Les esprits de la forêt I
Avec toute mon admiration pour Hayao Miyazaki et le Studio Ghibli... <3
Il était une fois, à l'époque où les Dieux et les humains vivaient ensemble. A l'orée d'une gigantesque forêt dans un village aux confins du monde, habitait un très beau jeune homme de dix-neuf ans avec sa petite sœur Mei. Adamé était courageux, intelligent et protecteur envers les siens. Contrairement à ce que l'on pouvait penser, il était mélancolique depuis son enfance, ses parents s'étant fait tuer sous ses yeux, par un Dieu-démon. Mei n'était qu'un nourrisson. Ce brave garçon de onze ans, défia la Bête à l'apparence d'un immense blaireau, aux crocs saillants et aux yeux injectés de sang dont les pas faisaient pourrir et mourir tout ce qui se trouvait aux alentours. Le petit bonhomme parvint à le vaincre grâce à des pouvoirs surnaturels de combat, venus avec la rage et la tristesse d'avoir perdu ses proches. Avant de mourir, le Dieu-démon le maudit. Son avenir aurait la couleur du sang, l'odeur de la chair putride et brûlée, il se transformerait en démon au fur et à mesure des années.
Une tâche brune en forme de tête de cerf, fit son apparition sur son épaule. Affligé, il sortit sa petite sœur de la maison. Tout le village lui faisait face et s'inclina, respectueux envers leur sauveur. Il fut proclamé Prince et vécu dans la chaumière de la chamane. Par chance, celle-ci put déjouer une partie de la malédiction. Elle jura à Adamé qu'il devrait poser un regard juste sur le monde. Il ne se transformerait pas en démon tant qu'il parviendrait à sauver des êtres vivants. Mais surtout, il devrait quitter définitivement le village à son vingtième anniversaire, tel était son destin. Un message, transmit par les os du blaireau était apparu à la Chamane.
Adamé devait connaître la cause de la colère de la nature. Elle lui prédit aussi que ce serait un moyen de lever sa malédiction.
Dans la nuit avant son vingtième anniversaire, il prit quelques affaires et provisions, son arc, son carquois plein de flèches et son épée. Mei lui avait offert la veille un collier. Elle avait travaillé de l'opale noire en forme de pointe de flèche. Puis elle l'avait montée sur une lanière en cuir afin que son frère la porte en collier toujours près de son cœur. Leurs adieux avaient été mouvementés et très brefs. Le rituel du village voulait que toute personne qui le quittait définitivement, était obligée d'être seule et en aucun cas ne devait se retourner. Le lien devait se briser brusquement comme le cordon ombilicale à la naissance.
Il enfourcha Oihan, sa monture, un croisement entre un cerf géant et un oryx blanc. Un bel animal faisant un mètre quatre-vingt-dix au garrot. Adamé partit les larmes aux yeux.
Il mit plusieurs jours à traverser la forêt. Se demandant parfois, s'il n'allait pas arriver au bout du monde sans avoir croisé quoi que ce soit. Il n'avait rencontré que quelques insectes et animaux qui lui avaient murmuré que ce n'était pas ici qu'il aurait les réponses à ses questions. Il devait continuer encore et encore. Toujours plus loin, au bout du monde. Là, où la Terre brûlait et où les Hommes et les Dieux se faisaient la guerre sans merci depuis des siècles. Adamé ne savait même pas cela. Dans sa contrée, il y avait toujours eut un respect mutuel entre les Dieux et les Hommes.
Il avait acquis, bien plus de pouvoir en grandissant. Il pouvait en effet parler à tous les êtres vivants mais aussi combattre n'importe quel ennemi. Cependant, il évitait d'avoir recours à la violence car plus il tuait et plus la tâche brune se répandait sur son corps.
Un matin, il atteignit une petite ville. Du moins, ce qu'il en restait. Il analysa le sol et les alentours. Il y avait eu beaucoup de morts, quelques mois auparavant. Ce n'était pas des Dieux qui avaient détruit cet endroit, mais bien des humains...
Ainsi donc, les humains de cette partie de la Terre se faisaient la guerre entre eux en plus de la faire aux Dieux. Il trouva tout ceci bien triste. La paix était le maître mot depuis sa naissance. Il découvrit innocemment d'autres points de vues et d'autres coutumes.
A la fin de la journée, il arriva dans la ville voisine. Il fut accueillit par des personnes pauvres et méfiantes. Il acheta quelques provisions et un moine le sauva de se faire couper la main. Il avait donné une pépite d'or en échange d'un sac de riz. L'homme avait pris cela pour un caillou et l'avait traité de voleur. Au moment de passer sous la lame de sa hache, le moine, se prénommant Oji convainquit le vendeur de la valeur dudit caillou.
Ils s'étaient hâtés en sortant du village car le mot 'or' faisait couler le sang de son propriétaire lorsqu'il était prononcé. Se réfugiant dans une petite caverne montagneuse, Adamé entreprit de faire un feu pour cuire son riz.
Il partagea son repas avec son sauveur qui lui conta les histoires de tous les royaumes alentours.
Oji était un homme intelligent et instruit au service du Seigneur de cette contrée. Malheureusement, la guerre faisait rage depuis plus de trente ans avec le royaume voisin. En ajoutant à cela le combat qu'ils menaient contre les Dieux depuis plus d'un siècle.
Le jeune homme ne raconta pas son histoire lorsque le moine lui demanda. Celui-ci le comprit et n'insista pas davantage. Il avait remarqué au premier coup d'oeil, qu'un garçon vêtu de telle façon, montant une espèce rare de oryx blanc venait certainement qu'un pays très lointain. Cependant, il lui parla de la quête qui l'avait mené aussi loin de chez lui, sans aborder le maléfice. Il lui expliqua qu'il était là afin d'apaiser les Dieux, dans le but de rétablir l'ordre naturel avec les humains.
- Crois-tu que tu y arriveras seul mon garçon ? s'enquit l'homme.
- Non, c'est pour cela que je rencontre des personnes, leur parle et essaie de les sauver lorsqu'elles ont besoin d'aide...
- Je ne veux pas être défaitiste Adamé, dit-il gêné, mais je pense que tu auras beaucoup de mal à être entendu. Tu as l'innocence d'un nourrisson. Les humains que tu croiseras, sont, pour la plupart, pourris jusqu'à la moelle. Tu entres dans un monde que tu ne connais pas. Ici le sang coule, les armes et le feu détruisent tout depuis des siècles. J'ai parcouru des villages où des hommes égorgeaient des enfants sur les places centrales, où les femmes étaient violées devant leur famille. Dans ma vie, et depuis que je voyage, j'ai rarement croisé des sourires et des gens heureux. Sais-tu seulement dans quoi tu t'aventures ? le mit-il en garde.
- Je suis là pour lutter contre l'obstination des humains et des Dieux. Tel est le destin que l'on m'a prédit, je ne peux t'en dire plus mais j'ai foi. Je sais qu'un jour tout rentrera dans l'ordre. C'est le sens de la vie.
- Tu es bien sage... Encore plus que moi, un pauvre moine... admit-il. Eh bien, puisqu'il en est ainsi, je vais te conduire au village des Forges. Tu y rencontreras Dame Baba. Peut-être arriveras-tu à la convaincre, elle. Elle continue ce que faisaient ses ancêtres. Combattre les Dieux et les esprits de la forêt. Nous partirons à l'aube. Bonne nuit mon garçon, finit-il en se couchant sur de la mousse.
Il était une fois, au sein d'une immense forêt où les esprits et les Dieux vivaient en harmonie. Une déesse louve, Luna, aux yeux plus jaunes et lumineux que le soleil, aux dents blanches et aiguisées, au pelage aussi blanc que la neige. Elle mit trois louveteaux au monde. Deux mâles, Geri et Freki , lui ressemblant comme deux gouttes d'eau et une femelle, Sasha. La femelle avait des yeux bleus aussi clair que le ciel et un pelage aussi foncé que la nuit. La déesse louve, seule, prenait bien soin de ses petits.
Quelques années plus tard, un Seigneur fit raser une partie de la forêt, s'étendant sur la montagne, afin d'y construire une petite ville.
En haut d'une grande colline, il fit bâtir un village où s'établirent beaucoup de forgerons. Ils confectionnaient des armes destinées à la guerre. Certaines furent même réalisées dans le but de tuer les Esprits et les Dieux de la forêt, mécontents que les Hommes déciment les arbres par centaines.
Une nuit, Luna décida d'attaquer le village des Forges au nom des Esprits et Dieux de la forêt. Ses petits, n'avaient pas encore la taille adulte. Cependant ils insistèrent pour venir avec elle. Elle accepta en leur défendant d'approcher de trop près les Humains. Alors qu'ils attaquaient, Luna tua beaucoup d'hommes lui tirant dessus. D'autres villageois s'échappaient en criant sans faire attention aux autres. Un hurlement de douleur parvint à ses oreilles. Puis deux simultanés l'attirèrent. Sasha avait été tuée par un forgeron. Ses frères n'en avaient fait qu'une bouchée avant de se coucher à ses côtés. Luna devint folle de rage. Voyant le regard bleu sans vie, elle croqua deux personnes tentant de s'échapper. Au moment où elle se ruait dans une rue, un pleur d'enfant retint son attention. Elle se laissa guider jusqu'à lui. Un nourrisson, se trouvait dans une impasse sombre, abandonné dans une caisse de détritus. Ses parents l'avaient sûrement laissé là. La Déesse louve sentit les souvenirs du nouveau-né. Ses parents avaient pris la fuite en espérant qu'il allait se faire dévorer. C'était un garçon, les cheveux noirs de jais et des yeux bleus comme le ciel d'été. La louve se souvint que les humains croyaient au mauvais présage d'avoir un enfant aux yeux bleus. Ainsi, il arrivait fréquemment que quelques-uns soient laissés pour compte. Elle aurait très bien pu le tuer, mais il ressemblait un peu à sa fille. La divinité et chef du clan des loups, en décida autrement en le recueillant et en l'élevant comme son fils. Geri et Freki comprirent le geste de leur Mère. Ainsi, ils acceptèrent Sam, nommé ainsi par la divinité, comme leur petit frère. N'ayant pas de vêtement, elle découpa respectueusement la fourrure de Sasha afin d'en faire une couverture au bébé. Puis elle lui fit des funérailles dans une clairière protégée. Sam évoluerait avec les pouvoirs et la mémoire de Sasha.
Plus il grandit et plus il devint bel homme. Par sa mère adoptive, il hérita de la férocité de la louve pour sauver son territoire et garda la haine pour les humains. Ses ascendances humaines, restèrent prononcées. L'intelligence et l'esprit d'analyse lui permettaient de réussir toujours ses chasses. Malgré tout, il renia son appartenance à l'espèce humaine. Les peintures sur son visage et son corps sculpté, sa fourrure de loup, sa partialité et son agressivité mais aussi sa capacité à communiquer avec les animaux, divins ou non, confirmèrent avec les années, qu'il était devenu plus animal qu'humain.
Un matin, alors que le soleil projetait des rayons rouges dans le ciel, la forêt frissonna. C'était un frémissement de mauvaise augure. Les Sylvains qui peuplent les arbres, descendirent et s'avancèrent vers la grotte de Luna. Sam se réveilla en sursaut. Du haut de ses dix-sept ans, ses réflexes et son instinct étaient infaillibles. Tous avaient senti cette terrible odeur. L'odeur de l'humain. Signe que les forges étaient de nouveau habitées. Et en effet, d'après les Esprits-Singes, une magnifique femme avait repris les forges. Dame Baba, nommée ainsi par les humains qu'elle gouvernait. Ce que les Esprits et Dieux ignoraient, c'est que cette femme possédait un bon fond mais subissit une pression sociale. Le Seigneur qui avait ordonné de raser la forêt, plus de dix-sept ans auparavant, l'envoya aux forges pour qu'elle puisse décimer les Dieux et les esprits de la forêt afin qu'ils soient tranquilles.
Ainsi donc, elle continuait de raser des arbres et polluer l'air en remettant les forgerons au travail. Elle fit construire une muraille en rondins de bois pointus, afin de dissuader tous les prédateurs...
Cela faisait maintenant trois ans...
Au moment où Adamé ferma enfin les yeux, près du village des forges, à l'orée de la forêt, Sam se prépara à attaquer Dame Baba pour la énième fois. Il la détestait et ne cessait de vouloir la tuer. Tant qu'elle continuerait de détruire la forêt pour créer les armes qui massacrent les esprits et les animaux, il combattrait toutes les nuits. Et cette nuit, l'odeur du sang animal se répandit une nouvelle fois dans l'air.
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