Maël (petite réflexion sur les prénoms bretons)

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Les prénoms bretons reviennent à la mode, soit en surfant sur la vague des prénoms américains (exemple : Kevin, qui est la version celte de Gauvain, le chevalier de la table ronde), soit en surfant plutôt sur la vague des prénoms de fantasy, qui ont généralement des résonnances celtes. Farëanor (Magarcane, Matthieu Bobin) ou Arwen (Le Seigneur des Anneaux, J.R.R. Tolkien) en sont la preuve, même si ce sont généralement des prénoms plus ''light'', qui sonnent moins ''film'' ou qui comptent moins de syllabes, qui sont donnés aux enfants. Pour l'anecdote, Arwen vient d'une des langues elfiques inventées par Tolkien, dans laquelle le nom signifie ''Noble jeune fille'', mais si on prend des racines bretonnes, on peut trouver du ''arzh'' et du ''gwen'' qui donneraient plutôt ''ours blanc'', quant au gallois il donne ''juste'' ou ''belle''.

J'ai trop de temps libre ? Oui je sais.

Bref, les prénoms qui sonnent exotiques tout en étant acceptables selon la loi française au titre de particularismes régionaux (loi du 11 germinal, an XI, modifiée 3 mai 1966, mais revenons à nos agneaux de Pré-Salé), tels les prénoms bretons, reviennent à la mode pour diverses raisons évoquées plus haut.

En tête ? Maël (et sa variante féminine Maëlle). Maël est le dixième prénom le plus attribué à un garçon en 2019, tandis que Maëlle se classe en quatre-vingt-treizième position pour les filles. Certes, 93 c'est loin du début de la liste, mais je vous signale qu'Arsène n'est nulle part dans les cent premiers prénoms, pas plus que Nicolas ou Pierre (tandis que Mathis est suffisamment populaire pour être deux fois dans la liste, sous deux orthographes différentes) qui sont des prénoms pourtant assez courants à première vue. Pas Arsène, juste Nicolas et Pierre. Arsène on sait tous que c'est un prénom qui n'est porté que par les gentleman-cambrioleur et les conteurs.

Revenons à Maël et aux autres prénoms bretons. Maël signifie Prince, tandis qu'Armaël signifie Prince-Ours, ou Prince des Ours. Dans la catégorie bretonne, on notera également Tanguy (guerrier du feu), Annaïg (petite Anna, qui vient de l'hébreux et signifie grâce), Gwendolyne (anneau blanc entre autres significations possibles), Efflam (bon)...

Étant donné la popularité des prénoms bretons, il n'y a pas forcément de règle d'usage, me direz-vous. N'importe qui (à condition d'être français, pour une autre nationalité c'est étrange de donner la version francisée d'un prénom breton à son enfant) peut se nommer Maël. Vous avez tort.

Parce qu'on n'est pas ici pour étudier les statistiques et nommer un personnage selon le prénom le plus populaire de son département d'origine l'année de sa naissance. C'est plus de l'onomastique, là.

Nous allons donc étudier sans plus attendre les deux mamelles de l'onomastique : l'étymologie et les précédents historiques et littéraires.

Oui bon les précédents historiques et littéraires, on laisse tomber, à part que Saint Maël était le neveu de Saint Patrick (évangélisateur de l'Irlande), il n'y a pas eu beaucoup de Maël dans l'Histoire ou la littérature. Aucun ne me vient à l'esprit. Si je rate quelque chose, n'hésitez pas à le signaler dans les commentaires, le savoir est fait pour être partagé.

Reste l'étymologie.

Maël signifie prince, je l'ai déjà signalé. Mais attention, la langue d'origine compte autant que l'étymologie : en effet, la Bretagne indépendante, le duché de Bretagne, celui d'Anne, la duchesse en sabots, mais aussi la zone bien antérieure, terre des druides et de la magie, n'a pas la même atmosphère que celle d'aujourd'hui. La Bretagne de l'époque peut être résumée en parlant, outre de chaumières à toits d'ardoise et de pluie, de magie, de légendes, de lutins, et de systèmes claniques qui feraient pâlir d'envie les Écossais, le tout sur des landes sauvages. On ne parle donc pas ici de prince au sens strict de garçon membre de la famille royale, mais de l'un des meilleurs et plus influents guerriers du clan, l'héritier du chef de clan. Donc par Prince, voyez ''grand guerrier barbu avec une épée'', possiblement en armure puisqu'après tout, la matière de Bretagne est le nom donné à un ensemble de légendes dont ont pu s'inspirer les auteurs médiévaux, parmi lesquels la Légende du Roi Arthur. Mais bien sûr, la légende arthurienne telle que nous la connaissons est une version revue et corrigée de la légende d'origine, par des auteurs vivant au temps de l'amour courtois.

Maintenant que nous avons tous ces éléments, dressons le portrait robot de Maël.

Il est français. Il est jeune, vu que la recrudescence des prénoms bretons est récente, et surtout parce qu'un prénom court, de quatre lettres, est plus généralement attribué de nos jours qu'il y a soixante-dix ans (à l'exception d'Anne ou Jean, qui sont des prénoms intemporels), à moins qu'il ne s'agisse d'un roman ne se passant pas à notre époque, si c'est le cas voir plus bas.

Il est fort, courageux, il croit à la magie (ou, selon le thème du livre, il veut toujours voir le bon / beau côté du monde...) dans un sens positif, il est honnête (amour courtois), et il protègera coûte que coûte un personnage féminin (toujours amour courtois), même si là vous pouvez le faire protéger sa mère, sa soeur ou sa fille et non pas forcément sa promise, surtout si il a dix ans dans l'histoire (bon cela dit s'il a dix ans il est peu probable qu'il ait une fille).

Par contre, malgré ce portrait robot très flatteur, il ne vaut mieux pas le donner au héros de votre roman, étant donné que, comme expliqué dans le chapitre Jules des mêmes Chroniques, un prénom trop court donne un aspect ''diminutif'' même lorsque ce n'est pas le cas et donne l'impression au lecteur qu'on le force à être proche d'un personnage qu'il n'appréciera peut-être pas, et que de toute manière il vient de rencontrer.

C'est pour ça qu'on peut donner au héros un prénom dérivé de Maël (surtout si le personnage vient d'un autre monde) : si vous en faites un elfe, vous pouvez l'appeler Thilmaël ou Accarmaël (Thil, la lumière, et Accar, le fait de se venger, toujours chez Tolkien parce que j'ai un seul dictionnaire d'elfique sous la main et que c'est celui des langues du Silmarillon), par exemple, tandis que si vous en faites un chevalier à Azincourt, Armaël conviendra très bien. Maëlwen (prince blanc) peut être transformé avec un peu d'imagination en Maïwen, pour une fille (même si Maïwen n'a pas exactement la même étymologie), et ainsi de suite. Vous pouvez aller faire vos propres recherches si vous voulez donner un prénom qui veuille vraiment dire quelque chose en breton, je ne vais pas vous faire une liste de tous les adjectifs et noms communs de la langue bretonne, d'abord c'est pas pour ça que j'ai signé en commençant ces Chroniques, ensuite c'est très amusant de fouiller dans un vieux dictionnaire (ou sur internet pour les moins téméraires) et je ne veux pas vous priver de ce plaisir.

Vous pouvez bien sûr mélanger et prendre des racines grecques ou germanique, Astrémaël pour un prince des étoiles, si vous avez un astronome ou un prince extra-terrestre, ou Maëlwig, la voie du prince, pour une route... Bref, vous pouvez faire comme vous voulez.

Maintenant bien sûr si c'est un roman historique que vous écrivez, quelques petits conseils : d'abord, n'appelez pas Maël n'importe qui. Avant la seconde moitié du XX° siècle, personne n'aurait eu l'idée saugrenue d'appeler son fils Maël sans être breton ni vivre en Bretagne (souvenez-vous de la loi mentionnée au début de l'article, modifiée en 1966, avant ça la mode n'était pas vraiment aux prénoms bretons dans des terres non-bretonnes). Donc avant les années 60 ou 70, si vous appelez votre héros - ou personnage quelconque - Maël ou Armaël ou autre, qu'il soit breton. Dans tous les cas, associez le prénom à un personnage plein d'imagination.

Des Maël célèbres ou de fiction, je n'en connais pas, mais vous êtes libres de les nommer dans les commentaires.

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