Chapitre 4.1 : Le château dans les nuages

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Au cœur du vaste plateau sur lequel s'élève la citadelle d'Arianna, un château domine le paysage. Tandis que les premières lueurs rosées annoncent le lever du soleil, illuminant peu à peu les pierres grises patinées par les ans et le bois sombre, ce dernier se dresse vers le ciel comme un défi aux éléments. Parfois, les nuages denses viennent s'accrocher à ses murs, engloutissant sa base dans une brume épaisse. L'actuel propriétaire est Frédéric Ier, roi d'Arianna.

Au pied de ces marches monumentales, une foule commence à s'amasser. Les tenues élégantes et raffinées des convives trahissent leur rang : nobles, conseillers, hauts fonctionnaires, tous unis par le prestige et la puissance. Flostia se fraye un chemin dans l'assemblée, suivie de près par Hilaris, qui salue les autres invités avec une courtoisie calculée, prononçant leurs noms d'une voix posée. Ils s'approchent alors d'un homme en particulier. Elle est chaleureusement accueillie. Des bras s'ouvrent largement en un geste bienveillant, tandis qu'un sourire éclaircit le visage de son hôte.

— Chère Flostia ! s'exclame-t-il. Quel plaisir de te revoir ! Comment se porte le Doyen ?

Flostia achève l'accolade avec une réponse vive :

— Albinus ! La joie est réciproque ! Le vieux va bien, en pleine forme… même si parfois, il semble perdre la mémoire !

Un rire moqueur s'échappe des lèvres d'Albinus. Il lance un regard amusé à Flostia avant de répondre avec une ironie subtile :

— Ah, je comprends mieux pourquoi il passe désormais tout son temps dans le temple plutôt que de se joindre à nos réunions ! Il a donc oublié la sortie !

Flostia acquiesce en riant doucement, partageant la plaisanterie. Hilaris, lui, préfère se tenir à l'écart, évitant les regards indiscrets.

— Tu es toujours aussi peu soucieux des convenances, mon cher Hilaris. Mais j'ai toujours apprécié ton franc-parler, dit Albinus.

Hilaris, visiblement déconcerté par cette remarque inattendue, arque les sourcils avec perplexité. Finalement, ne semblant pas vouloir en faire un drame, il se contente d'un simple :

— Ah, d'accord. Merci.

Il replonge ensuite dans son silence habituel, un voile de mystère dissimulant ses pensées. Albinus se tourne vers Flostia :

— Est-ce ta première réunion du conseil du roi d'Arianna ?

— J'y ai participé l'an dernier. Mais entre nous, il ne s'y passe pas grand-chose. Le roi prend toutes les décisions et ne consulte jamais les Précurseurs. Je pensais m’endormir au bout de dix minutes. L’homme au bras métallique laisse échapper un grognement.

— Ce vieux tyran ne nous a jamais aimés ! Je ne sais où tu tires cette patience…

La Précurseur, piquée par le manque de tact d’Hilaris, lui fait signe de se taire et répond sèchement :

— Il n’y a pas que les mots qui comptent. Notre présence à ces réunions donne de la légitimité à notre cause.

Hilaris fronce les sourcils, prêt à répliquer, lorsque Flostia ajoute d'un ton tranchant :

— Je sais très bien ce que tu insinues. Va donc te dégourdir les jambes. J’irai seule à cette réunion.

Un sourire éclatant se dessine sur les lèvres d’Hilaris.

— C’est pour ça que je vous adore cheffe !

Soudain, l’arrivée du roi dans un carrosse suspend ce moment. Les lourds portails en fer forgé du château s'ouvrent en grinçant, laissant entrer Frédéric Ier dans toute sa majesté. Le carrosse royal, chef-d'œuvre d'orfèvrerie et de bois précieux, roule sur le chemin pavé, ses roues dorées scintillant sous les rayons du soleil. Ce carrosse somptueux, symbole du pouvoir et de la grandeur, est tiré par deux créatures extraordinaires : des Parasaurolophus.

Ces dinosaures imposants se tiennent fièrement, leur peau écailleuse teintée de nuances de vert émeraude et de jaune d’ambre, scintillant doucement à la lumière. Leurs crêtes élégantes, en forme de tubes creux délicatement incurvées vers l'arrière, semblent vibrer légèrement à chaque pas, produisant un son mélodieux. Les lourdes chaînes et les harnais de cuir, ornés de broderies dorées et de pierres précieuses, entourent leur cou et leur torse, attachant solidement les deux dinosaures au carrosse royal. Leur force physique est évidente dans chaque mouvement fluide et puissant de leurs muscles sous la peau, alors qu'ils tirent le carrosse sans effort apparent.

Autour de la cour du château, les gardes et les serviteurs s’écartent avec respect, leurs regards émerveillés fixés sur les Parasaurolophus. Tandis que le carrosse approche de l'entrée principale, les dinosaures ralentissent leur allure, comme conscients de la solennité du moment. Le roi, vêtu de ses plus somptueux vêtements, émerge du carrosse, son regard balayant les visages de ses sujets et invités rassemblés. Les gardes royaux, qui se sont déplacés pour ouvrir la porte du carrosse, restent au garde-à-vous. Le roi, s’avance avec une lenteur mesurée, chaque pas résonnant sur les pavés comme un écho de son autorité. Ses vêtements richement brodés, ornés de fils d’or et de pierres précieuses, semblent capturer la lumière autour de lui. Ses cheveux longs, gris et blancs, partent vers l’arrière, tandis que sa barbe épaisse, de la même couleur, encadre un visage marqué par les années. Ses yeux d'un ambre profond, contrastant avec un regard faussement sévère.

Le second à émerger du carrosse est son fils unique, le prince Godefroy d’Arianna. S’il n’avait pas été le fils du roi, on aurait difficilement pu deviner leur lien de parenté. Godefroy, plus jeune et fougueux, affiche une allure désinvolte. Sa tenue, bien que somptueuse, porte des signes d'une préférence pour la praticité : des bottes de cuir souple noires, une épée au côté, et un manteau de velours bleu marine plus sobre et court que son père.

Enfin, une dernière personne sort du carrosse. L’attention de Flostia et d’Hilaris prend une tournure obsédante. La teinte du visage de Flostia vire au rouge. Elle chuchote d’un ton sévère :

— Non… Pourquoi un être aussi abject vient à la réunion ?

Hilaris répond, tout aussi désemparé :

— Le roi veut-il la mort de son royaume ? Il vient d’ouvrir la porte au marais des Spinosaures…

Albinus demande simplement :

— Un Atlante ? Ici ?

Les rayons du soleil soulignent la couleur bleu turquoise de la peau du troisième personnage. D'une allure condescendante, ses cheveux couleur platine et ses vêtements bleu océan et blanc forment des symboles à la signification incompréhensible. Le roi et le prince avancent côte à côte, le père avec sa sagesse et sa gravité, le fils avec son énergie. L’Atlante reste en retrait, cherchant à se protéger du soleil.

Le silence dans la cour est lourd de respect. Les gardes et les invités retiennent leur souffle, attendant un geste des souverains. Frédéric lève la main, saluant chacun de ses sujets tout en montant les longues marches vers le château. Adria Golpe, tout en haut, observe le prince d’un regard attentionné. Parvenus au seuil du château, ils s'engagent sous l'imposante voûte de pierre, précédés par la noble assemblée qui escorte la royauté. Flostia esquisse un sourire à son proche ami :

— Albinus, sois gentil et occupe-toi d'Hilaris pendant que je serai à la réunion.

Albinus ricane discrètement et répond :

— Tu me prends pour ton homme de service ?

Un clin d'œil complice échangé, Flostia franchit le seuil du château. Passant par un couloir de pierre, le prince présente machinalement aux invités les décorations avec des termes éloquents. L’allée est tapissée de tableaux à la gloire des familles nobles précédant Frédéric Ier. C'est magnifique, pense Flostia. Les efforts sur la décoration sont impressionnants. On devrait faire pareil dans notre temple.

Arrivés au bout du chemin, la salle de réunion s’ouvre à leur arrivée. La vue plongeante sur la vallée et le fleuve Olaus éblouit les yeux de Flostia au point qu'elle porte une main à ses paupières. Cette salle présente en son centre une longue table ovale où cinquante personnes peuvent s'asseoir. Des chevalets en bois, gravés d’un nom ou d’un symbole représentant des organisations, y sont disposés. Dans un ordre et un placement millimétré.

À l'arrière du siège royal se détache une œuvre fascinante : une carte peinte avec un ensemble de détails. Flostia, les yeux brillants d'émerveillement, effleure du bout des doigts les reliefs de ce plan. Oh... C'est absolument magnifique ! L'artiste a dû y passer des heures... Chaque trait est si précis, si vivant. C'est comme si le paysage était vivant. Elle recule légèrement pour mieux embrasser l'ensemble du tableau, puis se penche à nouveau, fascinée par les détails. Toutefois, un détail dépare cette perfection : les reliefs s'arrêtent indéniablement au-delà d'un certain rayon autour du royaume d'Arianna. La surface demeure blanche, comme une contrée inconnue. Seul un mot y est tracé en son milieu : « AMASIA ». Votre ignorance est une bénédiction, car le monde extérieur à votre royaume dépasse en horreur tout ce que vous pourriez imaginer.

Le roi pénètre dans la salle en compagnie d’une dizaine de nobles, aisément identifiables à leurs tenues de velours, qui prennent place à sa droite. Face à eux, une autre dizaine de hauts fonctionnaires, certains vêtus d’uniformes militaires, s’installent de l’autre côté. Peu à peu, les convives arrivent et la table se remplit, le prince venant s’asseoir auprès de son père.

— Bonjour, lance Golpe en s'asseyant parmi les nobles.

Des invités d’honneur rejoignent ensuite l’extrémité de la table, face au roi. En lisant les chevalets en bois, on comprend les fonctions des convives : « Émissaire Atlante », « Émissaire Tutelien », « Émissaire Neuterrien » et Flostia, « Émissaire de l’Ordre des Précurseurs ». Une seule chaise demeure inoccupée «Émissaire Tenebrienne ». Sans plus tarder, le monarque déclare :

— La séance peut commencer.

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