Triangle amoureux
Je n'avais jamais été à ce point perturbée par un homme que je ne voulais pas.
Cette histoire a été telle, que je ne pus m'empêcher de rédiger des lignes pour l'extirper de ma conscience...
Tout a commencé lorsque j'ai débuté mon travail pour cette famille. Je m'occupais du grand-père, Henri. Je faisais le ménage, ses repas, l'entretien du linge et les conserves. Je lui faisais même de la stimulation mémorielle.
Ayant beaucoup d'enfants, il y avait chaque jour, quelques uns de ses fils et petit-fils qui passaient le voir.
Cela faisait exactement six mois que je travaillais dans la maison, cinq matinées par semaine. Tout se passait bien, ils avaient l'air tous très contents de mon labeur et m'avaient même complimentée. Cela me faisait énormément plaisir et m'avait donné un peu plus confiance en moi. Je mettais beaucoup de cœur dans ce travail et j'avoue ne pas avoir une haute estime de moi-même...
Un matin, je suis arrivée comme à mon habitude, pleine d'entrain et d'énergie pour faire sourire mon client. Il y avait ce garçon, dont il m'avait régulièrement dit beaucoup de bien, l'un des plus jeunes de ses petit-fils, Dimitri.
Il était là, beau, adorable et souriant. Cela a été le coup de foudre... Seulement, pour moi.
Dans cette ironie qu'est parfois la vie, je portai exactement le même prénom que la fille sortant avec lui et dont, bien sûr, il était fou amoureux...
J'essayai au maximum de ne laisser rien paraître, bien que Henri le remarqua certainement, car il me parlait encore plus de lui. Ne faisant qu'amplifier mon admiration et paradoxalement, ma timidité.
Mon contrat étant de trois ans avec eux, ce fut trois années de pure torture, ne parvenant jamais à effacer mes sentiments pour ce garçon. Je décidai donc, afin de passer à autre chose, de lui écrire une lettre d'amour. Malheureusement, et par crainte que quelqu'un d'autre ne l'ouvre, ce fût par mail que je lui révélais mes sentiments. Auxquels, bien sûr, il ne répondit pas, et même, il ne revint plus rendre visite à son grand-père sur mon temps detravail...
Au moins c'était clair, et cela m'aiderait davantage à l'oublier.
Néanmoins, un jour, exactement deux semaines avant de finir mon contrat, se révéla quelque chose que j'ignorais totalement...
Daniel, le père de Dimitri, et donc le fils de Henri, me déclara sa flamme. Un homme de cinquante-quatre ans, marié deux fois, ayant quatre enfants, cela faisait beaucoup pour mon pauvre petit cerveau...
Nous nous entendions à merveille depuis toutes ses années, nous faisant des blagues et rigolant de tout, jamais je n'avais imaginé une telle chose.
Cela se passa, qui plus est, par sms.
Il m'avait demandée, à plusieurs reprises mon numéro, afin de garder contact après mon départ.
Je le lui donnai avec plaisir et lui envoyai un message l'après-midi même pour l'avertir d'un petit oubli.
Il me remercia et nous continuâmes à échanger en nous faisant des blagues. Cependant, en milieu de soirée, ses messages devinrent beaucoup plus intrusifs et intimes. Je lui répondis avec humour qu'il allait un peu trop loin et nous en restâmes là.
Le lendemain, lorsque nous nous croisâmes chez son père, tout était normal. Nous parlions et riions comme d'habitude.
Le sur-lendemin, étant partie sans avoir eu le temps d'étendre le linge, je lui renvoyai un message afin de le prévenir. C'est visiblement tout heureux qu'il y répondit. Seulement, cette fois, il ne passa pas par quatre chemins et m'écrivit une déclaration que je n'avais jamais encore lu dans ma vie.
Il me dit à quel point il me trouvait jolie et qu'il m'aimait plus que bien. Que pour lui, j'étais certainement une gourmandise dont on ne pouvait plus se passer une fois que l'on y avait goûtée et qu'il sentait que quelque chose de fort se passait entre nous.
Je réalisai que la situation devenait trop dangereuse. Malgré notre bonne entente, je ne pouvais laisser s'envenimer les choses. Il ne me plaisait pas et avait l'âge d'être mon père, ce qui me mettait énormément mal à l'aise rien que d'y songer. Je refusai en plus, d'être une briseuse de famille et surtout, que Dimitri me prenne pour une garce qui l'aimait mais avait séduit son père...
Enfin je m'imaginais beaucoup de scénarios, de peur que l'histoire me retombe dessus, gardant les messages, preuves de mon innocence.
Je l'éconduisis avec diplomatie, lui demandant de ne plus aborder ce sujet.
Les derniers jours de travail furent difficiles. Les fois où Daniel devait travailler loin, il passait quand même chez Henri me dire bonjour. Prétextant un ingrédient manquant chez lui, un oubli de veste ne se trouvant pas là, etc.
J'étais à fleur de peau...
Je pensai tout le temps à lui malgré moi. Il s'était installé dans ma tête comme un parasite et n'en sortait pas. Je fis même un rêve érotique où il m'obligeait à faire des choses que je ne voulais pas. J'étais pétrifiée de peur et en même temps c'était plus fort que moi. Je me réveillai dégoûtée et me sentant sale.
« C'est sûrement le transfère de ton affection pour Dimitri sur son père et par un manque d'affection actuel, que tu ressens tout ça... me dit une amie lors d'une de nos séance de psycho de comptoir autour d'un thé. »
Le dernier jour arriva avec du chagrin de quitter l'adorable Henri mais du soulagement de ne plus avoir à me confronter avec Daniel...
Voilà comment, une sorte de triangle amoureux complètement stérile, a chamboulé mon petit quotidien d'aide à domicile...
Etrangeté de la vie...
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