Chapitre 13

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Il fait chaud. Trop chaud. Que se passe-t-il ? Maman ?

Soudain, j’entends des craquements. Des bruits de… de flammes? J’ouvre les yeux difficilement : ça pique et j’ai du mal à respirer. Une lourde fumée noire inonde ma chambre. Maman est debout devant la porte et tient une planche enflammée dans ses bras, trop saoule pour sentir sa peau brûler. L’odeur est insupportable… Elle s’approche doucement et…

J’ouvre les yeux, totalement paniqué. Je me débats avec mes couvertures, avec tout ce qui se trouve autour de moi pour enfin sortir de ce cauchemar. Des mains me plaquent sur le lit en me demandant de me calmer, que je suis en sécurité. J’ai envie de hurler que non que Maman va…

  • Tristan ! Tristan ! Chut, tout va bien mon grand, je suis là. Calme toi…

Je reconnais la voix de Stéphanie. Elle m’a pris dans ses bras et me berce lentement jusqu’à ce que les battements de mon cœur s'apaisent. Je me serre contre elle, puisant la force nécessaire pour combattre ce souvenir atroce.

  • Ma… je murmure doucement.
  • Stéphanie a un léger sursaut et me serre plus fort.
  • Oui, Ma est là. Ne t’inquiète pas, tout va très bien se passer.

Je me laisse aller dans ses bras. Elle me caresse les cheveux et me murmure des mots tendres pour me calmer. Je n’ose plus bouger… Je me sens un peu bête… et en plus je l’ai appelé Ma sans même m’en rendre compte.

  • Détends-toi, mon chou… Ce n’est pas parce que tu m’as appelé Ma que tu t’es crispé comme ça j’espère ! Tout va bien… Je ne pense pas que Rey t’en veuilles pour ça. Par contre… Je ne te garantis rien pour le reste…

Le reste ?

Je la regarde et elle lit la question dans mes yeux.

  • Tu as fait une énorme crise d’angoisse suivie d’une crise d’épilepsie. Sans compter que tu as ruiné mon beau tapis ! Heureusement qu’Arnold est pompier ! Il t’a prodigué les premiers secours afin que tu ne t’étouffes pas. Nous avons appelé une ambulance et Arnold leur a tout expliqué : une énième visite à l’hôpital n’a pas été nécessaire. Rey a complètement paniqué lorsqu’il t’a vu au sol, tremblant de tout ton corps ! Il s’est mis près de toi pour essayer de te calmer. J’ai bien cru qu’il allait se mettre à pleurer !

Rey ? Pleurer ? Pour moi ?

Stéphanie m’éloigne de ses bras, son visage est tout à coup grave.

  • Tristan… C’est quoi toutes ces marques de coupures sur ton corps ? Tu te… scarifies ? Tu ne le faisais pas avant…

Sa voix est pleine d’angoisse mais aussi de questions. Elle ne me juge pas : elle essaie de comprendre mon esprit torturé.

  • Je… Ma… Non… Euh…

Je ne sais absolument pas quoi lui répondre. Je ne peux pas lui parler de mes sentiments pour Rey ou de mon désespoir de le savoir en couple avec Lydia… Tout ce que j’ai à faire c’est…

  • Pardon, Ma… Je… Je ne…

Non, je ne peux pas dire que je ne voulais pas faire ça. Je mentirai non seulement à moi-même mais à elle aussi.

  • Tu as une voix magnifique… Mais je ne veux pas de tes excuses. Je veux juste que tu ailles bien. Que tu arrêtes de te faire du mal. Quelque puisse être ton problème, je veux être la première personne à qui tu te confies. Je serai toujours présente pour toi, Tristan. Après tout, tu es mon fils à présent.

Je la regarde et un voile de larmes brille dans ses yeux bleus. À ce moment-là, mon ventre émet un gargouillement pas très charmant. Stéphanie rit doucement.

  • Je vais te préparer quelque chose à grignoter.

Elle se lève et sort de la chambre. Je m’allonge sur le lit et ferme les yeux. Le lycée… Rien que d’y penser, j’en ai des frissons. Comment faire ?

  • Comment va-t-il, Ma ?

BABOUM !

La porte de la chambre n’est pas bien fermée et sa voix me parvient malgré le fait qu’il parle doucement.

  • Va voir par toi-même.
  • Vous vous êtes bien disputés alors ? Pourquoi ? À cause de Lydia ?
  • Tsss… Toujours à s’inventer des films, celle-là…
  • Rey… Il va bien falloir mettre les choses au clair avec elle… Tu l’aimes cette fille, oui ou non ?

Mon cœur a cessé de battre. J’attends sa réponse presque autant que Stéphanie. Mais Rey ne répond pas. Ou alors, sa réponse, il l’a marmonné.

  • J’ai vu les pilules éparpillées dans la chambre de Tristan. Y a-t-il quelque chose que je dois savoir ?
  • Rey ? Attends !

La porte de sa chambre claque à ce moment-là.

  • Que se passe-t-il ? demande alors Arnold.
  • Je ne sais pas trop. Mais quelque chose cloche… Tu vas voir Tristan ?
  • Oui… Je… Hum… J’ai… mmmh… un deal à lui proposer.
  • Hannah ?

Après un petit silence, Arnold entre dans ma chambre. Si Stéphanie frappe à la porte, lui ne se donne pas cette peine. Je n’ose pas le regarder en face : il m’intimide toujours autant. Il s’assoit sur le lit et passe sa main épaisse dans le cou d’un air nerveux, comme s’il ne savait pas par où commencer.

  • Tu as fait une belle crise d'angoisse, garçon, commence-t-il. Sans compter la frayeur que tu nous as mise ! J’ai bien cru que Stéphanie et Rey allaient me tuer.

Je baisse la tête et rougis, sans pouvoir m’empêcher de sourire.

Alors Rey aussi s’inquiète pour moi ?

Arnold se racle la gorge.

  • Écoute garçon. Je ne suis pas très doué en matière de sentiments, Stéphanie l’est bien assez pour nous deux, mais je vais être honnête avec toi. Tu ne peux pas fuir indéfiniment tes démons. Il va falloir les combattre. Et je sais que tu peux y arriver.

Je n’en suis pas aussi sûr que toi, Arnold.

  • Écoute. J’ai un deal à te proposer. Nous irons voir le lycée demain matin : je parlerai au proviseur pour que tu aies, je ne sais pas moi, un emploi du temps aménagé. Cela se fait de plus en plus, histoire de te réintégrer petit à petit. À côté de ça, j’ai une amie qui recherche quelqu’un pour l’aider dans sa boutique de vêtements : tu sais, déballer des cartons, ranger les rayons, étiqueter, ce genre de truc… Ça te permettra de découvrir autre chose, qu’en dis-tu ?

Il me propose… un travail ?

Je ne sais pas trop quoi penser. Certes, je n’ai pas envie de retourner au lycée mais je ne veux pas non plus que ces personnes si gentilles avec moi aient des ennuis. Ils ont pris la peine de recueillir la larve que je suis, se sont occupés de moi. Se préoccupent pour moi. Que faire ?

  • Je te laisse réfléchir, garçon.

Tu vas arrêter de fuir, oui ?

Une voix dans ma tête. Elle s’est mise à hurler. Mais celle-là… Celle-là je ne la connais pas. Une voix forte, ferme. Pleine de détermination. Je ne saurais dire à qui elle appartient.

J'attrape la manche du pull d’Arnold et le regarde dans les yeux. J’ouvre la bouche pour parler mais n’y arrive pas. C’est frustrant. Extrêmement. Je lui fais signe d’attendre et descend du lit, chancelant, pour aller jusqu’à mon bureau.

  • Hop là garçon ! Attention ! Tu ne dois pas…

Je griffonne à toute vitesse. Mon écriture est presque illisible. Je dois coucher ces mots avant que je ne perde le courage de le faire. Il faut que ce soit marqué noir sur blanc. Ma nouvelle résolution. Je lui tends le papier. Il la prend, un peu surpris… Puis rigole.

  • Je crois que la reprise de l’école ne te fera pas de mal ! Alors voyons ça. “ Je suis d’accord avec votre deal. Je ferai de mon mieux. Et pour le travail. Et pour le lycée.” Tope là, garçon. Tu vas y arriver. Après tout, toute la famille Renaud est derrière toi.

Toute… la famille?

S’il savait ce que ces mots représentent pour moi… Il me tapote l’épaule, maladroit, me sourit avant de sortir de la chambre. Une fois la porte fermée, mes bonnes résolutions fondent comme neige au soleil. Je me mets à trembler.

Qu’est-ce que je viens de promettre ?

Je suis complètement fou. Je n’y arriverai jamais.

Il est presque 18h00. J’ai passé l'après-midi devant la télévision. Pas que je l’ai regardée, non. Elle a simplement produit un fond sonore qui m’a empêché de penser. Je n’ai pas vu Rey de la journée. J’ai un vide à la place du cœur… Comme si je ne pouvais rien ressentir s’il n’est pas là. C’est terrifiant. Comment peut-il être devenu si important en si peu de temps ?

Après sa conversation avec Stéphanie devant ma porte, il a pris sa moto. Depuis, plus rien.

Il est peut-être avec Lydia…

Cette simple pensée me fait froid dans le dos. Il n’a pas répondu à Ma sur la nature de ses sentiments pour elle. Il faut dire que j’ai eu peur de savoir. Je ne sais pas ce que je deviendrais s’il l’aimait… Mais je dois me préparer. Rey ne peut pas aimer un garçon. M’aimer moi.

Mon petit lion… Je…

Ce souvenir me fait frissonner.

Arnold a appelé son amie pour la prévenir que c’était d’accord : elle doit passer me voir dans la soirée. Nous devons aller au lycée demain matin pour discuter avec le proviseur. J’ai la trouille. Une peur bleue. Et je n’ai plus de pilule. Ni d’antidépresseur naturel.

Rey… Où es-tu ?

VROUM ! VROUM !

Sa moto retentit, en résonance avec mes prières silencieuses. Mon cœur bondit dans ma poitrine mais je n’ose pas bouger du fauteuil. Mes mains deviennent moites et ma respiration s’accélère. Il entre par la porte séparant le garage du salon et reste figé en me voyant. Nos yeux se croisent, s’accrochent et expriment ce que nos mots ne peuvent dire. Sa joue est rouge.

Tiens ? Pourquoi ?

Je fronce les sourcils et instinctivement, il y porte sa main. Il farfouille dans le sac en papier kraft qu’il tient et me lance quelque chose. Je l’attrape au vol. Un sourire apparaît alors sur son visage.

  • Je sais que tu en auras besoin pour demain.

Sa voix est douce, chaude. Je n’arrive pas à déterminer quel sentiment domine dans ces quelques mots. Protection ? Culpabilité ? Ou tout autre chose ? Il avance vers moi, hésitant. S’arrête. Secoue la tête et passe une main rageuse dans ses cheveux. Sans plus d’attention pour moi, il monte dans sa chambre. Je n’ai pas besoin de regarder dans ma main pour savoir ce que c’est. Mes pilules.

Comment ? Pourquoi ?

Mon cœur se gonfle d’un sentiment d’inachevé. Il manque quelque chose. Il me manque quelque chose. Même si j’ai peur qu’il me rejette, je décide de monter le voir. Je dois savoir. Je veux sentir son regard. Sa présence. Son odeur. Ses larges mains. Son corps chaud contre le mien. Putain. Je veux voir Rey. Mon Rey.

Mon démon angélique.

À peine mon pied posé sur la première marche des escaliers qu’Arnold m’interpelle de la cuisine.

  • Hey, garçon ! Mon amie vient d’arriver. Viens, je vais te la présenter.

J’essaie de combattre le trouble en moi, ce mélange de sentiments contradictoires. Dans ma tête, je tourne dans la pièce comme un lion en cage en hurlant ma frustration mais ne fais rien dans la réalité. J’inspire un grand coup pour calmer mes nerfs, mes battements de cœur. Je range dans un petit coin de mon esprit mon envie de voir le garçon que j’aime.

Plus vite je répondrai à la demande d'Arnold, plus vite je retrouverai mon cocon, ma douce prison.

J’entre dans la cuisine, peu concentré sur la rencontre à venir. Je lève les yeux sur une femme au métissage improbable : ses traits maghrébins, sa peau bronzée et ses yeux verts m’ont tout de suite plu. Arnold me la présente comme sa petite sœur et Hannah le frappe gentiment en lui rappelant qu’elle est plus vieille de trois ans. Je m’assois avec eux. Arnold prévient Hannah que je ne parle pas.

  • Je parle bien assez pour deux ! rit-elle.

Sa bonne humeur est contagieuse et je me surprends à sourire malgré mon émoi. Elle m’explique pour sa boutique : elle y vend essentiellement des vêtements féminins mais aussi des accessoires comme des bijoux et des sacs. Sa dernière employée l’a énormément décue : en effet, cette dernière l’a volée en puisant dans la caisse dès qu’Hannah avait le dos tourné. Elle parle à grand renfort de gestes et de rires.

  • J’ai cruellement besoin d’aide. Lorsque qu’Arnie m’a appelé pour me demander ce service, et je préfère être honnête avec toi, je n’ai pas été emballée par l’idée. Mais je veux bien te laisser une chance. Après tout, il faut bien commencer quelque part ! Par contre, je ne te laisserais pas la caisse : chat échaudé craint l’eau froide, comme on dit. Tu feras essentiellement de la manutention : accueil des livraisons, déballage de cartons, mise en rayon et étiquetage. Voilà. Si jamais tu t’en sors bien, je pourrais éventuellement te donner plus de missions. On est d’accord ?

Je lui réponds par l’affirmative. Elle me sourit, sans aucune arrière pensée, un sourire sincère, plein d’empathie.

  • Ne m’en veut pas mais tu ressembles tellement à un chiot blessé, qu’il est très difficile de ne pas s’attacher à toi.
  • Hannah ! s’offusque Arnold.

Bizarrement, ses mots ne me vexent pas et me font même sourire. Elle éclate de rire avant de plonger ses yeux verts dans les miens.

  • On se dit donc demain après-midi mon petit Tristan ?

Finalement, Hannah est restée dîner. Je n’ai pas eu l’occasion de monter à l’étage. Chaque minute qui passe est comme une torture pour moi. Pourtant… Pourtant, je pourrais me sentir bien ici, au milieu de ce foyer calme et aimant. Ma me couvre d’attentions, Arnold m’a finalement compris et Hannah n’arrête pas de se moquer gentiment de moi. Il ne me manque qu’une seule chose : que Rey soit présent à cette table avec nous. Mon coeur se serre douloureusement.

  • Bon, il se fait tard. Je vais devoir rentrer chez moi, prononce Hannah d’une voix légèrement pâteuse.
  • Ouh là, madame ! Je crois que vous avez un peu trop bu ! sermonne Ma.

Hannah sourit d’un air coupable avant de se passer une main lasse sur le visage et d’étouffer un bâillement.

  • Tristan, me dit Arnold, nous allons la ramener. Elle travaille demain et va avoir besoin de sa voiture. Fanny ? Je conduis la sienne et tu prends le 4x4 ?
  • Une minute, j’arrive ! Mon grand ? Pourrais-tu apporter ça à Rey s’il te plaît ? Il n’a pas mangé depuis hier midi il me semble… Je suis assez inquiète. Lui qui mange comme un bœuf d’habitude…
  • Oui, Ma, pas de problème.

Ses yeux me remercient. Je tiens dans les mains un sandwich et une canette de jus de fruit. Je les laisse partir avant de me tourner vers les escaliers.

À nous deux Rey.

J’arrive devant sa chambre et tend l’oreille. Aucun bruit. Il est vraiment là ? J’en ai presque des doutes. Soudain, j’ai une idée. J’entre dans ma chambre et passe par la fenêtre pour m’introduire dans la sienne.

Exactement comme toi.

J'atterris en douceur sur le sol en ne faisant pratiquement aucun bruit. Il fait sombre. Je dépose le sandwich et la boisson sur un coin du bureau. Sa chambre est un vrai bazar : vêtements, CD, feuilles, crayons, pinceaux, tout est posé en vrac sur le sol. Son lit, plus grand que le mien, est dans un angle de la pièce, face à la fenêtre. Je m’approche, le cœur battant. Il est roulé en boule sur sa couverture, dos à moi et torse nu, des écouteurs vrillés dans les oreilles. Une musique rap me parvient en sourdine. Sa respiration est lente et paisible. Il dort.

Je le regarde et les larmes me montent aux yeux. Je l’ai vu il y a quoi ? Quelques heures à peine ? Mais il m’a terriblement manqué. Son dos musclé monte et descend lentement au rythme de sa respiration. J’ai envie de parcourir chacune de ses cicatrices avec ma langue. Je rêve qu’il me serre dans ses bras musclés… quitte à me faire mal. Je voudrais tellement passer une main dans ses cheveux qui semblent si doux…

Mon corps est inexorablement attiré par le sien. Lentement, je pose un genou sur le lit, puis un autre. Je m’allonge tout contre lui et passe mon bras sous le sien pour poser ma main sur son ventre, exactement comme il l’aurait fait avec moi. J’ai senti son sursaut : je sais qu’il est réveillé mais je ne vais briser ni ce silence ni mon étreinte. À mon tour de poser mes lèvres dans son cou et de respirer son odeur à plein poumon.

Menthe/huile/cigarette. Un parfum que je mettrai en bouteille pour mon utilisation personnelle.

Inversons les rôles, Rey.

  • Qu’est-ce que tu fais là ? me demande-t-il d’une voix qu’il espère neutre.
  • Tu crois que tu as l’exclusivité de l’intrusion par la fenêtre ? Je sais le faire aussi…

Il pouffe et pose sa main sur la mienne. Mon sourire démono-carnassier est de retour. Il se cale plus confortablement contre moi.

Je rêve ou il inverse vraiment les rôles ? Comme cette nuit-là…

Non… Il va encore plus loin. Il prend ma main pour la porter à ses lèvres. Il suçote mon doigt et ce geste a des répercussions jusqu’à mon bas-ventre. Je déglutis dans son cou et en profite pour le lui lécher. Sa peau est délicieuse. Son soupir est… tellement…

  • Tu m’as manqué… lui avouai-je doucement.
  • Je… Je ne comprends rien… Rien de ce qui se passe entre nous…
  • Je n’ai pas de réponse à te donner… (Enfin si… Mais tu n’es pas prêt à l’entendre ni moi d’assumer) Rey…

Ma voix n’est plus la même. J’ai envie de lui hurler mes sentiments mais en même temps j’en ai peur. Je suis un garçon qui en aime un autre. Il se retourne lentement et me caresse le visage. Cette proximité et cette douceur me sont soudain insupportables. Elles me font plus de mal que de bien. Mes yeux se plongent dans les siens et je souhaite, je veux qu’il y lise ce que ma bouche ne peut pas lui dire.

  • C’est quoi ce regard ? me demande-t-il, un je-ne-sais-quoi dans la voix.

Que répondre ? Je ne sais pas. Je ferme les yeux mais la pression de ses mains sur mon visage m’incite à les rouvrir.

  • Rey…

Je murmure son nom, suppliant. Suppliant quoi je ne sais pas moi-même mais je le supplie. Supplication pour qu’il comprenne peut-être tout, sans que j’ai à lui dire. Sans que j’ai à lui expliquer. Mes larmes finissent par déborder.

Sa bouche se pose soudain sur la mienne. Violemment. Estomaqué, je ne réalise pas ce qui se passe. Rey se fait plus pressant : il me plaque sur le lit, lui entre mes jambes et me dévore les lèvres, sa dualité plongé dans mes yeux noisettes. Je finis par entrouvrir ma bouche pour lui laisser le passage et il y glisse sa langue pour venir rencontrer la mienne. La sensation de son piercing contre ma langue est indescriptible. Elles dansent ensemble comme si elles se connaissaient depuis toujours. Je n’ai jamais embrassé ni été embrassé comme ça auparavant. J’enroule mes bras autour de son cou et le rapproche encore. Son corps musclé est plaqué contre le mien et une douce chaleur me remplit les veines. Je ne veux pas que ce moment s’arrête. Finalement, il se détache de moi.

  • Putain… Petit lion… Mon petit lion… Qu’est-ce que tu me fais, merde ? chuchote-t-il.
  • Tu ne veux vraiment pas le comprendre ?

Nos yeux toujours accrochés, je balance mon bassin contre le sien. Nos deux érections se frôlent à travers nos vêtements. Je peux lire la surprise dans ses yeux. Il pose sa tête dans le creux de mon cou en soupirant langoureusement.

  • J’ai envie de toi autant que toi de moi, je lui susurre à l’oreille.

Il relève la tête et me regarde, une nouvelle lueur dans les yeux. À nouveau, son visage se penche vers moi. Il m'embrasse encore, mais cette fois-ci plus lentement, avec beaucoup plus de douceur. Nos paupières se sont fermées pour mieux savourer les sensations de nos lèvres emmêlées. Sa main se fraye un chemin sous mon T-shirt et mon corps se raidit. J’ai peur.

Le moment est arrivé. Que va-t-il se passer après ça ?

À nouveau, les larmes perlent malgré moi et Rey les sens couler sur mes joues. Il veut s’éloigner de mon visage mais je l’en empêche : si ses lèvres sont sur les miennes, il peut la toucher.

Ses doigts montent au-dessus de mon nombril, arrivent presque jusqu’à ma poitrine et frôlent le bord de ma propre cicatrice. Il la touche dans toute sa longueur et sa largeur. Il a un sursaut de surprise en réalisant l’ampleur des dégâts. Sa bouche finit par quitter la mienne, la chaleur de son corps aussi. Rey s’est levé et a allumé la lumière. Ses yeux se font interrogateurs. Limite inquisiteurs. Il se rapproche de moi, qui suis assis sur le lit, le visage inquiet. Il prend l’ourlet de mon T-shirt et le soulève doucement. Je le laisse faire. Il me l’enlève.

Lorsque je suis torse nu, je peux lire l’horreur sur son visage.

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