Divorce

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Ma décision est prise, je la quitte. J’en ai fini de cette vie avec elle. Trente-deux ans, quatre mois et neuf jours que je me la coltine, autant d’années qu’elle me bouffe, m’étouffe, m’empêche de vivre. J’en ai marre !
J’ai tout partagé avec elle, les meilleurs comme les pires moments de mon existence. Jamais on ne s’est séparés, pas même une journée.
Seize ans, c’est l’âge que j’avais quand je l’ai connue, dans un troquet où l’on buvait des menthes à l’eau et jouait au flipper durant les absences des profs. Des copains du lycée me l’ont présentée. En deux coups les gros, elle m’a séduit ; je l’ai aimée aussitôt. Un coup de foudre, quoi !

À l’époque déjà, certains m’avaient prévenu de me méfier, mais, évidemment, je ne voulais rien entendre, rien voir ni comprendre.
Autour de moi, ma famille, mes amis, moins bornés et surtout plus lucides, ont su prendre leurs distances avec elle depuis longtemps. Cela m’a valu de me retrouver souvent seul, trop souvent.
La plupart d’entre eux ont pourtant essayé de m’ouvrir les yeux. J’en ai reçu des remarques du genre : « mais qu’est-ce que t’attends pour te débarrasser d’elle, tu ne t’es pas encore rendu compte depuis le temps qu’elle n’est pas faite pour toi ? »
Non, je ne me rendais pas compte, aveuglé que j’étais, suspendu à mon désir et au plaisir qu’elle me procurait. D’ailleurs, pas plus tard qu’hier soir, je me sentais bien en sa compagnie. Amant soumis et asservi, j’avais encore et toujours envie d’elle.

Comment peut-on finir par détester à ce point ce qu’on a si passionnément aimé ?
Comment en arrive-t-on à souhaiter voir s’éloigner ce que l’on craignait de perdre ?
Il me faudra des années pour trouver les réponses à ces questions. Il n’empêche que depuis mon réveil, je suis résolu : je la plaque, je la largue, je la laisse tomber. Je mets les voiles, définitivement. Je me le suis juré, entre elle et moi c’est terminé !

Dans cinq minutes, je prendrai pour excuse de sortir acheter une boite d’allumettes au tabac du coin. Cette ruse marche à tous les coups depuis des lustres, aucune raison que je la rate.
L’air désinvolte et irréprochable, j’enfilerai ma veste, tâterai de manière ostensible mes poches pour vérifier que j’ai bien la monnaie nécessaire sur moi, et je partirai le pas léger, sans claquer la porte, sans regret.
Une fois dehors, j’inspirerai une grande bouffée d’air frais, la laisserai me pénétrer comme si c’était la première après une longue asphyxie, comme si on me libérait de la prison dans laquelle je m’étais moi-même enfermé. Puis je savourerai les sensations de mon indépendance retrouvée. Moment magique. Instant historique.
La brune restée seule là-haut pourra toujours m’attendre et apprendre à se résigner. Dorénavant, je ne fumerai que des blondes !

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