L’aube n’était pas encore levée que déjà Victor, à bout de nerfs, errait de pièce en pièce dans son appartement en partie éclairé par une lune ronde et dorée. Réveillé en sursaut par un cauchemar, il n’avait pas réussi à retrouver le sommeil.
Toute la nuit durant, la même question avait tourné en boucle dans son esprit tourmenté, quand une solution s’était enfin imposée à lui. S’il souhaitait s’en sortir et abréger sa souffrance, seule cette option-là y parviendrait.

Victor avale une gorgée d’un énième café. Il doit à présent s’employer à mettre en œuvre son projet ; à l’idée d’en finir avec la situation qu’il vit, un sourire adoucit ses traits.
Dans une paire d’heures, la majorité des magasins du quartier ouvriront leurs portes. Impatient, il veut compter parmi les premiers clients du jour de la droguerie.

À neuf heures sonnantes, il pénètre dans la boutique et se place dans la file d’attente. Quelque cinq minutes plus tard, le droguiste le salue et lui demande ce qu’il désire.

— Une boîte d’arsenic, s’il vous plaît.
— C’est pour vous débarrasser d’un rat ?

Victor s’attendait à recevoir cette réponse.

— Donnez-moi juste un instant, dit-il tout en ouvrant son porte-documents.

Il en sort une photo grand format et la tend au vendeur. Sur le cliché, on distingue très nettement un couple enlacé entièrement nu.

— Au-dessus, c’est ma femme, et en dessous, c’est mon jeune frère, précise Victor.
— Ah, je vois… Je vais plutôt vous en mettre deux boîtes.