Chapitre 2 : Le temple des Morteplaines - Partie 3

6 minutes de lecture

Lorsqu’Arch rouvrit les yeux, les premières aurores enveloppaient le camp d’une douce lumière. Le vent de la veille avait laissé place au chant des oiseaux. Une belle journée s’annonçait. Il enfila quelques vêtements et son manteau puis attrapa son arme. Criss dormait toujours, mais la couche d’Armin était vide. Il sortit à l’extérieur en se frottant les yeux et fut vite interrompu après quelques mètres.

— Oh ! Bonjour Arch.

Armin approchait, les bras chargés de bois. Le jeune homme se précipita pour le soulager et l’accompagna jusqu’au foyer, à présent couvert de cendres.

— Je ne pensais pas que vous seriez debout de si bonne heure.

— C’est une habitude, confia le marchand, je ne dors pas beaucoup. Mais je pense être le plus surpris de nous deux. Entre nous, je te pensais tout aussi matinal que Criss, à tort sans aucun doute. Oh par les dieux si tu savais. Ce garçon est une vraie loque lorsque nous partons chasser.

Arch ne put s’empêcher de pouffer. Quelle description parfaite.

— Je pense être tout aussi surpris. Sans vous manquer de respect, le connaissant, je m’attendais à la même chose vous concernant.

Après une courte surprise, Armin rit à gorge déployée.

— Bien envoyé mon garçon.

Il baissa les yeux et considéra le jeune homme des pieds à la tête. Ils n’avaient pas eu l’occasion d’être seuls depuis le départ. Arch l’intriguait, au-delà de ce qu’il savait déjà de lui au village. Criss n’avait de cesse de lui en parler, mais il était différent des récits de son neveu. Armin était habitué aux rencontres, le métier de marchand n’y était pas étranger. S’il le trouvait sympathique aux premiers abords, il décelait en lui une solide méfiance. Il s’attarda sur le fourreau que portait le jeune homme, enroulé dans un linge blanc, et sur la façon qu’il avait de le tenir. Il savait se servir d’une arme, c’était évident. A la simple vue des gravures présentes sur la garde et sa forme travaillée, le marchand reconnut une arme que peu pouvaient se vanter de posséder.

— Cela semble être une belle épée que tu as là. Je ne savais pas Tadeus collectionneur d’objets de ce genre.

— Elle appartenait à mon père.

Armin garda le silence à l'entente du ton dans sa voix, et hésita un moment en frottant sa courte barbe. Ne souhaitant pas parler d'une situation qu'il ignorait, il se contenta d'acquiescer.

— Je vais m’absenter pour la matinée, j’ai à faire pour le village. Je t’invite à ne pas laisser mon neveu dormir trop longtemps. Les mauvaises habitudes le gagnent vite.

Le jeune mage l'observa gravir un petit sentier en direction du col. Il se retourna vers Criss, encore endormi dans ses couvertures. Décidé à ne pas attendre, il attrapa un petit paquet de neige et lui lança directement dessus. Criss se leva d’un bond, paniqué, et balança ses bras à tout va comme un forcené. Il vit alors Arch se tenir devant lui, les mains encore humides.

— Tu veux me faire mourir de froid ou quoi ? s’époumona-t-il en se relevant.

— Ton oncle vient de partir. Il m’a demandé de te réveiller.

— De cette façon ?

Arch haussa les épaules.

— J’ai improvisé. Tu devais m’enseigner la chasse, ajouta-t-il en désignant les arcs et carquois disposés sur le mur, et non pas profiter de la journée pour dormir.

— La journée ? Une heure de plus m’aurait suffi.

— J’en doute. Ton oncle aussi.

Criss laissa échapper un court soupir résolu. Il était doué à l’arc, meilleur même que son oncle, qui lui avait tout appris. Il lui avait répété à de nombreuses reprises qu’avec l’entrainement adéquat, ses tirs rivaliseraient avec ceux des meilleurs tireurs. Il était un chasseur né. Pas une cible ne lui échappait, qu’importe la distance, qu’importe le vent. C’était un talent rare et il savait s’en servir à la perfection. Néanmoins, il n’avait jamais su appliquer celui-ci à la magie, à son grand désarroi. Elle était trop instable, trop capricieuse. Il lui préférait la fiabilité du bois et de la corde. Il enfila son manteau puis se dirigea vers le mur pour y prendre l’un des carquois. Il le passa autour du cou, réglant la sangle d’un mouvement sec. Il attrapa ensuite le second et le lança dans les bras de son camarade sans prévenir. Ce dernier le rattrapa maladroitement, surpris.

— Pour commencer tu auras besoin de ça, lui dit-il avec un sourire satisfait. Et aussi de ça.

Il s’exécuta à nouveau avec l’arc et prit un certain plaisir à voir son ami s’en saisir à grande peine, menaçant de déverser ses flèches à terre. Une fois la situation sous contrôle, Arch pouffa. Il l’avait bien cherché, quelque part.

— Où allons-nous ? Demanda-t-il en ajustant la sangle de cuir. Qu’est-ce qu’on chasse aujourd’hui ?

— Pas si vite cher ami. Je pourrais te dire que nous allons plus en altitude, là où mon oncle a trouvé de nombreuses traces hier et où le beau gibier abonde mais… Ça serait mentir. Tu ne vas pas échapper à tes premières leçons ennuyeuses.

Les deux amis achevèrent rapidement leurs préparatifs et se mirent en route, quittant le camp pour la journée. Ils empruntèrent le même petit sentier qu’Armin puis bifurquèrent de l’autre côté.

Pendant ce temps, ce dernier poursuivait sa marche vers le col, gagnant en altitude à chaque pas. Il ne tarda pas à rejoindre la lisière de la forêt qui s’étendait sur la majeure partie de la montagne et surplombait le village qu’il pouvait à peine apercevoir au loin. Il prit une longue respiration et contempla la vallée. Un doux sentiment de liberté lui arracha un discret sourire. Il finit par détourner le regard et le riva immédiatement derrière lui, vers un arbre en particulier. Son air changea, plus grave, tandis qu’il s’en approchait.

Il s’arrêta devant l’immense mélèze et plaça sa main sur l’écorce. Il décrivit une longue courbe à travers ses reliefs puis s’arrêta au contact de la résine qui s’attacha à ses doigts. D’épaisses lacérations parcouraient le tronc. Il espaça ses doigts pour en mesurer la largeur. C’était l’œuvre d’un jeune ours, sans l’ombre d’un doute. Il réfléchit longuement. Le conseil du village l’avait informé plus tôt dans la semaine des dires de certains chasseurs, sur le comportement étrange de certains animaux. Il le constatait à son tour. Si l’hiver était bien avancé, les ours de la région ne quittaient pas leur tanière avant le printemps. Les torrents où ils trouvaient leur nourriture ne s’écoulaient pas non plus sur ce versant. Il était donc rare d’en trouver dans cette partie de la montagne. En temps normal, il ne se serait pas inquiété, mais la disparition de l’un de ses chasseurs, qu’elle soit accidentelle ou liée à ces évènements, méritait son attention.

Il se baissa et passa la main sur le sol avec une minutie experte. Le gel lui compliquait la tâche, effaçant en partie les marques sur les parcelles de terre épargnées par la neige, mais il y était habitué. Il effrita la terre entre ses doigts. Ces marques étaient plutôt récentes, un jour tout au plus. Il ne put cependant remonter la piste, elle se perdait à peine après quelques mètres, là où la neige avait été battue par le vent de la nuit dernière. Il abandonna donc l’idée de poursuivre en dehors de la forêt et y pénétra. Il marcha longuement, les yeux rivés sur le sol à la recherche d’empreintes et finit par s’arrêter devant une série de buissons. Ses yeux se plissèrent rapidement. Une touffe blanche s’était prise dans les épines. Il la fit rouler entre ses doigts. Les poils étaient d’une particulière douceur. Il détourna le regard vers sa gauche et s’arrêta sur une trace de patte, plus fine que celles aperçues jusqu’ici, et davantage appuyée. La méfiance le gagna.

— Voici donc la raison de tout ceci.

Il s’accroupit, surveillant brièvement les alentours. Ses doigts parcoururent longuement les contours de l’empreinte, comme s'il cherchait à se convaincre. Il n’y en a pourtant pas dans ces montagnes, pensa-t-il. Il se releva et son regard se tourna en direction du camp.

— Mieux vaut prévenir les enfants…

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 5 versions.

Vous aimez lire Cylliade ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0