras les mères fatiguées, qu’elles dorment pendant dix années, elles se réveilleront ensuite avec un enfant docile, en somme elle leur rendait service.

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